Même si ses Flyers de Philadelphie constituent sans doute l’équipe la plus surprenante de la LNH depuis le début de la saison, Daniel Brière n’entend pas sacrifier des choix au repêchage ou des espoirs pour améliorer l’équipe à court terme.

« Nous ne serons pas acheteurs (à la date limite des transactions), a-t-il déclaré aux journalistes de Philadelphie cette semaine. L’équipe joue bien, mais nous ne céderons pas d’atouts pour tenter une percée. Nous n’en sommes pas rendus là. »

Avec seulement deux défaites en temps réglementaire à leurs dix dernières rencontres, les Flyers occupent désormais le troisième rang de la section métropolitaine avec une fiche de 16-10-3. Ils ont deux points d’avance sur le Lightning de Tampa Bay, dernier club exclu des séries, avec deux matchs de plus à disputer.

L’expression reconstruire peut prendre plusieurs formes. Pour certains, comme les Blackhawks de Chicago ou les Sharks de San Jose, l’exercice consiste à liquider ses joueurs, espérer quelques saisons dans la cave du classement et repêcher le plus haut possible.

Pour les Flyers, ou le Canadien, par exemple, il s’agit d’entamer une phase de rajeunissement, sans pour autant raser les fondations. On largue quelques vétérans indésirables, on amasse le maximum de choix au repêchage et d’espoirs et si on se trouve à gagner, contre toute attente, on respecte le plan et on ne prend pas de raccourci pour autant, pas avant plusieurs années, le temps de voir le nouveau noyau gagner en maturité.

« Nous pensons toujours à long terme, a poursuivi Brière. Nous voulons bâtir un club aspirant aux séries saison après saison. C’est toujours le plan. Certains joueurs sont en train de nous démontrer qu’ils peuvent faire partie de ce plan. »

La reconstruction n’avait jamais été envisagée par l’ancienne garde, menée par un triumvirat composé des anciennes légendes Paul Holmgren, Bob Clarke et Bill Barber. On avait même plutôt cette expression en horreur.

Mais l’arrivée en février d’un nouveau CEO, Daniel Hilferty, l’embauche de Brière à titre de directeur général, de Keith Jones comme président, et une nouvelle redéfinition des rôles pour Holmgren, Clarke et Barber, moins influents que par le passé, pour ne pas dire à peine, ont changé la dynamique à Philadelphie.

Les Flyers n’avaient sans doute pas le choix, après avoir remporté seulement une ronde de séries éliminatoires au cours des onze dernières saisons, dont sept exclusions, quatre lors des cinq dernières années.

Après deux saisons misérables, Philadelphie a obtenu le cinquième choix au total en 2022. Ils ont mis la main sur le colosse américain Cutter Gauthier, transformé d’ailier en centre à Boston College, où il a amassé 23 points, dont 13 buts, en 17 matchs cette saison.

Brière et les recruteurs des Flyers ont pris un certain risque en repêchant au septième rang l’été dernier l’attaquant russe Matvei Michkov, boudé par les premiers clubs à choisir en raison de son désintérêt pour le jeu défensif et un comportement parfois irrévérencieux en coulisses, mais le jeune homme continue de produire offensivement en KHL avec 26 points en 29 matchs à Sotchi, un rendement étonnant pour un garçon de 19 ans. Il est cependant sous contrat en Russie jusqu’en 2026, il faudra donc l’attendre quelques années encore.

Philadelphie a aussi reçu un second choix de premier tour en 2023, le 22e au total, des Blue Jackets, en envoyant le défenseur Ivan Provorov à Columbus. Ils ont aussi reçu un choix de deuxième tour en 2024 dans l’exercice. Ils ont choisi le fils de l’ancien hockeyeur Radek Bonk, le défenseur droitier Oliver Bonk, des Knights de London, 30 points en 28 matchs jusqu’ici dans la Ligue junior de l’Ontario. Bonk représentera le Canada au Championnat mondial junior.

Les Flyers détiennent aussi deux choix de premiers tours du repêchage de 2024, le leur et celui des Panthers de la Floride, obtenu dans la transaction pour Claude Giroux il y a deux ans.

Philadelphie n’a pas un noyau à tout casser avec un top 6 offensif constitué de Sean Couturier, Scott Laughton, Travis Konecny, Tyson Foerster, Joel Farabee et Cam Atkinson, avec Cam York, Travis Sanheim, Nick Seeler et Sean Walker dans le premier quatuor défensif, mais l’entraîneur John Tortorella semble tirer le maximum de ses troupes.

Et Brière semble vraiment intraitable dans sa volonté de ne pas accélérer la croissance de son équipe comme l’a fait son prédécesseur Chuck Fletcher, maître dans l’art de dilapider des choix au repêchage pour des joueurs marginaux.

Des exemples à ne pas suivre

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Pierre Dorion

En refusant d’emprunter des raccourcis, Daniel Brière veut éviter les erreurs de certains de ses confrères ces dernières années. Elles sont plus nombreuses qu’on pourrait le croire.

En 2019, les Coyotes de l’Arizona étaient dans la position des Flyers. Une équipe encore en reconstruction, mais surprenante. Le DG de l’époque, John Chayka, a cédé aux Devils du New Jersey des choix de premier et troisième tour, et le jeune défenseur format géant Kevin Bahl pour Taylor Hall, un éventuel joueur autonome sans compensation.

Les Coyotes ont perdu au premier tour et Hall était parti quelques mois plus tard. Les Devils ont repêché Dawson Mercer au 18e rang en 2020 avec le choix de premier tour et Bahl est désormais un régulier en défense chez les Devils.

En juillet 2021, les Canucks de Vancouver et le DG Jim Benning ont sacrifié leur choix de premier tour, 9e au total, et des choix de deuxième et septième tour pour obtenir le défenseur Oliver Ekman-Larsson et l’attaquant Conor Garland. Benning en a aussi profité pour larguer quelques gros salariés. Vancouver n’a pas participé aux séries depuis et on a racheté le contrat d’Ekman-Larsson l’été dernier. Les Coyotes ont repêché l’attaquant Dylan Guenther avec ce choix.

Plus près de chez nous, Pierre Dorion a cédé des choix de premier tour en 2022 (7e au total) et 2023 (12e au total) pour Alex DeBrincat et Jakob Chychrun.

Qu’ont en commun Arizona, Vancouver et Ottawa ? Ces trois directeurs généraux n’ont plus d’emploi aujourd’hui et ces trois clubs n’ont jamais participé aux séries par la suite, quoique Vancouver, avec sa nouvelle administration, semble enfin en voie de le faire.