Les experts ont douté de Tristan Luneau. Et Tristan Luneau a douté de lui-même. Deux ans plus tard, sa résilience et sa patience ont rapporté.

C’était au début de la saison 2021-2022. Luneau revenait d’une blessure à un genou qui avait nécessité une opération et qui l’avait tenu à l’écart de la patinoire et du gym pendant six mois. C’était aussi le début de son année de repêchage. En début de saison, il était perçu comme un des plus beaux espoirs en défense de cette cuvée.

« Je ne vais pas te mentir : j’ai passé toute ma vie sans que le monde doute de moi. J’ai toujours été classé dans les bons espoirs. Le repêchage de la LHJMQ, ç’a bien été. Jusque-là, je n’avais pas eu trop d’adversité. »

Sauf que cette année-là, le premier choix au total de la LHJMQ en 2020 a dû redoubler d’efforts pour redevenir le défenseur qu’il était. Luneau a pourtant l’habitude de travailler fort : il est un perfectionniste.

Par bouts, ç’a été frustrant parce que tu vois tout l’effort que tu mets à essayer de revenir à ton 100 %. Tu t’en vas sur la glace, tu ne te sens pas comme toi-même, tu n’as pas la même forme.

Tristan Luneau, à propos de son retour après une blessure

À force de travailler derrière les rideaux, il a réussi à inscrire 43 points en 63 matchs avec les Olympiques de Gatineau. Ce qui ne l’a pas empêché de dégringoler dans les listes d’espoirs en cours de saison.

« En regardant derrière, je suis quand même content que ce soit arrivé tôt dans une carrière, dit-il. J’ai un peu douté de moi dans ces temps-là, ça a affecté mes performances plus que ça aurait dû. Mais [l’important] est vraiment de réaliser que tu es un type de joueur, un type de personne et qu’il n’y a aucune blessure qui va t’enlever ça. »

Le jeune homme a finalement été sélectionné par les Ducks d’Anaheim au deuxième tour du repêchage de 2022. Et lundi dernier, il a appris qu’il avait percé, à 19 ans, l’alignement de l’équipe pour le début de la saison.

PHOTO MARTIN ROY, ARCHIVES LE DROIT

Tristan Luneau avec les Olympiques de Gatineau

« J’y croyais vraiment »

Quand Tristan Luneau nous appelle à l’heure convenue, notre afficheur indique « Victoriaville, Québec ». Vérification faite, Luneau se trouve bien loin de Victoriaville. Il est à environ 4700 km de là, à Anaheim.

On le disait un peu plus tôt : Luneau est un perfectionniste. Ça lui vient de sa famille, nous raconte-t-il. Une famille sportive ; ses trois frères ont tous « excellé dans leur sport ». Le plus vieux a joué au football dans le Vert & Or de l’Université de Sherbrooke. Un autre est au Cirque du Soleil.

« C’est probablement le gars qui a le plus de discipline dans la famille ! »

« En grandissant, j’ai vu tous les efforts que mes frères ont mis. Mes parents aussi. Ils ont eu quatre gars sportifs. Essayer de tout coordonner et de nous donner le plus d’opportunités possible, ç’a été une job à temps plein pour eux. En grandissant, tu vois tout ça. Dans ma tête, je me dis : je vais essayer de travailler un peu plus fort que les autres pour que tous leurs efforts vaillent la peine. »

À l’école, Luneau est un premier de classe. Sur la patinoire aussi. Il a conscience que tout ne sera pas « tout le temps parfait », mais il essaie de ne pas être trop dur avec lui-même.

Sauf qu’en se rendant à Anaheim, il y a quelques semaines, il avait comme objectif de se tailler un poste avec l’équipe dès cette année.

Bien sûr, il est de coutume qu’un joueur arrive à un camp d’entraînement de la LNH avec l’idée de surprendre. Mais Luneau ne le disait pas seulement pour bien paraître : il y croyait « vraiment ».

L’année dernière, à son premier camp, le jeune homme tentait de faire ce que les entraîneurs lui demandaient tout en essayant de ne pas faire trop d’erreurs. Il voulait laisser une bonne impression. Cette année, l’objectif était de dominer dans chaque entraînement. Chaque match. Il ne voulait donner aux dirigeants des Ducks aucune raison de le renvoyer à Gatineau.

« Je ne voulais donner aucun doute que je suis capable de jouer chez les professionnels. Ç’a vraiment été la grosse différence [avec l’an dernier]. »

Dans le flou

Dans le monde du hockey professionnel, les joueurs sont rarement rencontrés par les dirigeants de leur équipe pour se faire annoncer qu’ils ont obtenu leur place dans un alignement. Luneau l’a réalisé dans les dernières semaines.

« Tu arrives chaque jour à l’aréna et tu espères que ta poche ne soit pas faite le matin et que tes billets d’avion ne sont pas déjà achetés », lance-t-il, quelque peu amusé.

Lundi dernier, il a passé la journée à surveiller Twitter afin de savoir si les Ducks iraient chercher un défenseur sur le marché.

Quand l’alignement est sorti officiellement, j’étais vraiment content ! Vraiment reconnaissant. C’est dans ces moments que tu réalises tout le soutien que tu as eu de ta famille, des amis proches, des agents qui t’ont permis d’avoir toutes ces opportunités-là.

Tristan Luneau

Quand on lui demande quel genre d’encadrement il reçoit à Anaheim, Luneau ne se fait pas prier pour vanter généreusement les installations « incroyables », les entraîneurs « qui sont tous là » pour lui et les vétérans « extraordinaires » et « très humbles ».

Le premier match de la saison des Ducks a lieu samedi, à Vegas, contre les Golden Knights. Au moment de notre entretien, le Québécois ignorait s’il ferait partie des six défenseurs en uniforme. Si ce n’est pas le cas, il « continuera à travailler fort pour l’être » éventuellement. Et s’il devait retourner à Gatineau pour une autre saison avec les Olympiques, il sera prêt.

« J’ai appris tellement dans les dernières semaines avec un camp d’entraînement complet et un début de saison que j’ai bon espoir que je peux aider encore mieux mon équipe à Gatineau si jamais ça arrive. Je vais apporter cette expérience-là, ce leadership-là. »

« Peu importe où je vais être, je vais être à 100 % engagé dans l’organisation où je vais être. »