Comme les flocons de neige et les empreintes digitales, chaque parcours d’entraîneur est unique. On a tendance à retenir ceux en ligne droite, idéalement vers le haut, comme celui de Jon Cooper, qui a fait ses classes à chaque niveau avant d’atteindre la Ligue nationale. Mais les parcours en zigzag sont nettement plus communs.

Gilles Bouchard en est un bon exemple. De la Ligue américaine au midget AAA, en passant par le hockey universitaire canadien et la LHJMQ, celui qui est aujourd’hui entraîneur-chef du Phœnix de Sherbrooke en a vu, du hockey.

Bouchard ajoutera cet hiver un tampon de plus à un passeport bien rempli : il a été nommé entraîneur adjoint d’Équipe Canada en vue du Championnat du monde junior. L’annonce a été faite assez discrètement il y a deux semaines.

L’unicité des parcours sautait aux yeux samedi soir, lors de la visite des Capitals au Centre Bell. Derrière le banc de Washington se retrouvaient l’entraîneur-chef Spencer Carbery et son adjoint Mitch Love. Les deux comparses et Bouchard se sont côtoyés à Hockey Canada en 2016, alors que Bouchard travaillait au Défi des moins de 17 ans.

« Les trois années où j’y ai été, il y a des coachs qui se sont rendus dans la Ligue nationale ensuite, rappelle Bouchard. Je les ai rencontrés, j’ai vu leur progression. J’ai rencontré Spencer Carbery, Mitch Love, qui sont rendus à Washington. Tu vois, hein ? »

La visibilité

Participer au Mondial junior, voilà qui peut mettre un entraîneur sur la carte. Avec le réseau TSN qui le traite comme une visite papale, c’est un rendez-vous télévisuel incontournable des Fêtes, après Ciné-cadeau, bien sûr.

Marc-André Dumont a vécu ce tournoi en tant qu’entraîneur adjoint, maintenant comme analyste à RDS. « Regarde tous les gros noms sortis du Québec dans les 30 dernières années : Claude Julien, Benoît Groulx, Jos Canale, Guy Boucher, André Tourigny, ils sont tous passés par là. Ça te met sur la scène nationale. Les coachs du Québec, on est dans notre ligue. Les gars de l’Ouest et de l’Ontario aussi, donc ça te met en contact avec des décideurs. C’est bon pour le réseau. »

PHOTO MAXIME PICARD, ARCHIVES LA TRIBUNE

Gilles Bouchard

Il y a quelques années, la trajectoire de Bouchard semblait justement pointer vers ce tournoi. En juin 2018, Hockey Canada l’avait nommé entraîneur-chef pour la Coupe Gretzky-Hlinka, un tournoi majeur U18. « Une semaine après, je rencontrais le Lightning au repêchage à Dallas ! », ajoute-t-il. C’est là que Benoît Groulx, alors entraîneur-chef du Crunch de Syracuse, club-école du Lightning, l’a embauché.

Bouchard a œuvré cinq ans à Syracuse, jusqu’à ce que Groulx quitte son poste à la faveur d’un autre Bouchard, Joël, celui-là. Gilles Bouchard a alors pris la route de Sherbrooke.

Des parcours en zigzag, qu’on disait…

Des qualités

À Syracuse, il a pu observer de près « comment des athlètes pros se comportent, se préparent ». Il a en outre fait partie d’une organisation dont le grand club a atteint la finale de la Coupe Stanley trois années de suite (de 2020 à 2022).

« Pendant celle de 2020, Ben et le staff, on était ensemble à Syracuse, et on regardait les matchs, on se montait une bibliothèque de clips pour sortir les tendances pour les attaquants et les défenseurs », illustre-t-il.

Ses années à Syracuse lui ont aussi permis de progresser sur la délicate question de la langue. Notre homme, natif de Normandin, ne le cache pas : « Il faut que je continue à m’améliorer. En venant du Lac… Quand tu commences à parler anglais à 42, 45 ans, ce n’est pas évident. C’est sûr que je ne suis pas au point. Je fonce, j’avance. Même si je ne suis pas parfait, on a réussi à se comprendre. On s’entendait bien. Mais il y a place à amélioration, et j’en suis conscient.

Là, en allant chez Hockey Canada, je vais aussi m’améliorer. Il n’y a pas beaucoup de francophones dans le personnel. Ce sera un environnement où je n’aurai pas le choix de parler toujours anglais. Tandis qu’à Syracuse, quand j’étais dans le bureau avec Ben et Éric Veilleux, ça se passait pas mal en français !

Gilles Bouchard

Qu’importe la langue, ses qualités sont nombreuses, aux yeux de Groulx. « Quand je coache, j’appelle toujours des entraîneurs des autres niveaux pour jaser de systèmes de jeu. Et Gilles était un des coachs que j’appelais quand j’ai commencé à Syracuse et qu’il était dans le junior. Un jour, je m’étais dit que si j’avais une ouverture, je penserais à lui parce qu’on a la même philosophie. »

Ce qu’il a finalement fait. Il a découvert un adjoint « guerrier », aux habitudes de travail « irréprochables », qui est également « un bon enseignant, tant pour le collectif que pour l’individuel ».

Rafaël Harvey-Pinard ne tarit pas d’éloges à son endroit, lui non plus. L’attaquant du Canadien a obtenu sa première chance dans la LHJMQ sous les ordres de Bouchard, qui dirigeait alors les Huskies de Rouyn-Noranda.

« À mon premier camp, je pesais 137 lb et je mesurais 5 pi 6, 5 pi 7, se souvient Harvey-Pinard. Mais Gilles me voulait quand même dans son équipe et il m’a donné un gros rôle même si tout le monde pensait que j’étais trop petit pour la ligue. »

« Comme coach, il communique, il est proche de ses joueurs, poursuit-il. Et il est très intelligent. On entend souvent : tel coach s’est fait outcoacher. Je pense que je ne l’ai jamais vu se faire outcoacher, dans sa façon de jongler avec ses trios. »

Il sera intéressant de voir si ce nouveau mandat lui rouvrira les portes des rangs professionnels. En attendant, il se retrouve entre de bonnes mains à Sherbrooke, une des bonnes organisations des dernières années dans la LHJMQ.

Qui est Gilles Bouchard ?

  • Né en 1971 à Normandin, au Lac-Saint-Jean
  • Entraîneur-chef des Patriotes de l’UQTR en 2012-2013
  • Entraîneur-chef et directeur général des Huskies de Rouyn-Noranda de 2013 à 2018
  • Entraîneur adjoint chez le Crunch de Syracuse de 2018 à 2023
  • Entraîneur-chef du Phœnix de Sherbrooke depuis 2023
  • Gagnant de la Coupe du Président et du titre d’entraîneur de l’année dans la Ligue canadienne de hockey en 2016