Le Canadien est en retard.

Pas en retard à ses matchs, quoique quand même un peu, sachant qu’il accorde le premier but presque deux fois sur trois. C’est plus subtil que ça.

En début de saison, en entrevue avec La Presse, le vice-président aux opérations hockey de l’organisation, Jeff Gorton, a formulé le vœu que son club dispute des matchs « significatifs » le plus longtemps possible. Disons jusqu’en mars.

Or, après 18 rencontres, le Canadien accuse déjà trois points de retard sur ses 18 premières sorties de 2022-2023. Une campagne conclue par une faible récolte de 68 points, rappelons-le.

L’équipe marque moins de buts. Défensivement, c’est plutôt pénible ; sans le brio des gardiens en début de parcours, le nombre de buts accordés serait encore plus élevé qu’il ne l’est déjà.

En 2023-2024, personne n’a gagné moins de matchs en 60 minutes que le Tricolore – deux au total, dont aucun en novembre. Après quatre défaites consécutives, voilà le club au dernier rang de sa division et au 15échelon de l’Association de l’Est. Sur 16.

Le vélo aurait-il déraillé ? Peut-être, peut-être pas. Il n’empêche que pour garder en vie le rêve des matchs significatifs du mois de mars, il faudra donner un sérieux coup de guidon. Un mauvais voyage en Californie, où l’équipe disputera trois matchs en quatre jours cette semaine, pourrait peut-être bien, déjà, sonner le glas de cette saison.

Vu la reconstruction dans laquelle est plongée l’organisation, le classement est rarement invoqué dans le vestiaire. Les joueurs, toutefois, le regardent encore, comprend-on.

On est dans la business de gagner. C’est la chose la plus importante. C’est important pour nous, pour garder nos jobs, et c’est important pour nos partisans. C’est sûr qu’on ne peut pas toujours mettre l’accent sur le résultat, parce qu’il va y avoir des matchs où on va bien jouer sans gagner. Mais notre job, c’est de gagner.

Mike Matheson

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Mike Matheson

Sean Monahan a opiné : quelques victoires seraient bienvenues. Pour l’équipe, évidemment, mais aussi pour ses joueurs.

« On ne veut jamais se retrouver dans cette position, a-t-il dit. Après avoir perdu un match, on pense à ce qu’on aurait pu faire mieux ; on en fait une affaire personnelle, ça nous suit longtemps. On ne veut pas être dans cet état d’esprit. Il faut se remettre rapidement sur les rails. »

La manière

Quand il avait parlé des matchs significatifs, Gorton avait posé une mise en garde : la direction n’en ferait pas une obsession, car la « croissance » prime.

On revient ainsi à l’un des thèmes phares du credo de Martin St-Louis : le « processus » avant les résultats.

Le « processus » en prend toutefois pour son rhume, alors que le Canadien vient de disputer deux de ses pires matchs de la saison. Peut-être le pire, samedi dernier, à Boston. Des performances « inacceptables », a encore dit Nick Suzuki, lundi matin.

Jeudi dernier, contre les Golden Knights de Vegas, les Montréalais ont multiplié les erreurs et ployé devant un adversaire visiblement mieux préparé. Samedi, les hommes de St-Louis ont joué avec mollesse, dixit l’entraîneur-chef le soir même.

À tête reposée, le pilote est revenu sur l’effondrement contre les Bruins. « On a couru après la rondelle parce qu’on ne travaillait pas ensemble sur l’échec avant. Quand les gars ne sont pas à la bonne place, quand on ne patine pas et qu’on n’anticipe pas, on court après la rondelle. Une bonne équipe comme ça te fait payer. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Martin St-Louis

Il serait sans doute exagéré de qualifier l’entraînement de lundi de « punitif ». Mais les joueurs du Canadien en ont sué un bon coup. Après d’intenses exercices à un contre un, majoritairement en espace restreint, St-Louis a profité des dernières minutes de la séance pour faire patiner tout son monde, gardiens compris, d’un bout à l’autre de la glace. Une initiative qui, sans être inédite, n’est certainement pas étrangère aux récents déboires de son équipe.

Le but derrière cet exercice ? « La responsabilité », a succinctement expliqué l’entraîneur.

Ce dernier est réputé pour peu critiquer ses joueurs, en tout cas publiquement. Et il ne sort pas souvent le bâton à l’entraînement. Les derniers jours témoignent donc d’un agacement de sa part. Et ça ne passe pas inaperçu.

« Ça donne [à ses actions] beaucoup d’impact, a noté Matheson. Personne n’a remis [sa décision] en question. Quand c’est la norme pour un entraîneur de faire des crises, il n’y a plus d’impact. »

Dire de ses joueurs qu’ils ont été « mous » est aussi perçu comme audacieux, voire risqué. Là aussi, le message a passé.

« On était lents avec la rondelle, on a commis des revirements, a énuméré Suzuki. On a joué mollement contre une équipe qui jouait dur. »

Et de répéter : « C’est inacceptable, et on le sait. »

La balle est maintenant dans le camp des joueurs pour ramener leur jeu, voire leur saison, du côté de l’« acceptable ». Pour ne pas tomber dans l’insignifiance longtemps avant le printemps.