Qu’on le veuille ou non, il persiste une certaine aura autour d’un match du samedi soir au Centre Bell.

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Les samedis des deux dernières années n’ont certes pas toujours été riches en émotions, sur la rue De La Gauchetière. Pensons à cette raclée de 8-4 subie aux mains des Capitals voilà deux printemps.

Mais il demeure que ce sont des matchs diffusés a mari usque ad mare. Du dernier match de Patrick Roy avec le CH à l’ouverture du Centre Molson pour la génération plus sage, en passant par le but d’Ilya Kovalchuk en prolongation contre Toronto pour les plus jeunes, les moments marquants foisonnent. Imaginez, les plus superstitieux vont même jusqu’à sortir la cravate pour ces duels.

En tout cas, pour Martin St-Louis, ce sont des rendez-vous doux.

Si c’était mon dernier jour sur la Terre et que tu me demandais ce que j’aimerais faire, je voudrais être dans cet aréna un samedi soir.

Martin St-Louis

Cet Oilers-Canadien ne rentrera pas exactement dans la grande histoire des samedis soirs à Montréal. Les Oilers l’ont emporté 2-1 en prolongation, au terme d’un duel où les prouesses défensives – pas nécessairement les arrêts des gardiens – ressortaient davantage que tout le reste.

Et c’est dans ce duel fort attendu que St-Louis a décidé de mettre au défi Kaiden Guhle. L’entraîneur-chef du Canadien a systématiquement opposé son jeune défenseur à Connor McDavid.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Connor McDavid et Kaiden Guhle

« C’est sûr que c’est un défi pour lui, on lui montre qu’on a confiance en lui. Je pense qu’il aime ça, ces défis-là. Il a fait une très bonne job », a résumé St-Louis.

McDavid a certes préparé le but victorieux d’Evan Bouchard pendant que Guhle tentait de protéger l’enclave, mais c’était pendant un avantage numérique à quatre contre trois des Oilers. À forces égales, cependant, Guhle et Mike Matheson ont fermé la porte.

Edmonton a certainement eu l’ascendant aux tentatives de tirs lors des confrontations entre le 21 du CH et le 97 des Oilers, mais dans la colonne des buts marqués, c’était zéro partout, une victoire en soi contre le meilleur joueur au monde.

« C’est le rêve. On veut toujours jouer contre les meilleurs, a décrit Guhle. J’ai eu du plaisir. C’est cool de jouer contre ces joueurs et d’essayer de leur faire la vie dure. C’est pourquoi on joue, pour vivre ces moments où la pression est forte, où les minutes sont importantes. »

Pour Guhle, c’était aussi une belle façon de rebondir après, de son propre aveu, un récent passage à vide. Passage à vide qui s’est ressenti dans son temps d’utilisation : 21 min 12 s en moyenne avant Noël, 18 min 21 s depuis. Samedi, le compteur s’est arrêté à 4 secondes des 20 minutes.

« Je ne jouais assurément pas mon meilleur hockey, ce n’était pas à la hauteur de mes standards, a admis Guhle. Dernièrement, j’ai commencé à mieux jouer, à retrouver mon jeu. C’est une ligue difficile et ça ne sera pas parfait chaque match. On doit s’assurer de ne pas se morfondre, de garder confiance, croire en ses moyens. »

Nouveau duo

Là où ça devient intrigant, c’est que Guhle a livré cette performance aux côtés de Matheson, tandis que Justin Barron, son partenaire depuis la fin novembre, était laissé de côté.

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Mike Matheson (8)

En Matheson et Guhle, St-Louis a donc réuni ses deux meilleurs patineurs pour affronter un des joueurs les plus agiles sur ses patins dans le circuit.

« On a bien géré la vitesse de McDavid, a jugé St-Louis. Matheson et Guhle couvrent beaucoup de glace, ça nous a aidés. Nos avants aussi nous ont aidés à gérer la vitesse, on ne le laissait pas respirer beaucoup. […] Il tourne sur un dix cents, il est très explosif. Avec Matheson et Guhle, j’avais bon espoir qu’on était capables de gérer ça. »

L’autre aspect intrigant, c’est que Guhle a été muté à droite. Jamais, depuis les Braves de Tom Glavine, Steve Avery, Charlie Leibrandt et Kent Mercker, n’a-t-on vu une telle congestion à gauche.

Matheson, Guhle, Jordan Harris et Jayden Struble à Montréal, Arber Xhekaj à Laval, Lane Hutson dans la NCAA et Adam Engström en Suède… Le Tricolore ne manquera pas d’options à gauche ces prochaines années.

Guhle à droite, « ça donne de la flexibilité, a reconnu St-Louis. C’est plus facile pour un défenseur de jouer sur son bord et c’est plus facile pour moi d’avoir des duos gauche-droite. La transition est plus facile. Il s’agit de continuer à évaluer, de voir comment il peut gérer ses matchs de l’autre côté. Il n’est pas le seul capable de le faire. On sait qu’on a beaucoup de gauchers. »

En s’éloignant de plus en plus de la course aux séries, le CH pourra mener des expériences en deuxième moitié de saison. La ligne bleue sera un laboratoire à surveiller, le samedi ou en semaine.

En hausse : Joel Armia

Appliqué défensivement toute la soirée, il a abattu tout un boulot en désavantage numérique. Ses 18 minutes sur la patinoire, un sommet pour lui cette saison, étaient bien méritées.

En baisse : Brendan Gallagher

Personne n’a vraiment démérité dans ce duel, mais Gallagher, qui avait évité le cachot depuis Noël, a écopé de deux pénalités, dont une plus ou moins justifiée.

Chiffre : 3

Comme Joshua Roy, Philip Kemp disputait également son premier match dans la LNH, inséré d’urgence dans la formation des Oilers. Ce défenseur a toutefois été employé à l’attaque. « Employé » est fort ; il n’a effectué que trois présences.

Dans le détail

Baptême réussi pour Joshua Roy

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Joshua Roy

Rappelé la veille en fin de soirée pour remplacer Josh Anderson, blessé au « bas du corps », Joshua Roy, 20 ans, a vécu son baptême de la LNH, samedi soir. Son entraîneur a pris grand soin de le soustraire à des confrontations contre Connor McDavid et Leon Draisaitl, encore que le Québécois ait passé presque trois minutes sur la glace à cinq contre cinq contre le joueur de centre allemand. En définitive, Roy, sans rien fracasser, a bien paru en un peu plus de 13 minutes d’utilisation. Il a même obtenu une courte audition sur la deuxième vague d’avantage numérique, et Martin St-Louis a envoyé son trio – avec Sean Monahan et Joel Armia – dans la mêlée jusqu’à tard dans la partie. « Je suis satisfait de ce que j’ai vu de lui, un samedi soir à domicile contre Edmonton, a souligné St-Louis. C’était du bon travail. » Roy, lui, est resté circonspect à la suite de sa performance. Il a parlé du jeu « serré », dans un contexte où « tous les joueurs sont bons ». Il a déjà reçu beaucoup d’amour de la part des partisans du Rocket de Laval, mais la foule du Centre Bell, « c’est un autre step », a-t-il constaté. « C’est incroyable », a-t-il répété plusieurs fois.

Un but signature pour Caufield

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La rencontre n’était pas vieille de deux minutes que le Tricolore a inscrit le premier but. Mais pas n’importe quel but. Du genre qu’on voyait régulièrement la saison dernière, mais encore jamais depuis le début de la présente campagne. Patient en possession du disque au cercle de mise au jeu droit, Nick Suzuki a mystifié la défense adverse en servant une passe de toute beauté à Cole Caufield, posté à la gauche du filet. La réception et le tir du numéro 22 ont été parfaits. À la mi-période, le duo a remis ça, mais le gardien Stuart Skinner, cette fois, a été alerte. Caufield n’a pas semblé très emballé de parler de ce but, mais Martin St-Louis a salué la « lecture de jeu » de son unité d’attaque à cinq sur ce coup. En a résulté un but « signature » de Caufield, « comme l’an passé ». Les locaux avaient modifié leur positionnement en avantage numérique afin de s’adapter au style des Oilers, et ç’a visiblement payé. « On ne veut pas être une équipe qui a juste un truc, a précisé l’entraîneur. Je sais que les gars sont à l’aise avec cette mise en place, mais ils commencent à l’être aussi avec une autre, où Suzuki et Caufield sont du même côté. On continue d’évoluer. »

McDavid en demi-teinte

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Connor McDavid

Quelques heures avant le match, Connor McDavid avait affirmé que le Centre Bell était l’un de ses amphithéâtres favoris à travers la LNH. La réalité, toutefois, c’est que le numéro 97 n’est généralement pas à son meilleur sur la surface glacée montréalaise, et le match de samedi n’a pas fait exception. Les Oilers ont certes obtenu 48 (quarante-huit ! ! !) tentatives lorsque leur capitaine était sur la glace, mais l’exécution était loin d’être à point pour celui qui est considéré, à l’unanimité, comme le meilleur joueur de la ligue. Comme s’il cherchait constamment à réussir un jeu individuel, même si la défense montréalaise ne lui donnait que peu de terrain. Il a en outre écopé d’une punition, et il aurait probablement pu être chassé une seconde fois à la suite d’un accrochage avec Jake Evans, qui a plutôt vu le joueur du CH s’asseoir au cachot. Il n’empêche qu’en cette journée soulignant son 27anniversaire, McDavid avait exprimé le souhait que son équipe gagne un 10match de suite, établissant ainsi un record de franchise. Faute d’avoir connu une sortie historique sur le plan individuel, il a au moins été exaucé.

Simon-Olivier Lorange, La Presse