(Philadelphie) Avant de passer son entrevue d’embauche, au printemps 2022, John Tortorella a fait ses devoirs. S’il espérait devenir entraîneur-chef des Flyers de Philadelphie, il lui fallait regarder cette équipe jouer.

Il n’a pas mis de temps à trouver ce qui, à ses yeux, ne tournait pas rond.

« Je ne veux pas critiquer ceux qui sont passés avant moi », a-t-il prévenu, mardi matin, après l’entraînement de son équipe. Une rare formule de politesse pour ce haïsseur des gants blancs. Ce qu’il a vu ? Du jeu défensif déficient, presque en déroute.

« On avait besoin de mieux protéger notre gardien et de mieux comprendre nos couvertures », résume-t-il.

La saison dernière, sa première à la barre des Flyers, il a donc mis ses hommes au travail. « Chaque maudite journée », l’accent était mis sur cet aspect du jeu. « On l’a fait et refait, et refait encore. »

Force est de constater que ces efforts ont porté leurs fruits. À la surprise quasi générale, à la mi-campagne, les Flyers sont dans le portrait des séries éliminatoires dans l’Association de l’Est. Alors qu’on leur promettait pourtant le fond du classement.

Et ce qui était la grande faiblesse du club fait soudain son succès. À cinq contre cinq, les Philadelphiens réussissent, jusqu’ici, à limiter efficacement les tirs et les chances de marquer adverses. Sans être une force du circuit, la machine défensive rend un travail tout à fait honnête.

Un indice tout simple ? Le différentiel actuel de + 4, une spectaculaire amélioration par rapport aux dernières années (- 38, - 87 et - 55, respectivement, de 2020-2021 à 2022-2023), et un rendement remarquable pour une organisation en reconstruction.

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Carter Hart et Travis Konecny

Le journaliste Charlie O’Connor, de PHLY Sports, a récemment illustré la métamorphose qu’a subie la défense sous Tortorella et son adjoint Brad Shaw. Ceux-ci ont, selon lui, transformé Rasmus Ristolainen « en un défenseur défensif capable de dicter le jeu » ; Nick Seeler en un monstre de fiabilité qui « avale les minutes dans un top 4 » ; Sean Walker, dont les Kings de Los Angeles voulaient se débarrasser du salaire, en un « droitier de deuxième paire supérieur à la moyenne » ; et Travis Sanheim « en la meilleure version de lui-même à ce jour ». Ce n’est pas peu dire.

Cela sans oublier Cam York, « qui a commencé la dernière saison dans la Ligue américaine et qui joue aujourd’hui sur le premier duo », rappelle le directeur général Daniel Brière. Ce dernier vante par ailleurs le brio de ses gardiens Carter Hart et Samuel Ersson.

Tout le monde a embarqué. ‟Torts” a certaines attentes défensivement : si tu ne joues pas de la bonne façon, tu ne joueras juste pas. Les gars n’ont pas le choix de contribuer.

Sean Couturier

« C’est plaisant à regarder, abonde Carter Hart. Les gars font du bon travail devant le filet, ils enlèvent les bâtons des lignes de tir. On a beaucoup de joueurs de talent qui peuvent faire des jeux, provoquer des choses. »

Le gardien est surtout ébahi par la « bravoure » des défenseurs devant lui comme rarement auparavant. « Ça montre à quel point ils ont l’équipe à cœur. »

Renaissance

Un autre élément qui n’est certainement pas à négliger, et qu’a nommé le DG parmi les facteurs de succès : le retour de Sean Couturier.

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Sean Couturier

Deux opérations au dos ont coûté au joueur de centre la majorité de la saison 2021-2022 et la totalité de 2022-2023. À 31 ans, enfin en santé, il ne voulait pas « juste être un joueur qui revient d’une blessure pour finir sa carrière et son contrat ».

« Je voulais revenir au niveau où j’étais, sinon meilleur. Je pense que j’ai encore de belles années devant moi », a-t-il expliqué, mardi, dans le vestiaire des Flyers.

Même s’il a l’impression que ses mains « ne sont pas encore tout à fait là », cet ancien gagnant du trophée Selke a visiblement retrouvé la majorité de ses repères. Il est l’attaquant le plus utilisé de son club (presque 20 minutes par match) et il a amassé 27 points en 38 rencontres tout en maintenant un différentiel de + 9.

Fidèle à son style, Tortorella n’a pas fait dans la dentelle en avouant que Couturier n’était pas son favori l’an dernier. Quand il entendait parler de lui, c’est parce qu’il se plaignait d’être incapable de jouer.

Or, l’entraîneur éprouve aujourd’hui « un respect différent » pour son vétéran. Il est impressionné par les éléments « intangibles » de son jeu. « Je suis vraiment content », a conclu le pilote.

Qu’à cela ne tienne, le succès défensif a un peu glissé, récemment, et les résultats s’en sont ressentis : en témoigne la fiche de 2-4-3 au cours des neuf derniers matchs.

« On a été un peu plus brouillons », a noté Tortorella, qui souhaite que ses ouailles resserrent leur jeu dans leur territoire. Ce retour aux bases représentera un bon moment pour le nouveau venu Jamie Drysdale de se familiariser avec la couverture de zone préconisée par les Flyers.

L’important, surtout, est de ne rien tenir pour acquis.

« Le plus dur de la saison s’en vient, a prédit Sean Couturier. Plus l’année avance, plus les gros clubs ressortent. C’est le moment de montrer le genre d’équipe qu’on est. »

Ça commencera ce mercredi soir, à domicile, contre le Canadien.