La dernière fois que Devon Levi a mis les pieds au Centre Bell, « je regardais Carey Price jouer ». Jeudi soir, ce sera lui que l’on regardera jouer.

Le Québécois défendra en effet le filet des Sabres face à son équipe d’enfance. Levi avait affronté le Canadien le 9 décembre dernier, au KeyBank Center, dans une défaite de 3-2 en tirs de barrage.

« C’était le fun à Buffalo, et ce sera plus le fun ici, dans cet aréna. Je suis très excité », a lancé Levi, devant la dizaine de journalistes qui l’attendaient devant son casier.

Ils l’ont attendu longtemps, étant donné qu’il est le gardien partant. L’entraînement des Sabres s’amorçait à 11 h 30, et en temps normal, le gardien titulaire rentre au vestiaire après une vingtaine de minutes sur la patinoire. Mais pendant que les Tage Thompson, Owen Power et Zach Benson retiraient leur équipement, le casier de l’homme masqué des Sabres restait vide. Même son adjoint, Ukko-Pekka Luukkonen, a quitté la patinoire avant lui, une situation qu’on ne se souvient pas d’avoir vue de mémoire d’homme.

Levi est finalement apparu dans le vestiaire des visiteurs à 12 h 20.

Cela dit, Levi est reconnu pour ses habitudes bien à lui, par exemple ses courtes séances de méditation sur la patinoire pendant les pauses publicitaires. Les longs entraînements matinaux font-ils aussi partie de ses habitudes ?

« Pas toujours. Ça dépend de comment je me sens, a répondu le Dollardien. Aujourd’hui, je voulais être sur la glace pour en profiter. C’était spécial. Je voulais que ça sorte maintenant pour pouvoir me concentrer sur le match ce soir. »

« C’était juste pour apprécier le moment. Je veux vraiment m’en souvenir plus tard. »

Levi se positionnait un peu à mi-chemin entre le cliché du « match comme un autre » et le fait de reconnaître le côté spécial de la soirée qui l’attend. Après tout, c’est dans ce même aréna qu’il venait voir jouer son équipe d’enfance, plus jeune. « Mon frère, mon père et moi, on venait souvent contre Boston. C’était de bons matchs, tout le monde huait Zdeno Chara, c’était le fun ! »

Et ce soir ? « C’est le même but, j’ai les mêmes intentions. Mais c’est un peu plus spécial d’être ici. Il y a de très bons gardiens qui ont joué dans ce crease-là avant moi. C’est certainement cool. J’ai juste pris cinq ou dix minutes pour apprécier ce moment. »

Levi s’amène à Montréal au cœur d’une séquence éprouvante. À ses quatre derniers départs, il montre une fiche de 1-2-0, avec une moyenne de 4,44 et une efficacité de, 850. À ses quatre départs précédents, il avait signé trois victoires, avec une moyenne de 1,71 et une efficacité de, 942.

Levi, rappelons-le, vient tout juste de fêter ses 22 ans, ce qui fait de lui le plus jeune gardien à temps plein dans la LNH cette saison. Il a en outre fait le saut directement de la NCAA à la grande ligue le printemps dernier, et n’a disputé que deux matchs dans la Ligue américaine cette saison. Les Sabres viennent de lui accorder un vote de confiance, par la bande, en soumettant le gardien Eric Comrie au ballottage afin de le céder à Rochester.

À Buffalo, on semble donc croire que sa transition chez les pros passera par la LNH.

« Il y a des choses qui sont pareilles comme au collège. C’est le même match. Rien ne change sur la glace, assure-t-il. C’est plus hors de la glace que ça change : être un pro, avoir plus de temps, ne pas aller à l’école. Il y a plus de bruit autour, plus de médias, plus de gens qui parlent. Ça demande d’avoir une tunnel vision et de se concentrer seulement sur le match. J’ai appris ça au début de l’année. C’est le plus gros changement que j’ai perçu. »

Il effectue toutefois cette transition dans un environnement perdant. Les attentes étaient élevées cette saison à Buffalo après une campagne 2022-2023 encourageante. Mais l’équipe fait chou blanc jusqu’ici avec une fiche de 15-19-4, à huit points de la dernière place donnant accès aux séries. Le spectre d’une 13e exclusion de suite des séries semble de plus en plus réel.

Décision judicieuse

Tout n’est pas sombre dans l’entourage des Sabres, cela dit. Le jeune Zach Benson, 1er choix de l’équipe en juin dernier, continue de susciter l’enthousiasme, et pas seulement en raison de sa chevelure qui n’est pas sans rappeler celle de Denis Savard en 1990.

Benson compte en effet sept points à ses neuf derniers matchs et a droit à sa quinzaine de minutes sur la glace par rencontre.

Sa progression à ce moment-ci de l’année est particulièrement intéressante, car les Sabres avaient l’option de faire comme les Bruins avec Matthew Poitras et le prêter à Équipe Canada junior pour le Championnat du monde. Benson n’a encore que 18 ans.

Le directeur général, Kevyn Adams, a finalement préféré le retenir à Buffalo.

« Kevyn m’a parlé peut-être trois fois dans le mois qui précédait la décision, a relaté Benson. Au bout du compte, il m’a dit qu’il voulait que je sois ici, que l’équipe avait besoin de points et que je les aide tous les soirs. J’aurais été satisfait d’un ou l’autre des scénarios : vivre un rêve en représentant mon pays, ou continuer de vivre mon rêve dans la LNH. Ils m’ont quand même demandé ce que j’en pensais, mais j’étais heureux de ne pas avoir à prendre la décision, car ça aurait été difficile de me prononcer ! »