Jeudi après-midi, la circulation est lourde sur Montréal. Un mélange de neige, d’accidents et de cônes qui créent les « conditions gagnantes » expliquant les séries de bancs vides au Centre Bell en soirée.

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C’est là que le bon Yves Desautels, les yeux et les oreilles des automobilistes à CBF, a prévenu les auditeurs qu’ils allaient arriver en retard « pour la défaite du Canadien ».

On ignore si M. Desautels suit ou non le hockey. Mais dans ce cas précis, il a vu ce que tous ceux qui ont regardé le Kings-Canadien d’il y a deux semaines redoutaient. Ces deux équipes ne respirent pas le même air et, hormis la soirée exceptionnelle ici et là où les négligés vont tout donner et vont profiter d’un gardien adverse généreux, le résultat sera assez prévisible.

Cette fois, ça s’est réglé par un 4-0, comme il y a deux semaines, en faveur des Californiens.

Je pense que c’est la meilleure équipe qu’on a affrontée cette année

Martin St-Louis

Le système

Encore une fois, le fameux 1-3-1 des Kings-formation qui vise à laisser bien peu d’espace en zone neutre-était sur toutes les lèvres après la joute.

« On sait tous qu’ils attendent les adversaires à 1-3-1. Peu d’équipes le font, a noté l’attaquant Brendan Gallagher. […] Ils ne veulent pas trop attirer l’attention là-dessus, car ils savent qu’éventuellement, la ligue va s’ajuster. »

Cela dit, le système de jeu n’explique pas tout. Après deux périodes, c’était 7-7 aux chances de marquer à 5 contre 5, selon Natural Stat Trick. Mais c’était 3-0 au pointage, selon le tableau indicateur.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Vue aérienne d’un but des Kings.

Une équipe avait le talent pour profiter des rares erreurs de l’adversaire, l’autre jouait de malchance (deux poteaux), ratait le filet ou offrait aux rivaux des chances en cadeau. Donc quand Josh Anderson et les siens ont déployé une autoroute en zone neutre à Drew Doughty en première période, le défenseur n’en demandait pas tant. Quelques secondes plus tard, c’était 1-0.

« C’est une équipe très organisée dans toutes les zones et qui ne fait pas beaucoup d’erreurs, a relevé le défenseur Mike Matheson. Leur couverture est bonne, leur exécution est bonne. »

Un choix qui s’impose

En fait, c’était un duel entre deux clubs qui en sont à des phases bien différentes.

Les Kings ont connu la gloire il y a 10 ans ; en témoignent leurs deux Coupes Stanley. Mais est ensuite venue une période creuse, marquée par trois exclusions de suite des séries, de 2019 à 2021. Ils ont obtenu trois choix du top 10, soit Alex Turcotte, Quinton Byfield et Brandt Clarke.

Turcotte se fait toujours attendre, mais Byfield, trois ans plus tard, est en train de montrer pourquoi il méritait d’être sélectionné au 2rang. Kaiden Guhle est un excellent défenseur, donc lorsqu’il se transforme en turbine comme c’était le cas devant Byfield en fin de première période, ça en dit long sur la qualité de l’adversaire.

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Quinton Byfield déjoue Samuel Montembeault et marque un but.

Les comparaisons entre Byfield et Juraj Slafkovsky reviennent souvent, principalement parce que ce sont deux colosses repêchés tôt. Slafkovsky continue de jouer avec aplomb et a été dominant le long des rampes encore jeudi, mais il demeure coincé à 7 points en 26 matchs.

Byfield, deux ans plus vieux que Slafkovsky, affiche maintenant 21 points en 23 sorties. Il semble que ce soit la grande éclosion. L’année où la valeur d’un joueur ne se mesure plus seulement avec les proverbiales petites choses.

À 19 ans, Slafkovsky n’est pas rendu là. « Je connais Q un peu, je sais qu’il en a arraché au début, a rappelé le capitaine du Canadien, Nick Suzuki. C’est une ligue difficile à 18 ans. Il a fait son temps dans la Ligue américaine et il a de bons joueurs de qui apprendre à Los Angeles. On voit son jeu évoluer cette saison. À cause de Connor et de ce que l’autre Connor fait, on dirait que les gens s’attendent que les joueurs soient bons à 18 ans. Mais ça prend du temps. »

St-Louis, lui, est visiblement bien conscient d’où en sont les deux équipes. Après le match, dans une autre réponse au sujet de 1-3-1, il affirmait que dégager la rondelle en fond de territoire aurait été « la chose la plus facile à faire. Mais on essaie d’apprendre à jouer au hockey. »

Une réflexion intéressante à la lumière de l’identité d’un des visiteurs jeudi. Pierre-Luc Dubois, au risque de ressasser de mauvais souvenirs pour certains, a monopolisé les manchettes en juin quand il devenait clair que les Jets l’échangeraient. Même s’il s’agissait d’une transaction, Winnipeg avait tout intérêt à l’envoyer là où il souhaitait signer une prolongation de contrat, ce qu’il a fait avec les Kings, pour huit ans. « Mon rêve est de gagner la Coupe Stanley. Je regarde le personnel, les joueurs, et je vois cette occasion », avait-il dit au moment de la transaction.

Que Montréal lui ait simplement servi de levier de négociation ou pas importe peu. Un fait demeure : il aspirait aux grands honneurs et les Kings jouent comme une équipe qui y aspire. Pendant ce temps, l’autre entraîneur-chef dans ce flirt se console en rappelant que son équipe « apprend à jouer au hockey ».

À suivre une fois l’été venu, quand d’autres joueurs dans la fleur de l’âge arriveront eux aussi à l’heure des choix.

En hausse

Samuel Montembeault

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Samuel Montembeault réalise l’arrêt devant Alex Laferriere.

Le pauvre avait encore le feu sacré en troisième période, quand le match était hors de portée. Difficile de le blâmer, d’autant plus qu’il a joué de malchance sur quelques buts.

En baisse

Josh Anderson

On avait l’embarras du choix ici. Mais le vétéran a joué mollement sur le premier but des Kings, et a perdu sa fougue des derniers matchs. L’effet de son premier but de la saison, marqué lundi, s’est vite estompé.

Le chiffre du match

Depuis la pandémie, le Canadien ne compte aucune victoire en six matchs face aux Kings. La bête noire du CH. Ou la bête argentée, diraient les plus malins.

Dans le détail

Une soirée record pour les Kings

Les Kings de Los Angeles devaient se sentir bien loin du soleil et des palmiers en ce froid jeudi soir à Montréal, mais une fois au Centre Bell, ils ont bien pris leurs aises. Et pas à peu près : cette victoire sans appel de 4-0 était pour eux une 11e de suite sur la route cette saison (11-0-0), et avec ce triomphe, les Kings deviennent la première équipe de l’histoire de la Ligue nationale à amorcer une saison avec 11 victoires de suite sur la route. Auparavant, le club en noir et argent partageait le record de 10 victoires de suite sur la route avec les Sabres de Buffalo, qui avaient jadis réussi cet exploit au début de la saison 2006-07. « On l’a vu lors de la troisième période, on essayait de revenir dans le match et je pense qu’on a obtenu trois lancers (quatre en fait), a expliqué le gardien Samuel Montembeault dans le vestiaire des perdants. On a essayé de faire des ajustements en deuxième période, et ils se sont ajustés eux aussi tout de suite après. »

Encore des ratées en désavantage numérique

Ça ne s’améliore pas pour le Canadien en désavantage numérique. Le but de Quinton Byfield lors de la deuxième période, en avantage numérique, est venu signifier que le Canadien a accordé un but dans ces circonstances lors de chacun de ses quatre derniers matchs, et aussi, lors de huit des dix derniers matchs du club. Ce n’est pas comme ça qu’on gagne des Coupes Stanley, on l’aura compris, et en ce jeudi soir difficile au Centre Bell, les Kings ont pu profiter de leur avantage numérique une fois en une occasion.

Encore le 1-3-1…

Contre les Kings, ce n’est pas bien compliqué : il est préférable de ne pas accuser le moindre retard, parce que sinon, c’est pas mal déjà la fin des émissions. Ainsi, les Kings n’ont perdu qu’une seule fois cette saison en temps réglementaire quand ils marquent en premier, ou quand ils ont une avance après les 20 premières minutes de jeu. « Leur système de jeu est différent, a admis l’attaquant Brendan Gallagher après la rencontre. Tout le monde sait qu’ils pratiquent le système de jeu du 1-3-1, et qu’ils vont rester à attendre derrière… On ne les voit pas si souvent, et ce qu’ils font est différent du reste de la ligue, mais je pense que les autres clubs de la ligue vont finir par élucider ce mystère qu’est leur système de jeu. »

Richard Labbé, La Presse