Les partisans du Canadien qui ne suivent pas les activités du Rocket de Laval ne savaient sans doute pas grand-chose de Mitchell Stephens il y a quelques semaines.

Cela fait déjà un an et demi qu’il est lié à l’organisation. Or, même si au total 25 attaquants ont disputé au moins un match avec le grand club l’an dernier et que Stephens possédait un contrat à deux volets de la LNH, il n’a jamais été rappelé à Montréal.

Dans un relatif anonymat, il a signé un nouveau contrat en juillet dernier et a pris part au camp d’entraînement automnal. Mais avec six patineurs identifiés comme des joueurs de centre dans l’effectif montréalais, les chances de voir Stephens dans la LNH semblaient bien minces.

Pourtant, la vie étant ce qu’elle est, l’Ontarien de 26 ans a déjà disputé 15 matchs dans le maillot bleu-blanc-rouge cette saison. Et maintenant qu’on sait que Christian Dvorak ne patinera plus en 2023-2024, voilà que Stephens est virtuellement assuré de jouer la majorité, voire la totalité, des 44 derniers matchs du calendrier. S’il demeure en santé, évidemment.

On reconnaîtra que Mitchell Stephens n’est pas la réincarnation de Patrice Bergeron. Si, à son âge, il a disputé 219 matchs dans la Ligue américaine contre seulement 87 dans la LNH, ce n’est pas par hasard.

Mais si c’est à lui qu’on a fait appel lorsque les joueurs de centre ont commencé à tomber les uns après les autres, ce n’est pas par hasard non plus.

À Laval, il s’est illustré par sa fiabilité en attaque comme sur le plan défensif. Le Rocket a pleuré sa perte à l’aube des séries éliminatoires, le printemps dernier. À l’automne, au sein d’une escouade résolument rajeunie, on en a fait l’assistant au capitaine Gabriel Bourque.

Jayden Struble, qui dispute sa première saison chez les professionnels, a côtoyé Stephens à Laval puis à Montréal depuis le début du mois d’octobre.

« On avait besoin de joueurs plus vieux pour garder les choses sous contrôle, a témoigné le défenseur, vendredi matin, après l’entraînement du CH. Il m’a beaucoup aidé. »

C’est un pro, un vétéran. Il a été très bon pour nous.

Jayden Struble, au sujet de Mitchell Stephens

« Des gars comme lui, Alex Belzile ou Gabriel Bourque ont rendu la vie facile aux plus jeunes l’an dernier, a abondé Jesse Ylönen. On pouvait les regarder aller et s’inspirer d’eux. [Stephens], c’est un gars qui peut tout faire. Toutes les équipes ont besoin de joueurs comme lui. »

Soutien

L’exemple de Belzile est particulièrement éloquent, dans la mesure où Stephens joue actuellement un rôle semblable à celui qu’a rempli le Québécois la saison dernière. Celui du joueur de centre de soutien fiable, appelé à accomplir des missions essentiellement défensives, à forces égales comme en désavantage numérique. L’actuel numéro 13 du Tricolore est par ailleurs fort efficace au cercle de mise en jeu, où il affiche un taux de succès de 58,6 %.

Comme Belzile l’an dernier, à défaut d’avoir une longue feuille de route dans la LNH, il prouve qu’il en a vu d’autres ; conséquemment, il permet à ses entraîneurs de déployer leur énergie ailleurs.

« Ça nous permet de ne pas accélérer [le développement] d’un jeune qui n’est pas prêt », a avoué Martin St-Louis, vendredi. La Flanelle, de fait, ne regorge pas d’options au centre dans son système de développement. À Laval, Riley Kidney est surtout employé à l’aile. Il est difficile de penser que Jan Mysak aura sa chance dans la LNH à court ou moyen terme. Owen Beck et Filip Mesar sont encore dans les rangs juniors.

Stephens apparaît drôlement comme le remplaçant le plus qualifié. Martin St-Louis apprécie jusqu’ici son « niveau de compétition et ses détails ». « Il est très engagé physiquement et mentalement, a poursuivi l’entraîneur. Il montre qu’il est capable de nous aider à maintenir notre rythme, de prendre une chaise et de jouer ce rôle-là. »

Prudence

Peu volubile de nature, le principal intéressé préfère aborder la situation avec un grain de sel. Dans ses réponses, on sent l’expérience de celui qui a appris à gérer ses attentes.

Peu importe où je joue, je veux aider mon équipe. Je ne regarde pas beaucoup l’avenir. Je veux travailler fort et y aller un jour à la fois.

Mitchell Stephens

Bien que son mandat, à Montréal, soit nettement moins axé sur l’attaque qu’à Laval, il estime que son jeu « ne change pas vraiment ».

« Je joue sur 200 pieds et j’apporte le plus d’énergie possible, a-t-il résumé. Mon état d’esprit reste le même. Je veux faire ce que je sais faire et utiliser mes attributs. »

Il sait que les choses changent parfois très vite. Les retours au jeu de Rafaël Harvey-Pinard et de Tanner Pearson, d’ici deux à trois semaines, pourraient provoquer un surplus de personnel. Ni l’un ni l’autre ne joue au centre, mais les deux sont bien positionnés dans l’organigramme en attaque.

Mitchell Stephens en fera-t-il les frais ? Peut-être. Peut-être pas. En fait, il ne s’en inquiète pas. Il profite de chaque match qui s’ajoute à sa fiche… et il empoche un salaire de la LNH, ce qui n’est pas le moindre des avantages.

Il tente donc de rendre un travail le plus honnête possible. En silence, sans faire de vagues. Un jour à la fois.

Heineman et Montembeault contre les Rangers

Après avoir disputé trois rencontres avec seulement 11 attaquants en uniforme, le Canadien s’est finalement résolu à rapatrier du renfort. L’organisation a ainsi annoncé, vendredi matin, avoir rappelé Emil Heineman du Rocket de Laval. Le Suédois affrontera vraisemblablement les Rangers de New York ce samedi à domicile. Heineman a disputé deux matchs avec le Tricolore il y a quelques jours, ses deux premiers dans la LNH. Il avait chaque fois joué moins de 10 minutes, sans obtenir de point. C’est par ailleurs Samuel Montembeault qui défendra le filet montréalais contre les Rangers. Il s’agira pour lui d’un troisième départ en quatre matchs.