Le fan aime toujours entendre une voix plus objective, et par le fait même externe, vanter les joueurs de son équipe favorite.

Corey Pronman, le spécialiste des espoirs de la LNH pour le site The Athletic, a sans doute plu à ceux du Canadien en proposant de refaire le repêchage de 2022 : Juraj Slafkovsky constituerait à nouveau le premier choix à ses yeux, devant Logan Cooley et le défenseur David Jiricek.

L’exercice est intéressant dans le sens où il permet de suivre l’évolution des jeunes joueurs des cuvées en question, mais il faut évidemment éviter d’en tirer des conclusions.

On commence à peine à y voir plus clair avec le repêchage de 2018, il y a cinq ans. Imaginez après seulement une saison…

Refaire un repêchage après seulement un an demeure un exercice périlleux pour deux raisons : le développement des jeunes a une courbe variable pour chacun et ils évoluent encore dans des ligues différentes à ce stade-ci de leur apprentissage.

Slafkovsky et Cooley ont déjà atteint la LNH, Simon Nemec et Shane Wright poursuivent leur carrière dans la Ligue américaine, Cutter Gauthier a choisi de demeurer à Boston College, dans la NCAA, et les Jonathan Lekkerimäki, Noah Östlund et Danila Yurov sont toujours en Europe.

Prenons la cuvée 2019 en exemple. Après un an, Jack Hughes, Kaapo Kakko et Kirby Dach étaient presque au coude-à-coude en termes de points par match à leur première saison dans la LNH. Le défenseur Moritz Seider jouait encore en Suède, Matt Boldy avait marqué seulement 9 buts en 34 matchs à Boston College (il en a compté 31 pour le Wild l’an dernier) et Alex Turcotte était encore considéré comme un joueur plus prometteur que Cole Caufield.

Question de pourcentages

Au risque de vous décevoir, les chances de voir Slafkovsky devenir le meilleur joueur de sa cuvée dans la prochaine décennie sont minces. Et il ne s’agit pas de dénigrer son talent, mais de rappeler une réalité importante : ils seront peut-être cinq, dix dans la course au trône. Vous aurez 15 % ou 20 % de chances de gagner en misant sur lui, mais 85 % ou 80 % en pariant contre lui.

Représentera-t-il un mauvais choix pour autant s’il ne vient pas en tête dans dix ans ? Évidemment pas. Le commun des mortels aime revisiter le repêchage quelques années plus tard, identifier les joueurs les plus productifs et reprocher à son club favori de ne pas avoir choisi le meilleur.

Or le repêchage demeure une science bien imprécise, on le rappelle. Le recruteur et ses patrons, eux, espèrent avoir choisi un joueur appelé à devenir important pour l’équipe, en sachant que ses chances de ne pas avoir choisi le meilleur demeurent élevées (selon la règle du 15 % vs 85 % énumérée plus tôt pour un repêchage sans joueur exceptionnel de la trempe de Connor McDavid).

Si Slafkovsky devient un marqueur de 30 buts par saison, redoutable en échec-avant du haut de ses 6 pieds (presque) 4 pouces et 240 livres, et se démarque en séries éliminatoires où l’espace devient plus restreint, le Canadien aura réussi son pari.

Malgré des séries éliminatoires très décevantes dans la Ligue junior de l’Ontario et une performance en demi-teinte en séries éliminatoires de la Ligue américaine de hockey, au point d’être rayé de la formation à un certain point, Shane Wright demeure au quatrième rang dans le repêchage reconstitué de Pronman.

N’est-il pas ironique de constater cependant que ce joueur comparé à Patrice Bergeron à l’aube de ce repêchage est toujours dans les mineures tandis que les Bruins de Boston ont remplacé leur légende au centre d’un trio offensif par un joueur repêché au deuxième tour, 54e rang de cette même cuvée, Matthew Poitras ?

Le centre Poitras et le défenseur québécois Tristan Luneau se retrouvent toujours dans la cinquième catégorie du classement de Pronman, entre les 34 et 64e rangs – « Devraient jouer des matchs dans la LNH » – alors qu’ils ont… déjà joué des matchs dans la LNH !

Pour les curieux, Filip Mesar, repêché au 26e rang par le Canadien, a chuté au 63e rang, le défenseur Lane Hutson a grimpé du 64e au 25e rang et Owen Beck du 33e au 29e rang.

Un changement dans la formule du repêchage ?

PHOTO GEORGE WALKER IV, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le commissaire Gary Bettman

La Ligue nationale de hockey songe à modifier la formule de son repêchage et imiter la NFL et la NBA en permettant aux équipes de mener les opérations de leurs quartiers généraux respectifs. Les joueurs repêchés seraient accueillis sur l’estrade uniquement par le commissaire Gary Bettman.

Cette nouvelle façon de procéder permettrait aux clubs de bénéficier de plus de temps pour se préparer aux défis qui les attendent dans les jours suivants le repêchage : la date limite pour soumettre leurs offres qualificatives et l’ouverture du marché des joueurs autonomes. Les équipes devraient trancher d’ici la fin de la journée mardi.