Ce n’est rien de moins que la pire équipe de la LNH depuis la présidence de William Jefferson Clinton qui s’amène au Centre Bell pour affronter le Canadien ce jeudi.

Ça ne se voyait pas à l’entraînement de mercredi, cela dit. Le toujours charismatique David Quinn, entraîneur-chef de l’équipe, tentait d’insuffler à son groupe de l’entrain comme il le pouvait.

« Bon départ. On se sent moins comme de la merde, non ? », crie-t-il après un exercice. En fin de séance, il organise une compétition entre les chandails blancs et les chandails turquoise. La première équipe avec cinq buts l’emporte, celle qui perd doit faire 25 pompes. « Je suis avec les turquoise », crie-t-il. Ce sont finalement les blancs qui l’emportent, forçant Quinn à se mettre à plat ventre et à effectuer lui aussi les 25 pompes.

« J’aurais pu en faire 25 de plus, je suis prêt ! », a-t-il blagué aux trois journalistes en point de presse, par la suite.

C’était également festif dans le vestiaire, où le gardien Mackenzie Blackwood tirait la pipe à un préposé à l’équipement et où les joueurs tentaient de s’entendre sur un restaurant où aller souper en ville.

La bonne humeur ambiante ne doit toutefois pas faire oublier la réalité, cruelle, le mot est faible. Mardi, les Sharks ont subi une 12défaite de suite, une bastonnade de 7-1 aux mains des Maple Leafs à Toronto.

En tant qu’entraîneur, tu es responsable de beaucoup de choses. Après un match comme celui [de mardi], il y a plusieurs éléments à améliorer. Mais le plus important était notre état d’esprit. On est un peu découragés en ce moment.

David Quinn, entraîneur-chef des Sharks de San Jose

« Plusieurs personnes n’ont jamais rien vécu de tel, dont moi, a-t-il poursuivi. Tu ne peux pas chercher sur Google : “Comment gérer une séquence de défaites de cette ampleur dans la LNH ?” et obtenir une réponse. Tu dois trouver des solutions. C’était le but aujourd’hui. J’ai dit qu’on se sentait comme de la merde après la défaite hier [mardi]. Aujourd’hui, essayons de nous sentir moins comme de la merde. »

Médiocres

Ce match de mardi concluait une première moitié de saison horrible. Saison qui doit toutefois se poursuivre, parce que contrairement à l’émission V.I.P., les Sharks ne peuvent pas mettre la clé dans la porte avant la fin de l’exercice.

En chiffres, voici comment se traduisent leurs insuccès :

  • Une fiche de 9-29-3, pour 21 points en 41 matchs, soit un taux de succès de ,256. Depuis le lock-out de 2004-2005, les Red Wings de Detroit de 2019-2020 ont présenté la pire fiche, soit ,275. Il faut remonter aux Thrashers d’Atlanta de 1999-2000 pour trouver un pire dossier. Ils avaient joué pour ,238, mais c’était alors une équipe d’expansion.
  • 1,98 but marqué par match. Jamais bon signe quand il faut utiliser le singulier. Toujours depuis 2004-2005, seules deux équipes ont marqué moins de deux buts par match : les Sabres de Buffalo de 2013-2014, puis ceux de 2014-2015.
  • 4,10 buts accordés par match. Il s’agit du pire rendement défensif d’une équipe depuis 2005. L’an passé, les Ducks d’Anaheim en avaient accordé 4,09 par rencontre.
  • Deux séquences de plus de 10 défaites d’affilée depuis le début de la saison. Les Sharks avaient en effet perdu leurs 11 premiers duels de la campagne.

Marc-Édouard Vlasic est un des rares survivants de la période de gloire des Sharks. Arrivé dans la LNH en 2006, le défenseur a participé aux séries 12 fois à ses 13 premières saisons, avec une présence en finale en 2016 et trois autres présences dans le carré d’as. Des années où les Sharks incarnaient un modèle de stabilité.

« Ce n’est pas le fun de perdre, a admis le Québécois, après l’entraînement. Quand tu es compétitif, quand tu te présentes à chaque match, c’est moins dur, tu peux accepter les défaites. Là, on ne peut pas vraiment accepter les défaites, vu qu’on ne se présente pas. On se fait clencher 7-1, 5-1, 10-2. C’est un peu plus difficile, mais chaque jour, je suis ici, je suis de bonne humeur, j’adore jouer au hockey, je le fais encore après 18 ans, j’aime encore ça. »

Longue reconstruction

Vlasic dit encore se plaire et ça se voyait à son entrain sur la patinoire mercredi. Après l’entrevue, il a laissé ses coéquipiers filer vers l’hôtel et s’est arrêté pour signer des autographes à des jeunes d’une équipe locale de hockey mineur qui avaient assisté à l’entraînement.

PHOTO BOB FRID, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Marc-Édouard Vlasic (44)

Tant mieux s’il se plaît, car il est essentiellement pris à San José. Le Québécois détient une entente valide jusqu’en 2026, à hauteur de sept millions de dollars par saison. Son utilisation diminue d’année en année ; il joue un peu moins de 14 minutes par match cette saison, quand il joue. Laissé de côté mardi, il réintégrera la formation jeudi pour ce duel devant ses proches.

« C’est chez nous et chaque fois que je suis ici, je joue du bon hockey », estime-t-il.

Sauf qu’à long terme, la reconstruction s’annonce fastidieuse. Dans les six derniers repêchages, San José a repêché dans le top 20 seulement deux fois : c’était pour les attaquants William Eklund, qui dispute sa première saison complète avec les Sharks, et Will Smith, toujours dans la NCAA. L’équipe n’a pas atteint le point où les membres du noyau de demain occupent des rôles importants. On y retrouve encore moult vétérans en milieu ou en fin de carrière, comme Mike Hoffman, Anthony Duclair et Jan Rutta.

« Quand je suis arrivé, on était habitués à être une des meilleures équipes. On a été choyés, a noté Vlasic. En espérant que ça change rapidement et qu’on ne vive pas ça pendant cinq ou six ans. Je ne pense pas que ce soit le plan. Ils veulent avoir une équipe assez compétitive rapidement. Je ne sais pas comment ils vont le faire, mais c’est Mike Grier le DG, c’est à lui de mettre ça ensemble ! »

Nouveau départ

Gare à ceux qui seront tentés de miser l’hypothèque sur le Canadien jeudi, malgré le dossier des Sharks. D’une part, ils ont livré une vive opposition au CH lors de la visite des Montréalais en Californie en novembre, s’inclinant 3-2 en tirs de barrage malgré une domination de 33-24 aux tirs au but. D’autre part, l’entraîneur-chef, David Quinn, entend se servir du prétexte du 42match pour réinitialiser son équipe. « On traverse une séquence difficile, on ne se le cachera pas, a convenu le défenseur Henry Thrun. Les matchs viennent vite et c’est facile de tomber dans une dynamique de découragement. On essaie de briser ça, de se séparer de ce qui est arrivé hier, et le début de la deuxième moitié de saison est un bon moment pour le faire. »