« On dirait que ça m’a pris un certain moment pour réaliser que la rondelle était vraiment dans le filet, se souvient Ann-Sophie Bettez. Il y avait tellement une énergie, avec 8500 personnes [dans les gradins]. Ce sont juste de beaux moments. »

Bettez, c’est celle qui a marqué le but victorieux en prolongation pour les Montréalaises de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), mardi soir, dans le cadre du tout premier match de l’histoire de l’équipe dans ce nouveau circuit.

En entrevue avec La Presse deux jours plus tard, l’attaquante de 36 ans se dit « chanceuse » d’avoir été « à la bonne place au bon moment ». Elle souligne le travail de la gardienne Ann-René Desbiens, dont les « arrêts importants [leur] ont permis de se rendre là », ainsi que celui de Kristin O’Neill et de Kati Tabin dans la construction du jeu.

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Ann-Sophie Bettez

« C’est un beau privilège que d’avoir pu aider mon équipe à gagner », indique-t-elle humblement.

Nous sommes à Verdun, dans les couloirs de l’Auditorium, quelques instants après la fin d’un entraînement intense sur la patinoire secondaire de l’établissement.

Si le match inaugural de l’équipe montréalaise à Ottawa a été riche en émotions, la poussière a commencé à retomber, jeudi. À froid, quels constats peut-on faire de cette première soirée ?

Bettez parle de « nervosité » en début de match, des papillons que toutes les équipes semblent ressentir.

J’ai trouvé que de période en période, le jeu était meilleur.

Ann-Sophie Bettez

« Au début, on voyait que l’exécution n’était pas nécessairement parfaite. Un niveau de nervosité était là. Mais la saison est tellement courte, on n’a pas beaucoup de temps devant nous », analyse la vétérane.

Bettez indique qu’elle a regardé les autres matchs de la ligue jusqu’à présent. Dont la victoire du Minnesota contre Boston, mercredi soir.

« C’est un peu la même impression que j’avais, dit-elle. La troisième période était beaucoup mieux pour les deux équipes. Une des différences que j’ai remarquées, c’est vraiment le jeu physique. Ça va être de s’adapter et jouer autour de ça. Le jeu était rapide, physique. C’était l’fun. »

« Une question de timing »

Ann-Sophie Bettez n’est pas la seule qui a remarqué l’importance de la rapidité au cours des premiers matchs de la LPHF. Ça a justement été le thème de la séance d’entraînement organisée par l’entraîneuse-chef Kori Cheverie, jeudi matin.

Comme ces affrontements à une contre une pour aller chercher la rondelle en premier, puis batailler pour la conserver. Ou ces dégagements en fond de territoire pour que les joueuses se disputent la possession du disque.

« Tout tournait autour de la rapidité et de la vitesse de jeu aujourd’hui, a confirmé la technicienne devant La Presse. Ça fera partie de l’identité de cette équipe, mais aussi de la ligue. »

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L’entraîneuse-chef Kori Cheverie

Petite note : Cheverie estime même avoir vu plus d’intensité physique lors des matchs entre les équipes du Canada que dans ceux disputés aux États-Unis. Puisque l’échantillon est mince, elle ne se l’explique pas encore très bien.

Cette identité, elle va forcément se développer avec le temps et les matchs. Mais déjà, l’effectif en place permet d’établir certaines bases.

« On croit qu’on a une équipe très intelligente, souligne Cheverie. […] On sait qu’on a le QI, mais il faut maintenant que l’exécution s’y rapporte. Nos joueuses voient le jeu se développer, alors c’est une question de timing. »

Du professionnalisme… des deux côtés

Le calendrier de l’équipe de Montréal est serré en janvier : sept matchs en 25 jours, du 2 au 27. L’entraînement d’un peu plus d’une heure de jeudi était donc intense, mais relativement court.

« Ils gèrent notre charge en s’assurant qu’on n’est pas surmenées », indique la jeune Claire Dalton, qui a eu le sourire aux lèvres tout au long de son petit entretien avec La Presse.

Dalton, une Torontoise de 20 ans repêchée de l’Université Yale, en est à sa première expérience dans un environnement de hockey professionnel. Elle s’estime « chanceuse » d’avoir pu « simplement arriver ici », en étant consciente des embûches que certaines de ses contemporaines et prédécesseures ont vécues avant d’atteindre ce but.

« On se sent soutenues dans tous les aspects, indique-t-elle. La nourriture est bonne, l’entraînement est bon, on n’a aucune raison de se plaindre. C’est super facile de performer quand tu sens qu’on s’occupe de tout. »

C’est peut-être pour cette raison que Dalton a eu le bonheur de marquer le tout premier filet de l’histoire de la franchise, mardi.

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Claire Dalton

C’était tellement cool. Ma famille était là, ils ont pu le voir et célébrer avec moi. Mais il y a eu des premières pas mal plus importantes que mon but cette journée-là !

Claire Dalton

Pour Cheverie, l’environnement professionnel est crucial pour obtenir de bonnes performances, mais le professionnalisme doit aussi venir de l’autre côté.

« Ce qui est très important pour nous, c’est la prise de responsabilités de nos joueuses. Notre sport se dirige dans la bonne direction, mais ça ne veut pas dire que les choses vont leur être données non plus. Elles doivent prendre les bonnes décisions pour elles-mêmes, pour le groupe, arriver à l’heure, commencer à l’heure. On fait notre part en leur créant un bon environnement, mais après, c’est leur tour d’être responsables. »

Et est-ce que c’est le cas, jusqu’à présent ?

« Oh que oui ! On a un vestiaire avec de bonnes pros qui nous mènent, et des jeunes qui vont continuer à devoir être guidées. On va les aider là-dedans. On est en train de devenir une famille. »