Catherine Daoust était en route vers son boulot lorsqu’elle a été convoquée par Danièle Sauvageau, par texto.

Ce vendredi-là, la directrice générale annonçait aux joueuses lesquelles allaient faire partie de l’équipe de Montréal, dans la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF).

En attendant sa rencontre avec la directrice générale, Daoust s’est installée dans une salle de réunion « ici, en haut », pour travailler.

« Ici », c’est l’Auditorium de Verdun, où la défenseure rencontre La Presse. Nous sommes assis dans les gradins de l’enceinte, quelques minutes après la fin de l’entraînement d’une heure et demie, à un peu plus de deux semaines du début de la saison de l’équipe.

Daoust était en visioconférence avec des collègues de chez Nova Bus, où la joueuse de hockey professionnelle travaille comme ingénieure manufacturière, lorsque son tour est venu.

« Je leur ai dit : “Si je reviens en braillant, vous savez pourquoi. Et si je reviens contente, vous savez pourquoi aussi !” »

Elle est revenue avec le gros sourire.

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Catherine Daoust à l’entraînement à Verdun

Éternel recommencement

« Je n’oublierai jamais son visage lorsqu’on lui a dit qu’elle faisait partie de l’équipe », avait souligné Sauvageau à La Presse, un peu plus tôt, alors que l’entraînement des joueuses avait encore lieu.

Ce n’est pas pour rien que Daoust a été « très émotive » lorsqu’elle a appris la nouvelle.

« C’est ce dont j’ai toujours rêvé », dit l’athlète de L’Île-Bizard.

C’est que Catherine Daoust, âgée de 28 ans, a eu un parcours compliqué dans le hockey professionnel, ce qui n’est malheureusement pas unique. Son récit s’inscrit dans une longue lignée de joueuses qui ont bûché pour faire valoir leur droit de gagner leur vie en pratiquant leur sport, comme les hommes le font depuis plus d’un siècle. On vous parle de Catherine Daoust aujourd’hui parce que son histoire illustre bien leur combat, et la potentielle victoire qu’elles ont gagnée avec la création de la LPHF.

Après quatre ans en NCAA à l’Université de Minnesota-Duluth, Daoust a été repêchée par les Canadiennes, dans la Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF), en 2018.

« On avait 2000 $ par année, ça ne payait pas grand-chose. On avait des jobs à temps plein. On venait le soir à l’aréna. »

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Catherine Daoust (12) avec les Canadiennes de Montréal en 2019

Au terme de sa première saison chez les pros en 2019, la LCHF cesse ses activités. Les années suivantes, sans réelle avenue professionnelle, Daoust joue une dizaine de matchs dans l’Association des joueuses professionnelles de hockey (PWHPA), une organisation à but non lucratif.

Entre-temps, elle fait sa maîtrise en génie aérospatial à Polytechnique, diplôme qu’elle obtient en 2020. L’ingénieure décroche ensuite un emploi chez Nova Bus, à Saint-Eustache.

Elle signe finalement un contrat avec la Force de Montréal dans la Premier Hockey Federation (PHF), et y dispute 24 matchs au cours de la saison 2022-2023. Puis, l’été dernier, la PHF est rachetée, dissoute, et tout est à recommencer.

« C’est cette équipe-là, ou pas grand-chose »

Catherine Daoust « adore » son travail, et ne le voit pas comme une « corvée » en dehors du hockey.

Mais sa passion, ça demeure son sport. Et cet automne, il n’y avait – encore une fois – aucune garantie qu’elle allait pouvoir continuer à le pratiquer à un niveau professionnel.

La défenseure n’a pas été repêchée par l’équipe de Montréal, en septembre dernier. Mais elle a été invitée au camp de sélection, qui s’est déroulé au cours des trois dernières semaines.

« Je me suis fait valoir, mais à la fin, ce n’est pas moi qui prends les décisions, souligne-t-elle. […] Moi, j’étais contente de mon camp. J’ai tout donné. Au pire, je leur ai donné la vie difficile pour prendre leur décision. »

Éric Houde est l’adjoint de l’entraîneure-chef Kori Cheverie. Son mandat est de travailler avec les défenseures, justement. Selon lui, Catherine Daoust « a mérité son poste ».

« Pour moi, ce n’était pas tellement serré », ajoute-t-il.

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Éric Houde (à gauche) est l’adjoint de l’entraîneure-chef de l’équipe de Montréal, Kori Cheverie (à droite).

« De ce que je vois jusqu’à maintenant, elle est dans le top 6 facilement. Ça sert à ça, des camps d’entraînement. Tu as des surprises, des déceptions. […] Mais je suis vraiment fier d’elle. Elle a vraiment bien fait ça. Je pense que les gens vont apprendre à la connaître. Elle a une bonne éthique de travail. C’est une bonne personne, une fille sérieuse. »

Catherine Daoust a encore le sourire au visage lorsqu’elle en parle.

« J’étais très émotive de savoir que j’avais fait l’équipe. C’est une très bonne nouvelle. Parce que pour moi, il n’y a pas de Ligue américaine. C’est cette équipe-là, ou pas grand-chose. »

« Tu as vraiment les meilleures »

Et son travail, dans tout ça ?

« Je suis très soutenue par mes collègues et mes gestionnaires », souligne-t-elle, en les remerciant pour leur flexibilité. « Je suis chanceuse. »

Son entente avec le club est en voie d’être signée, dit-elle. Ce qui veut dire que son emploi du temps sera bientôt consacré entièrement au hockey.

« Le contrat est de six mois, on finit en juin. Avec le mode de vie que j’ai, je n’ai pas le choix de revenir à un travail. »

Mais « le hockey vient en premier », ajoute la joueuse. « Il ne me reste pas beaucoup d’années de hockey non plus. Je vis mon rêve de jouer au hockey professionnel. Mais idéalement, j’aimerais garder un pied chez Nova Bus pour y retourner après la saison. »

Les salaires des joueuses dans la LPHF se tiendront entre 35 000 et 80 000 $ US, alors que la moyenne salariale dans la défunte PHF était plutôt de 30 000 $.

Juste ces salaires, bien que modestes lorsqu’on les juxtapose avec ceux du hockey masculin, c’est une grande victoire. Parce qu’auparavant, les athlètes récemment diplômées « pouvaient aller travailler et gagner probablement plus » que ce qu’elles auraient obtenu en jouant au hockey.

« Mais là, ce n’est pas nécessairement le cas. S’il y avait eu cette ligue-là quand je sortais de l’université, probablement que je n’aurais pas commencé à travailler comme ingénieure tout de suite. »

Parce que la passion ne peut faire foi de tout, dit-elle. « Il y en a beaucoup qui décrochent à cause de ça. Elles ne peuvent mettre autant de temps à s’entraîner pour le peu que ça rapporte. »

Et au-delà des joueuses, c’est aussi la compétition et le niveau qui vont en bénéficier.

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La défenseure Catherine Daoust s’est taillé un poste avec la nouvelle équipe de hockey féminin de Montréal.

On peut tellement plus se pousser en pratique que quand on a fait 10 heures dans sa journée, avec de l’overtime, avant d’aller s’entraîner à 20 h.

Catherine Daoust

« Ça met tout le monde sur le même pas de départ. On est capables de se donner plus. Le jeu est élevé d’un cran. Tu as vraiment les meilleures. »

Et elle ne parle pas que de l’énergie.

« Les Européennes ne venaient pas nécessairement ici, parce que ça ne rapportait pas. »

Il y a notamment deux Tchèques avec l’équipe montréalaise : l’attaquante Tereza Vanišová et la défenseure Dominika Lásková.

« Là, elles viennent parce que ça vaut la peine. Tu as les meilleures joueuses regroupées ensemble dans ces six équipes-là. »

Finis, les matchs à sens unique de 10-0 comme on en voyait par le passé, donc. En plus des salaires plus intéressants, la joueuse estime que le repêchage a aussi permis aux équipes de se construire de façon plus « équitable ».

« C’est ce que j’ai toujours voulu : jouer contre les meilleures, avec les meilleures. »