Il y a des reconstructions. Puis il y a des démolitions en attente d’une reconstruction en raison d’une pénurie de matériel.

Les Sharks de San Jose ont perdu leurs onze premiers matchs de la saison, dont dix à la régulière, ont marqué seulement 1,09 but en moyenne par match, le pire rendement de la LNH, et en ont alloué en moyenne 4,91, également le pire rendement dans la Ligue nationale de hockey. Ils se classent aussi derniers au chapitre des tirs sur le filet adverse et des tirs accordés.

San Jose est devenu ce week-end le premier club depuis Boston en 1965 à accorder dix buts ou plus dans deux matchs consécutifs, dans des défaites de 10-1 contre Vancouver et de 10-2 face à Pittsburgh.

Les Sharks ont perdu leurs dix matchs à la régulière par au moins deux buts, dont sept par au moins trois buts. Le miracle est survenu lors de la deuxième rencontre de la saison, un point arraché à l’Avalanche dans une défaite en tir de barrage au cours de laquelle le gardien Mackenzie Blackwood a effectué 51 arrêts. Son adversaire a reçu 21 tirs…

« Nous savions qu’il y aurait des moments difficiles, mais les deux derniers matchs, notre niveau d’engagement n’était pas acceptable, ça ne pourra pas durer beaucoup plus longtemps… », a déclaré le directeur général Mike Grier, en point de presse improvisé lundi.

Le pauvre Grier reçoit une volée de bois vert ces temps-ci, mais il a hérité d’une situation complexe. Les Sharks ont connu une longue période de domination de 2004 à 2018, avec quinze participations consécutives aux séries, sept fois dans le top 5 au classement général de la LNH, une finale de la Coupe Stanley en 2016 et quatre autres carrés d’as, mais son prédécesseur, Doug Wilson, à tort ou à raison, a voulu étirer l’élastique au maximum et Grier s’est retrouvé avec un club vieillissant, des joueurs surpayés et peu de relève.

L’acquisition d’Erik Karlsson en septembre 2018 a fait mal pour la pérennité de l’organisation. Les Sharks ont atteint la finale de l’Association de l’Ouest cette saison-là, mais ont raté les séries lors des quatre années suivantes, dont l’an dernier malgré une saison de 101 points de ce défenseur suédois.

Les Sénateurs ont hérité dans cette transaction de leur centre deuxième trio, choix de premier tour des Sharks en 2017, Josh Norris (qui pourrait être considéré comme un premier centre), de leur centre de premier trio, Tim Stützle, repêché au troisième rang avec le choix obtenu de San Jose, et de deux choix de second tour.

Grier a été contraint d’effectuer une reconstruction avec des joueurs dont la valeur a diminué de façon draconienne, et très peu de relève après avoir sacrifié des choix de premier tour en 2016, 2017 (Norris), 2019 et 2020, sans compter le choix raté de 2018, le défenseur Ryan Merkley, 21e au total, 39 matchs en carrière dans la Ligue nationale, aujourd’hui défenseur pour le Red Star de Kunlun, en Chine.

À 37 ans, et surtout un contrat à un salaire annuel de 8 millions pour encore trois ans, le défenseur Brent Burns n’avait presque plus de valeur. Grier l’a cédé aux Hurricanes l’été dernier sans rien obtenir en retour.

Joe Pavelski et Joe Thornton ont quitté respectivement en 2019 et 2020 en profitant de leur autonomie. Les Sharks n’ont donc rien reçu pour eux. On a obtenu un choix de troisième tour des Penguins pour Patrick Marleau en février 2020.

Marc-Edouard Vlasic, Logan Couture et Tomas Hertl n’ont aucune valeur en raison de leur âge ou de leur improductivité compte tenu de leurs contrats pharaoniques.

Mike Grier a pu obtenir un choix de premier tour en 2023, un choix de deuxième tour en 2024 et un espoir en défense, Shakir Mukhamadullin, des Devils pour Timo Meier l’hiver dernier. Mukhamadullin, 21 ans, 6 pieds 4 pouces et 190 livres, produit à un rythme intéressant dans la Ligue américaine avec 16 points en 21 rencontres depuis son arrivée dans l’organisation. Repêché au 26e rang l’an dernier avec le choix du New Jersey, Quentin Musty a connu un bon camp d’entraînement et un solide départ à Sudbury, dans la Ligue junior de l’Ontario.

Le premier choix des Sharks en 2023, quatrième au total, devant le défenseur David Reinbacher, le centre Will Smith, a entamé sa carrière dans la NCAA sur les chapeaux de roue avec 11 points, dont 5 buts, en 8 matchs à Boston College, après une saison phénoménale au sein du programme de développement américain. Comme pour Mukhamadullin, Musty, Filip Bystedt (choix de fin de premier tour en 2022 toujours en Suède), Cam Lund, Thomas Bordeleau et Henry Thrun, on les garde éloignés des Sharks et de leurs déboires.

Seul le premier choix de 2021, 7e au total, l’attaquant William Eklund, est à San Jose, avec des résultats mitigés, entouré des Mike Hoffman, Fabian Zetterlund, Anthony Duclair, Filip Zadina, Mikael Granlund, Vlasic, Hertl et compagnie.

Les temps sont durs pour les Sharks, mais les prochaines cuvées pourraient apporter beaucoup d’espoir. San Jose est seul dans la course au dernier rang au classement d’un Macklin Celebrini ou d’un Cole Eiserman, les deux meilleurs candidats au repêchage pour l’instant. Eiserman a 24 points, dont 18 buts, en seulement 12 matchs au sein du programme de développement américain. Celebrini a 14 points, dont 8 buts, en seulement 8 matchs à ses débuts à Boston University, où évolue l’espoir du CH Lane Hutson.

Le choix de premier tour obtenu des Penguins pour Erik Karlsson cet été pourrait aussi rapporter gros si Pittsburgh ne se replace pas. Les Penguins repêcheraient au sixième rang si le repêchage avait lieu aujourd’hui. Mais le président et DG Kyle Dubas a le loisir de garder ce choix s’il est situé parmi les dix premiers et céder son choix de premier tour de 2025. Celui-ci pourrait être encore plus payant si jamais Pittsburgh s’enfonçait encore davantage avec son noyau vieillissant.

Jeté dans la gueule du loup, Slafkovsky ?

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Juraj Slafkovsky

Nombreuses réactions des lecteurs à la suite de la chronique de lundi sur Juraj Slafkovsky. Une majorité reproche au Canadien d’avoir précipité son entrée dans la LNH. Ils n’ont pas nécessairement tort, mais le Canadien non plus d’ailleurs.

La direction de l’équipe l’a expliqué à plusieurs reprises : elle a choisi de garder Slafkovsky à Montréal parce qu’il y avait trop de failles dans le jeu du jeune homme et qu’on voulait compter sur la présence de Martin St-Louis et de son personnel pour corriger les lacunes du jeune homme sur une base quotidienne. Pas pour gagner des matchs, pas pour justifier son choix, mais pour un développement maximal à leurs yeux.

Un peu comme l’entraîneur Pat Burns l’avait fait à l’époque avec Joe Thornton à Boston. Thornton, premier choix au total en 1997, 25 ans avant Slafkovsky, a amassé seulement 7 points en 55 matchs à sa première saison. La décision de Burns n’était pas vilaine puisque Thornton allait en amasser 1532 par la suite…

N’allez évidemment pas y voir ici une comparaison entre Thornton et Slafkovsky. Peut-être le CH a-t-il eu tort dans ce dossier, l’avenir nous le dira. Mais les intentions et la démarchent sont claires depuis le début.

À ne pas manquer

1- Un élève de Michel Therrien dans la Ligue américaine dirige l’espoir du CH, David Reinbacher, en Suisse. Guillaume Lefrançois a profité de son voyage à Zurich pour s’entretenir avec lui.

2- Aux yeux de Philippe Cantin, il s’agit d’une mini-révolution dans la LNH. À quoi fait-il référence ? À vous de lire !

3- Caroline Coté vient d’écrire un livre sur son expérience polaire en solitaire dans l’Antarctique. La Presse vous en présente des extraits.