Lorsque l’avantage numérique du Canadien est en panne, on entend systématiquement la bonne blague selon laquelle, comme au football américain, il devrait être permis de décliner une punition. On éclate alors d’un rire gras, on assiste à deux longues minutes de jeu stérile puis on répète la même blague à la prochaine occasion.

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Existe-t-il une boutade équivalente pour un désavantage numérique anémique ? Disons lorsqu’une unité cède trois fois sur dix, parfois plus pendant certaines séquences particulièrement pénibles ?

Si un fin trait d’esprit nous venait en tête, on aurait amplement l’occasion de le roder en regardant aller la Flanelle, qui a encore cédé deux fois à court d’un homme contre les Sabres de Buffalo, jeudi soir, dans une gênante déconfiture de 6-1.

Il y a un peu moins d’un mois, La Presse s’était penchée sur le désavantage numérique lamentable du CH. « Ça ne fonctionne pas », avait froidement analysé Johnathan Kovacevic, qui avait expliqué les difficultés de son équipe à appliquer efficacement le schéma du « diamant », pourtant très répandu dans la ligue.

Le défenseur s’était exprimé ainsi : « La tendance a commencé il y a six ou sept matchs. [Nos adversaires] ont commencé à nous exposer avec des jeux en bas de la zone, où on leur donnait trop d’espace. »

Le Canadien en a maintenant disputé 13 depuis cette remarque de Kovacevic. En ajoutant les « six ou sept » qu’il avait évoqués, ça ferait donc une vingtaine de joutes que la lacune est connue. Cette même lacune que les Sabres ont exploitée deux fois en moins de deux minutes. Sur leur premier filet, Jeff Skinner a eu quelque chose comme 127 heures pour planifier sa remise transversale à Casey Mittelstadt. Sur leur deuxième, l’échange entre Alex Tuch et Skinner a été plus rapide, mais le scénario était le même : les deux attaquants des Sabres ont eu tout l’espace voulu pour travailler à leur aise près du filet défendu par le pauvre Jake Allen.

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Joel Armia (40)

Erreurs et communication

Après la rencontre, Martin St-Louis n’était résolument pas jasant – son point de presse entier, en français et en anglais, a duré trois minutes et demie.

Ces deux buts en désavantage numérique, il les a attribués à des « erreurs individuelles ».

La réponse serait satisfaisante s’il s’agissait d’un accident de parcours. Or, on en retrouve plusieurs déclinaisons dans les derniers matchs du club.

À Sunrise, samedi dernier, Eetu Luostarinen a profité de trois bonnes secondes en possession de la rondelle pour s’avancer jusqu’au filet et marquer.

Et ce n’est pas comme si le bas de l’enclave était le seul point de vulnérabilité de cette unité. Des buts, elle en accorde beaucoup, beaucoup.

Contre les Sabres, c’était la quatrième fois en dix matchs que l’adversaire s’imposait à deux reprises en avantage numérique.

Voilà maintenant le Canadien au 31rang de la ligue en désavantage numérique, en vertu d’un famélique rendement de 72,1 %. Un taux de succès (le mot est fort) similaire à celui de la dernière saison.

« On court après la constance, a encore dit Martin St-Louis. Il y a des matchs où on est très bons. Ce soir, on n’était pas là. »

Aux yeux de Jordan Harris, le problème se situe surtout sur le plan de la communication. Lui aussi a constaté des « problèmes » lorsque l’autre équipe « envoie deux gars sur la ligne des buts ». « On travaille là-dessus à l’entraînement, a-t-il assuré. On s’attarde à tous les détails. »

Stagnation

De manière plus générale, Sean Monahan a reconnu que son club devait « être meilleur pour garder la rondelle hors du but ». « On doit trouver des manières de placer nos bâtons pour bloquer l’accès » au filet, a-t-il précisé.

David Savard, l’un des joueurs les plus sollicités dans ces circonstances, a lui aussi pointé les « erreurs individuelles qui font boule de neige ». « On va regarder ce qu’on fait de pas correct et on va continuer d’apprendre », a-t-il ajouté. Lui non plus n’avait résolument pas envie d’improviser une conférence TED sur la question.

L’enjeu est toutefois de taille. Car dans cette saison où le progrès est sur toutes les lèvres, et s’observe parfois dans des microdétails, la tendance est évidente : à l’approche de la mi-parcours, le désavantage numérique, au mieux, stagne.

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Levi a frustré trois fois coup sur coup Jesse Ylönen avec sa jambière droite.

Martin St-Louis a avoué, dans une entrevue accordée à Sportsnet avant le début de la saison, qu’il avait négligé l’avantage numérique l’an dernier. Il n’en avait pas fait une priorité, avait-il dit, parce que l’équipe n’était « pas prête à gagner ».

Depuis le début de la présente campagne, l’avantage numérique a reçu un peu d’amour. Et ça va un peu mieux, malgré les absences de Kirby Dach et d’Alex Newhook, deux apports évidents dans cette phase de jeu.

Dans la longue liste des blessés du CH, seul Rafaël Harvey-Pinard apparaît comme un spécialiste du quatre contre cinq. On pourrait maintenant ajouter Christian Dvorak. Il est donc difficile de blâmer l’infirmerie.

Peut-être le problème fondamental réside-t-il dans le personnel en place et dans sa capacité à s’adapter ? Peut-être aussi se trouve-t-il dans sa préparation et son encadrement ? Peut-être que c’est un peu tout ça.

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Nick Suzuki (14)

Quoi qu’il en soit, le problème est réel. Et criant. Et il coûte des matchs.

En hausse

Jake Allen

Ce n’est pas une blague. Il a gardé ses coéquipiers dans le match pendant deux périodes, et ceux-ci l’ont abandonné en troisième. Malgré le pointage élevé, on ne peut franchement pas lui imputer la défaite.

En baisse

Johnathan Kovacevic

Quand on est le défenseur en trop, on patine déjà sur une glace mince. Alors quand on connaît en plus une sortie difficile, la marge de manœuvre est, elle aussi, très mince. Aucune présence en troisième période.

Le chiffre du match

5 min 35 s

C’est le temps qu’il restait au cadran lorsque Martin St-Louis a rappelé son gardien au banc dans l’espoir que son club réduise le déficit de 4-1. Le temps de cligner des yeux, c’était 5-1. Ne sont pas les Stars de Dallas qui le veulent.

Dans le détail

Grosse soirée pour Devon Levi

Devon Levi ne va pas oublier ce jeudi 4 janvier 2024 de sitôt. Le jeune gardien de 22 ans, originaire de Dollard-des-Ormeaux, disputait le deuxième match de sa jeune carrière contre le Canadien, mais le premier au Centre Bell, devant environ 100 amis et membres de sa famille, selon sa propre estimation. Le jeune homme a profité de ce retour à la maison pour offrir une très belle performance, avec 32 arrêts sur 33 tirs. « Je rêvais de ce moment depuis que j’ai cinq ans, a-t-il raconté en fin de soirée. Je venais ici regarder Carey Price faire des arrêts de la mitaine, et c’est juste incroyable d’être au même endroit que lui et que plusieurs autres très bons gardiens. J’écoute Fix You (de Coldplay) avant charque match dans mes écouteurs, mais j’ai pas eu à le faire cette fois ; les haut-parleurs du Centre Bell l’ont fait pour moi ! »

C’est officiel : Jeff Skinner est en feu

Avant de débarquer au Centre Bell en ce frisquet jeudi soir, Jeff Skinner se portait très bien merci, avec une récolte de cinq points à ses cinq matchs précédents. On peut vous confirmer qu’il se portait très bien aussi en fin de soirée, parce qu’au moment de la sirène finale, l’attaquant des Sabres avait conclu sa visite avec une récolte d’un but et trois passes pour un total de quatre points. Il en fait d’ailleurs une habitude face au CH, lui qui a récolté 16 points à ses six derniers matchs contre le club montréalais. « Je n’étais pas au courant, a-t-il répondu au sujet de ses succès contre le Canadien. Des fois, ça arrive… On a tous des hauts et des bas dans une saison, on essaie de trouver notre rythme. Pour nous, il faut espérer que cette victoire soit le début de quelque chose. »

Presque deux buts pour Armia

Ça n’arrive pas souvent, alors aussi bien l’écrire ici : Joel Armia a marqué. D’un superbe tir en plus, il a marqué son cinquième but de la saison, et c’est sans compter ce but qui lui a été refusé parce que Michael Pezzetta avait commis de l’obstruction à l’endroit du gardien Devon Levi. Pour Armia, il s’agissait d’un premier but depuis le 16 décembre, c’est-à-dire une sécheresse de sept matchs sans but… et sans aide aussi, lui qui n’a toujours pas obtenu une passe à sa fiche depuis le début de la saison. Les matchs comme celui-ci nous rappellent pourquoi le Finlandais a jadis été un choix de premier tour…

Richard Labbé, La Presse