Pas facile pour les familles de hockeyeurs de passer le jour de l’An avec les leurs. Sauf pour une partie des Perreault, cette année, qui ont eu droit à un joli concours de circonstances.

On précise « une partie des Perreault », car avec quatre enfants dans le hockey, Yanic Perreault (lui-même entraîneur au développement des Blackhawks de Chicago) et July Bergeron pourront rarement être entourés du quatuor le 31 au soir.

Mais cette année, les parents étaient à Göteborg pendant les Fêtes, pour deux raisons. Gabriel, le plus jeune, portait les couleurs des États-Unis au Championnat du monde junior, tandis que Liliane venait tout juste de s’entendre avec le club de Frölunda, qui joue justement… à Göteborg !

Alors, le jour de l’An ? « J’ai soupé au resto avec mes parents, on a passé le Nouvel An ensemble. J’étais assez fatiguée ! admet Liliane Perreault, en entrevue téléphonique avec La Presse. Ce n’était pas comme d’habitude, mais c’était le fun. Je commence la nouvelle année dans une nouvelle place. J’ai pu voir mon frère, ma famille. J’étais contente de voir Gabe, on se voit moins maintenant qu’il est à l’université. »

Liliane Perreault a signé un contrat pour terminer la saison avec Frölunda, après quatre saisons à l’Université Mercyhurst, en NCAA. Ignorée au repêchage de la toute nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), elle a ensuite obtenu un essai avec Ottawa, mais n’a pas été retenue.

« J’étais une des plus jeunes, souligne la joueuse de 23 ans. Mais c’était une belle expérience, j’ai rencontré beaucoup de monde. Mon plan est de continuer à me développer. Je sais que je suis capable de jouer dans cette ligue. Mon but sera de revenir un jour. Mais c’est dur parce qu’il y a six équipes et beaucoup de joueuses. »

Marché en mutation

L’exil de Perreault est un rappel de plus de la mutation du marché du hockey professionnel féminin.

Dominique DiDia en sait quelque chose. Agente chez CAA – la firme de Pat Brisson –, elle représente Perreault et l’a aidée à trouver du travail en Suède. Mais elle a elle-même connu le monde d’avant, comme joueuse à Trinity College de 2008 à 2012. À une époque où si elle ne faisait pas partie de la poignée de joueuses retenues dans l’équipe nationale américaine, les débouchés étaient rares. « J’aurais aimé avoir ces options », avoue-t-elle.

DiDia rappelle cependant une réalité souvent oubliée dans l’enthousiasme de la création d’une nouvelle ligue. C’est que la LPHF remplace en quelque sorte deux ligues : la Premier Hockey Federation (PHF) et l’Association des joueuses de hockey professionnel (PWHPA). Cette dernière n’était pas une ligue à proprement parler, mais une centaine de joueuses y évoluaient tout de même.

PHOTO FOURNIE PAR LILIANE PERREAULT

Liliane Perreault, entourée de sa mère, July, de son frère, Gabriel, et de son père, Yanic

Avec un salaire minimum de 35 000 $ et des allocations de logement, la nouvelle ligue entend toutefois offrir aux joueuses la possibilité de vivre de leur sport, ce qui n’était pas le cas pour toutes auparavant. Autrement dit, de meilleures conditions, mais pour moins de joueuses.

« On est passées de dix à six équipes », rappelle-t-elle. Pour ses clientes Brianne Jenner, Blayre Turnbull et Aerin Frankel, ce n’était pas nécessairement un enjeu, puisqu’elles ont fait partie des 18 joueuses autonomes embauchées avant même le repêchage.

Mais son travail était plus compliqué quand venait le temps de placer des joueuses moins expérimentées comme Perreault. Et ça ne sera pas plus facile la saison prochaine.

« Un bon groupe de joueuses arrive de la NCAA, estime DiDia. Aussi, des joueuses de la Ligue suédoise de hockey féminin (SDHL) voudront venir dans la LPHF. La LPHF est vue comme la meilleure ligue au monde, car les Canadiennes et les Américaines sont considérées comme les meilleures au monde, et la présence en LPHF des joueuses des équipes nationales de ces deux pays a solidifié ce statut de meilleure ligue. »

Environnement professionnel

Perreault sera de nouveau admissible au repêchage 2024 de la LPHF. D’ici là, elle tentera de faire bonne impression à Frölunda.

Au moment de lui parler, c’était tout nouveau et un brin chaotique. Elle vivait à l’hôtel, n’avait pas encore joué de matchs, et les installations de son équipe, qui joue au Frölundaborg, étaient monopolisées par le Mondial junior. Le jour de l’entrevue, l’équipe avait dû s’entraîner dans un autre aréna, car « ils changent les logos sur la patinoire ».

« Je joue samedi et dimanche, mes parents vont rester pour voir mes deux matchs et m’aider à m’installer. C’est le fun qu’ils soient ici, ils peuvent me reconduire à mes entraînements. »

C’est tout nouveau pour moi ici !

Liliane Perreault

Elle s’estime entre bonnes mains. « Le calibre est vraiment fort. Le développement est bon. Les espaces d’entraînement, c’est professionnel. Frölunda est une organisation qui a eu du succès », rappelle-t-elle. Le programme féminin est tout récent, fondé en 2022, mais l’équipe masculine compte cinq championnats à son actif, dont quatre depuis 2003. Quant aux conditions salariales, elle demeure évasive, mais assure qu’elle n’aura pas à occuper un autre emploi.

De toute façon, le simple fait de bénéficier d’options chez les pros est une victoire en soi.

« Quand j’étais à l’université, il n’y avait pas autant d’options. Les gars n’ont pas à y penser. Nous, les filles, on y pensait ! Plusieurs filles devaient arrêter après l’université. Mais je savais qu’il y avait du hockey compétitif en Europe. »

Elle tentera de s’en servir comme tremplin pour revenir jouer plus près de la maison.