(Montréal) La rotation à trois gardiens qui prévaut depuis le début de la saison, Martin St-Louis ne l’a pas choisie. On comprend donc ses réponses de politicien à ce sujet.

« On prend des décisions calculées. »

« On gère en fonction du calendrier. »

« J’ai confiance en tous nos gardiens. »

Si trois hommes masqués se partagent encore le travail de manière plus ou moins équitable, c’est parce que la direction de l’équipe en a décidé ainsi. Parce qu’elle redoute d’en perdre un au ballottage. Ou parce qu’elle n’a pas accepté les offres d’échange qu’on lui a soumises, si on lui en a soumis. C’est légitime.

St-Louis, toutefois, est probablement arrivé au bout de ses ressources pour défendre cette décision qui n’est pas la sienne, après que Samuel Montembeault a repoussé 45 rondelles dans une victoire de 4-3 en tirs de barrage contre les Rangers de New York.

« Montembeault est-il votre numéro un ? », a-t-on demandé après la rencontre. « Il joue comme un numéro un », a répondu l’entraîneur-chef.

Face aux New-Yorkais, le Québécois a été tout simplement magistral. « Assez exceptionnel, a renchéri David Savard. C’était le fun de le voir aller. »

Les 48 tirs cadrés des Rangers sont venus de partout, dans toutes les situations. Hormis sur leurs trois buts, dont deux ont fait suite à des déviations, les visiteurs se sont frappés à un mur, non seulement en temps réglementaire, mais aussi en prolongation, littéralement jusqu’à la dernière seconde.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

But de Brendan Gallagher

En tirs de barrage, Montembeault n’a rien donné. Il a réservé son meilleur arrêt à Mika Zibanejad, qui croyait bien avoir battu son rival en lui servant une feinte à la Peter Forsberg. Or, le gardien a réagi juste à temps pour frapper avec son bâton la rondelle qui glissait vers le but.

« Il a déjà fait le même move contre moi et il avait marqué », s’est souvenue la première étoile du match en fin de soirée.

J’avais mordu et il avait changé de côté. Là, il a fait la même chose, je l’ai suivi, mais il est quand même revenu à une main. J’ai réussi un bel arrêt, je suis vraiment content !

Samuel Montembeault, sur son arrêt en tir de barrage face à Mika Zibanejad

Pas sa « tasse de thé »

La réputation de Montembeault n’est plus à faire : dans la victoire comme dans la défaite, il ne s’emporte pas. Ainsi, devant l’armée de journalistes, il souriait de toutes ses dents, mais en vantant notamment l’ambiance électrisante du Centre Bell – la foule l’a d’ailleurs longuement acclamé après la sirène finale – et en rendant hommage à l’effort constant de ses coéquipiers, qui n’ont jamais abandonné même si les Rangers ont effacé un retard de 0-3.

Il s’est surtout réjoui d’avoir gagné en tirs de barrage, une situation qui n’est pas sa « tasse de thé ». Vérification faite, c’était seulement sa deuxième victoire dans ces circonstances en sept tentatives depuis son arrivée à Montréal il y a deux ans.

Ses coéquipiers, eux, ont salué le chemin qu’il a parcouru depuis, justement, que le Tricolore l’a réclamé au ballottage le 2 octobre 2021.

« On le voit être de plus en plus confortable devant son filet », a noté David Savard.

Il se sent gros, les rondelles le frappent. Il met beaucoup de temps, fait beaucoup de répétitions. Je pense que ça paye quand on voit à quel point il est confiant. On a confiance en lui à 100 %.

David Savard, au sujet de Samuel Montembeault

Brendan Gallagher, lui, s’est rappelé les tout débuts de Montembeault dans le maillot bleu-blanc-rouge. Une défaite de 5-1 à Buffalo, subie au terme d’une horrible performance des patineurs devant lui.

« Ça n’avait pas bien été, a résumé Gallagher. Mais il a bien géré ça et n’a jamais arrêté de croire en ses moyens. Il a travaillé, travaillé, travaillé. Il est au point de sa carrière où il gagne des matchs pour nous, et c’est dur à faire dans cette ligue. Il travaille, il prend très peu de congés. Jouer à Montréal est spécial pour lui, et on voit les réactions qu’il obtient après des matchs comme celui-là. On s’en nourrit tous. »

« J’essaie d’être prêt »

Montembeault, lui, a surtout parlé de sa progression technique. Son positionnement. Sa capacité à suivre la rondelle. Sa manière d’affronter les tirs voilés.

Il n’a pas mordu, toutefois, aux questions sur son statut. Il croit avoir montré, la saison dernière, qu’il pouvait abattre une importante charge de travail. Et il était heureux de disputer le match du 2 janvier à Dallas, 48 heures après une performance individuelle qu’il n’avait pas aimée à Tampa. Du reste, « quand j’ai le filet, j’essaie d’être prêt », a-t-il dit.

Il ne fait pas qu’essayer. Il fait partie des gardiens qui concluent avec le plus de régularité des matchs avec un taux d’efficacité supérieur à ,900 – le voilà à 12, en 17 départs.

Ses deux dernières victoires, contre les Stars et les Rangers, il les a signées contre des clubs élites. Alors qu’en début de saison, c’est Jake Allen qui semblait désigné pour affronter les adversaires les plus coriaces, c’est maintenant Montembeault qui obtient ces affectations. Que l’on sache, le ménage à trois n’est pas fini, mais le numéro 35 a disputé trois des quatre derniers matchs du CH.

S’il « joue comme un numéro un », qu’il se comporte comme tel, que l’on semble augmenter ses tâches et qu’on lui a offert un contrat de trois ans, c’est peut-être parce que c’est ce qu’il est, finalement : le gardien numéro un du Canadien de Montréal.

Même si ça semble des mots bien difficiles à prononcer par son entraîneur.

En hausse

Le désavantage numérique

Après une sortie misérable jeudi, l’escouade a connu une soirée parfaite en tenant au silence le meilleur avantage numérique de la ligue. Les Rangers ont certes obtenu 14 tirs dans ces circonstances, mais l’unité du CH a enfin protégé efficacement l’avant de son filet.

En baisse

Kaiden Guhle

Performance ordinaire, voire difficile, malgré qu’il ait principalement affronté le troisième trio des Rangers. Il a en outre écopé de deux punitions.

Le chiffre du match

20 min 28 s

C’est le temps de glace de Jayden Struble, un sommet pour lui, à son 21match dans la LNH. Seuls David Savard et Mike Matheson l’ont devancé à ce chapitre, samedi. On l’a même vu pendant presque 2 minutes en prolongation.

Dans le détail

Le héros obscur des Rangers

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Vincent Trocheck (16)

Samedi matin, Alexis Lafrenière a donné de l’amour à son centre, Vincent Trocheck. « Il fait pas mal tout. C’est ça qui le rend tellement bon », a dit le Québécois. Dans une équipe où les mains d’Artemi Panarin, les épaules de Jacob Trouba et la crinière de Mika Zibanejad monopolisent l’attention, Trocheck passe un brin inaperçu, mais dans la défaite, il a montré sa polyvalence. Il a amorcé la remontée des siens en faisant dévier un tir, avant de préparer le deuxième but, celui de Panarin, en gagnant une mise en jeu en poussant la rondelle vers l’avant. À l’évidence un jeu chorégraphié, bien que les statisticiens de la LNH aient donné la victoire à Mitchell Stephens pour cette mise en jeu. Aux journalistes présents dans le vestiaire des Rangers après le match, Trocheck a ouvert son livre de jeu. « C’était ma deuxième mise en jeu en sept secondes contre lui. Les mises en jeu sont une guerre psychologique, donc j’ai tenté d’y aller vers l’avant, puisque je venais d’aller vers l’arrière. » Pas pour rien que Trocheck est 3e dans la LNH à ce chapitre. Le numéro 16 a aussi réussi quelques jeux défensifs, par exemple en plongeant devant un tir de Sean Monahan en fin de troisième période.

Les responsabilités d’Evans

Avec tous les blessés à l’avant pour le Canadien, Jake Evans ne manque pas d’ouvrage. Le numéro 71 a connu une autre soirée occupée, avec 19 minutes sur la patinoire, un chiffre qu’il atteint pour la quatrième fois cette saison. Là où ça devient intéressant pour lui, c’est que ce n’est pas en raison du désavantage numérique que son temps d’utilisation a explosé. Le CH a écopé de trois pénalités, un chiffre bien banal. C’est simplement qu’il est utilisé dans des situations de plus en plus diverses. Il a notamment pris cinq mises en jeu en zone offensive, contre six en zone défensive ; l’écart entre les deux est nettement plus grand en général. Evans a aussi eu droit à 38 secondes en avantage numérique, lui qui est employé au sein de la deuxième unité depuis que Christian Dvorak est blessé. Encore plus intrigant : Martin St-Louis a dépêché Evans en prolongation pour deux présences, et ce, sans que ce soit pour des mises en jeu. Reste à voir s’il profitera de son utilisation bonifiée pour étoffer ses statistiques ; il n’a pas marqué à ses 11 derniers matchs et a amassé trois passes pendant cette séquence.

La fin de la léthargie

Brendan Gallagher a passé une bonne partie de sa mêlée de presse du matin à discuter de sa léthargie de 24 matchs sans buts. Il s’est assuré de ne plus revivre cet exercice avant au moins deux mois en marquant dès la première période, sur un bon tir des poignets. Il pourra remercier David Savard, qui a permis à l’attaque montréalaise de rester en territoire offensif en empêchant la rondelle de traverser la ligne bleue. Ce but porte le total de Gallagher à 6 en 39 matchs cette saison. Sa moyenne de 0,15 but par match est toutefois la pire de sa carrière après son 0,13 de la campagne 2021-2022. On verra si, comme Josh Anderson, qui a inscrit 6 buts dans un intervalle de 10 matchs en décembre, Gallagher sera relancé par sa réussite de samedi.