On ne peut jamais recommencer deux fois la même histoire. Les sages et inspirantes paroles d’Éric Lapointe s’appliquaient à Alex Ovechkin jusqu’à tout récemment.

Jusqu’à mercredi, en fait. Après 1349 matchs dans la Ligue nationale, il ne lui était jamais arrivé de coller deux matchs de suite sans obtenir le moindre tir au but. Puis, mercredi, à Ottawa, à son 1350match, le compteur s’est arrêté à zéro. Tout comme deux jours plus tôt contre les Flames.

Réponse du principal intéressé, après l’entraînement de vendredi à Brossard à la veille du duel contre le Canadien : « Tout arrive une première fois, vous savez ! »

Prise isolément, la statistique des matchs sans tirs est anecdotique. Ça ne lui est arrivé que 19 fois dans sa carrière, dont une fois dans un match qu’il a quitté après une seule présence.

Sauf qu’Ovechkin n’a toujours pas marqué après trois matchs, il a dû se contenter d’une petite passe, et à 38 ans, chaque passage à vide viendra avec des interrogations sur son âge. Ces doutes jettent de l’ombre à la fois sur les chances des Capitals de demeurer compétitifs et sur celles d’Ovechkin d’inscrire les 72 buts nécessaires pour égaler le record de 894 de Wayne Gretzky. Dans une chronique publiée cette semaine, le confrère Martin Leclerc a brillamment exposé en quoi le vieillissement guette Ovechkin, à coups de statistiques.

En voici une de plus. On répertorie 141 saisons complètes (60 matchs ou plus) d’attaquants de 38 ans ou plus dans la LNH depuis l’expansion de 1967. Du lot, il est arrivé seulement cinq fois que le joueur marque 0,44 but par match, soit le rythme nécessaire pour une saison de 36 buts. Trente-six buts, parce qu’Ovechkin a besoin de deux saisons du genre pour rejoindre Gretzky.

Saisons de 0,44 but par match, attaquants de 38 ans ou plus, depuis 1967

  • Teemu Selanne, 2009-2010 : 27 buts en 54 matchs (0,5 par match)
  • Brett Hull, 2002-2003 : 37 buts en 82 matchs (0,45 par match)
  • Johnny Bucyk, 1975-1976 : 36 buts en 77 matchs (0,47 par match)
  • Gordie Howe, 1968-1969 : 44 buts en 76 matchs (0,58 par match)
  • Gordie Howe, 1967-1968 : 39 buts en 74 matchs (0,53 par match)

Source : Hockey-Reference.com

Son tir semble encore efficace, si on se fie au but qu’il a inscrit sur un tir foudroyant, pendant un exercice à trois contre deux à l’entraînement vendredi. Encore faut-il qu’il puisse le décocher en situation de match.

« Tout est une question de temps, lance l’attaquant Anthony Mantha. On n’est pas inquiets. C’est arrivé, quoi, 10 fois dans sa carrière qu’il n’a pas eu de tirs ? Il peut très bien réussir un tour du chapeau demain [samedi], et on n’en parlera plus. »

C’est plutôt le portrait d’ensemble qui est préoccupant pour les Capitals, battus trois fois en trois matchs jusqu’ici. Après 180 minutes de jeu, ils n’ont toujours pas détenu l’avance dans un match cette saison.

« C’est inquiétant, assurément, a admis le nouvel entraîneur-chef des Washingtoniens, Spencer Carbery. En matchs préparatoires, au camp, on était en bonne position, on était en santé. C’est inquiétant et frustrant de ne pas connaître le départ espéré. Les joueurs ne sont pas contents, le personnel d’entraîneurs non plus, donc on cherche des solutions. »

Une chance inespérée

PHOTO ALEX BRANDON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Matthew Phillips (45)

Carbery semble sérieux dans sa quête de solutions. À l’entraînement vendredi, il a jumelé Ovechkin à Dylan Strome, mais surtout à Matthew Phillips.

L’amateur moyen sera pardonné de ne pas connaître Phillips, un attaquant de 25 ans, choix de 6tour des Flames de Calgary en 2016, qui totalise six matchs dans la LNH, dont trois cet automne.

Sauf que ce Phillips a dominé à tous les autres niveaux. Il a signé des saisons de 50 et de 48 buts dans la ligue junior de l’Ouest (WHL), et il vient de connaître des campagnes de 31 et de 36 buts (en 65 et 66 matchs) avec le club-école des Flames.

Son problème : il mesure 5 pi 8 et pèse 160 lb, des chiffres qui semblaient réalistes lorsque le jeune homme se tenait devant nous dans le vestiaire à Brossard. Dans un club où on compte 11 joueurs de 6 pi 3 ou plus, Phillips est ironiquement dur à manquer.

« Il y en a un qui fait baisser la moyenne ! », a plaisanté Mantha, du haut de ses 6 pi 5.

« Il est habile, il est rapide, il tourne sur un 10 cennes, a poursuivi l’ancien des Foreurs de Val-d’Or. Il ressemble un peu à Johnny Gaudreau, je trouve. Si tu lui donnes de la confiance, il pourrait faire le même style de jeu. Il place la rondelle parfaitement sur ses tirs, il trouve les lignes de passe. Regarde son bâton : il mesure un pied et demi de moins que les autres bâtons sur le rack ! »

Phillips était coincé dans les filiales des Flames ; six mois plus tard, le voici aux côtés du meilleur franc-tireur du XXIsiècle dans la LNH. « C’est assez fou, c’est tout un renversement de situation. C’est une occasion formidable », a admis l’Albertain.

On se pincerait pour moins que ça.

En bref

« Affronter » son idole

Comme bien des joueurs de son gabarit, Matthew Phillips s’inspire de ses semblables. Outre Pavel Datsyuk, l’ailier des Capitals nomme Martin St-Louis parmi ses idoles. « Je portais le 26 en son honneur, précise-t-il. Ça aide quand tu as d’autres petits joueurs de qui t’inspirer. J’ai toujours aimé leur façon de jouer, leur créativité, leur capacité à réfléchir sur la glace, à être intelligents pour créer des jeux. » Johnny Gaudreau vient également en tête, d’abord parce qu’Anthony Mantha a évoqué son nom, puis parce qu’en tant qu’ancien espoir des Flames, Phillips l’a souvent vu jouer, surtout l’an passé, quand le club-école a été rapatrié dans la métropole albertaine. « Il y a des aspects de son jeu que j’essaie d’incorporer au mien, que j’ai regardés pendant que j’étais à Calgary. Il marque beaucoup et crée de l’attaque, même sans avoir nécessairement le tir le plus puissant. »

Mantha attend sa chance

PHOTO GEOFF BURKE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Anthony Mantha entre le gardien des Penguins de Pittsburgh Tristan Jarry et le défenseur Kris Letang

La dernière fois qu’Anthony Mantha a mis les pieds au Centre Bell, il en est ressorti plus riche de quatre points. Ça se passait le 16 avril 2022 et les Capitals avaient pilonné le Tricolore 8-4. Le Québécois faisait alors partie des trois premiers trios du club et affichait un rendement en conséquence. Ça s’est toutefois gâté pour le petit-fils d’André Pronovost depuis. L’an passé, il a été limité à 27 points en 67 matchs, des performances qui lui ont valu quelques visites sur la passerelle. Il a subi le même sort dès le deuxième match cette saison, et ce, malgré le changement d’entraîneur. « C’est sûr que ce n’est pas le départ que tu veux, mais je continue à travailler fort, a indiqué le grand numéro 39. Mon mental est à la bonne place en ce moment. Dès que je vais avoir ma chance, je vais sauter dessus et je vais la prendre. »

La définition d’« avoir sa chance » est importante. À l’entraînement vendredi, Mantha formait un trio avec Beck Malenstyn et Aliaksei Protas. Certains diront qu’être jumelé à Malenstyn, un joueur d’énergie qui n’a jamais inscrit plus que 16 points en une saison dans la Ligue américaine, n’est pas nécessairement une « chance » pour un joueur offensif. Réponse de Mantha : « J’aime mieux être dans ce rôle-là qu’être dans les estrades, right ? Je vais essayer de jouer ce rôle-là du mieux que je peux, et s’il y a une pénalité, une blessure et que j’ai une chance de jouer en haut, je vais la prendre et je ne la laisserai pas partir. »

Mantha écoule toutefois sa dernière année de contrat. Pour les Capitals, il ne représente pas le meilleur investissement, à 5,7 millions de dollars pour jouer un rôle limité. Et le Longueuillois ne négociera pas en position de force si son purgatoire devait se prolonger. « La saison est longue, a-t-il rappelé. Il y a 82 matchs, on est au match numéro 4. J’essaie de ne pas penser à ça trop trop, présentement. »

En savoir plus
  • 2e
    Matthew Phillips a terminé au 2rang de la Ligue américaine pour les buts la saison dernière, avec 36.