Même avec toute la meilleure volonté du monde, on ne saurait trop comment, ni pourquoi, analyser de fond en comble une défaite de 2-1 contre les Predators de Nashville par un dimanche soir pluvieux de décembre. On ne s’éternisera donc pas sur ces deux points que le Canadien ne reverra jamais.

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Dans ce contexte, il pourrait sembler paresseux, voire opportuniste de se pencher sur le cas de l’unique pointeur du Tricolore. C’est quand même ce qu’on va faire.

Jake Evans a marqué, en deuxième période, un but plus ou moins glorieux. En zone adverse, il a récupéré une rondelle qu’il venait de perdre, avant de déjouer Juuse Saros d’un tir du revers. Pas besoin de chercher cette réussite dans les palmarès de fin d’année : elle ne s’y retrouvera pas.

Ce but, toutefois, a eu deux mérites. D’abord, il réduisait l’écart de moitié, à un moment où le CH semblait plus ou moins inspiré. Ensuite, il mettait fin à une disette de 26 matchs sans marquer pour Evans. Puisqu’il avait inscrit le tout premier but de la saison le 11 octobre dernier à Toronto, et ce, dès sa première présence sur la glace, il aura donc passé 515 présences à tirer à blanc. C’est long.

PHOTO DAVID KIROUAC, USA TODAY SPORTS

Jake Evans a marqué l’unique but du Canadien.

Si l’on s’intéresse au cas de celui qui dispute seulement sa quatrième saison complète dans la LNH, c’est parce qu’il se retrouve depuis quelques jours au centre d’un trio offensif. Une situation qu’il a peu eu la chance d’expérimenter depuis ses débuts à ce niveau.

Son statut n’a jamais laissé d’ambiguïté. Depuis trois ans, aucun attaquant de son club n’a joué plus que lui en désavantage numérique. Dans le même intervalle, seul Nick Suzuki a été mis à contribution pour davantage de mises en jeu en territoire défensif.

Qu’à cela ne tienne, dans un anonymat quasi complet, Evans a conservé une moyenne de 0,37 point par match, l’équivalent d’une trentaine de points sur une saison complète. Ce n’est pas phénoménal, mais c’est comparable à la production de Brendan Gallagher. Pourtant, ce dernier ne joue jamais en infériorité numérique, et Evans, jamais en avantage numérique.

Promotion

La présente saison n’a pas fait exception : dès le camp d’entraînement, le numéro 71 a sagement pris sa place sur le quatrième trio, avec à ses côtés une rotation d’ailiers plus ou moins productifs – surtout moins.

Lors du récent voyage en Californie, Martin St-Louis a toutefois commencé à faire ce qu’il avait rarement fait jusque-là : « couper » son banc. Jesse Ylönen et Michael Pezzetta ont commencé à sauter des tours en fin de match. Tanner Pearson et Josh Anderson aussi. Jake Evans, lui, a plutôt obtenu des auditions dans le top 9. Et quand Alex Newhook est tombé au combat, Evans a monté deux échelons, animant d’abord le troisième, puis le deuxième trio à temps plein. Le voilà au centre de Sean Monahan et de Josh Anderson depuis quatre matchs, et le résultat, sans être transcendant, n’a rien de gênant pour lui. Le temps dira s’il peut jouer ce rôle à moyen ou long terme, mais pour l’heure, il semble lui seoir.

Il a un côté offensif plus qu’on pense, et il a la chance de le montrer présentement.

Martin St-Louis, au sujet de Jake Evans

« C’est le genre de joueur qu’on voit rarement sur la feuille de pointage, mais il amène beaucoup de choses, surtout en désavantage, avec sa vitesse, a abondé David Savard. Il ne craint pas de payer le prix pour l’équipe. Quand on voit un gars comme ça qui est récompensé, ça nous donne toujours le sourire. »

« Je le vois à l’entraînement, et il en a, des habiletés, a ajouté le gardien Jake Allen. Dans cette ligue, tu ne sais jamais quand tu auras ta chance. Il en tire le meilleur. »

Hauts et bas

Peu bavard de nature, surtout devant les caméras, Evans s’est contenté de dire que son expérience dans cette position, jusqu’ici, est ponctuée de « hauts et de bas ».

« Tu affrontes de meilleurs adversaires, tu joues un peu plus, on attend davantage de toi sur le plan offensif, a-t-il énuméré. J’essaie de faire progresser mon jeu, de garder confiance. »

Sent-il la pression de produire, surtout dans un contexte où ses deux ailiers du moment sont loin d’être en feu ? « Je veux surtout les aider, a-t-il nuancé. Je pense qu’on m’a placé là pour les aider défensivement. Mon but, c’est de leur donner la rondelle et de leur permettre de faire leur travail. »

Insistons : ce n’est parce qu’on prend la peine de parler de lui que l’expérience d’Evans dans le top 6 est miraculeuse, encore que l’unité ait connu un fort match dimanche. À cinq contre cinq, le bilan de son trio (trois buts marqués, deux accordés) est dopé par un taux d’arrêts hors norme des gardiens de but du Canadien. On notera toutefois que Josh Anderson n’est ni meilleur ni pire avec lui qu’avec tous les autres joueurs de centre avec lesquels il a évolué cette saison.

Et mine de rien, voilà Evans à 9 points, sa meilleure récolte en carrière après 28 matchs. Son différentiel de + 6 le place par ailleurs au sommet de son club.

Ça ne lui fera jamais gagner le trophée Hart. Mais c’est néanmoins tout à son honneur. Surtout au sein du Canadien de 2023-2024. Et encore davantage après une défaite de 2-1 un dimanche soir pluvieux de décembre.

En hausse

Jake Allen

Cette défaite a beau être sa septième de suite, le gardien n’est absolument pas responsable de celle-là. Ses deux arrêts sur Cole Smith, qui s’était échappé en milieu de troisième période, ont carrément gardé le CH en vie.

En baisse

Juraj Slafkovsky

Ça n’efface pas ses progrès des dernières semaines, mais c’était franchement moins facile pour lui. Et ça s’est manifesté dès le début du match, alors qu’il a écopé d’une punition en tentant de briser un surnombre adversaire qu’il avait lui-même créé.

Le chiffre du match

10

C’est le nombre de tirs cadrés qui ont été crédités à Brendan Gallagher, qui a ainsi établi un record personnel à son 703match dans la LNH.

Dans le détail

Un poste affiché dans le top 9

PHOTO TIMOTHY T. LUDWIG, USA TODAY SPORTS

Tanner Pearson (70)

En fin de soirée dimanche, le Canadien a annoncé que Tanner Pearson ratera de quatre à six semaines en raison d’une blessure « au haut du corps ». Le vétéran ailier a été atteint près de la main gauche, samedi à Buffalo, par une rondelle et a quitté le match en fin de première période. Avec seulement 3 points à ses 22 derniers matchs, Pearson n’affichait pas exactement sa forme des beaux jours. Il reste qu’à l’exception d’une rétrogradation ici et là, il avait sa permanence au sein du top 9 offensif. C’est donc dire qu’un poste temporaire d’attaquant de troisième trio est maintenant affiché sur le babillard du CH. Jesse Ylönen a eu droit à la première entrevue dimanche, mais dès la fin de la deuxième période, son compatriote Joel Armia l’a remplacé aux côtés de Christian Dvorak. En attendant le retour de Rafaël Harvey-Pinard, tout indique que les deux Finlandais se battront pour ce poste. L’enjeu est tout de même considérable, sachant que Martin St-Louis fait souvent sauter des tours à son quatrième trio quand son équipe doit combler un retard.

Savard fait sentir sa présence

PHOTO DAVID KIROUAC, USA TODAY SPORTS

David Savard (58) et Ryan O’Reilly (90)

Au fond, l’absence de Pearson ne fait que rééquilibrer le rapport de forces entre éclopés et joueurs en santé, puisque l’infirmerie venait de perdre un patient en David Savard, de retour au jeu dimanche après sept semaines d’absence. Savard a eu droit à son habituelle charge de travail pour son retour, soit 20 min 10 s sur la surface. « Je ne me sentais pas si pire. Des fois, j’étais à bout de souffle parce que le game shape est dur à reproduire », a reconnu le Maskoutain. Savard est vite retombé dans ses vieilles habitudes ; il a mené l’équipe avec cinq tirs bloqués. Le colosse a aussi été crédité d’une mise en échec, mais le jeu était loin d’être banal. C’était une mise en échec contre Filip Forsberg, en fond de territoire montréalais, qui a permis au CH de récupérer la rondelle et de relancer l’attaque. Huit secondes plus tard, Jake Evans inscrivait l’unique but des hommes en rouge.

Peu de soutien pour Allen

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Colton Sissons (10) redirige un lancer devant Jake Allen (34)

Avec tout ça, le pauvre Jake Allen n’a pas gagné depuis le 28 octobre. Ses performances ont certes été inégales pendant sa séquence de sept défaites de suite. En novembre, par exemple, son taux d’efficacité était de 87,6 %, un chiffre à éviter sauf si vous détenez des intérêts dans Finabanx, mais on s’écarte. Dimanche, Allen affichait sa forme des beaux jours, repoussant 30 des 32 tirs des visiteurs. Et sur un des deux buts qu’il a accordés, on a compté quatre patineurs entre lui et le tireur à l’origine, Filip Forsberg. Mais le Canadien n’a inscrit qu’un petit but, ce qui devient un thème récurrent pour Allen. Parmi les 50 gardiens qui ont disputé au moins 10 matchs, le Néo-Brunswickois vient au 44rang pour le soutien offensif. Le CH ne lui offre que 2,42 buts par match.

Guillaume Lefrançois, La Presse