Succéder à un gardien légendaire ne se fait généralement pas sans heurts. Surtout dans un marché comme celui de Montréal, surtout pour un athlète local de surcroît.

Jocelyn Thibault pourrait en témoigner. Thibault n’était pas un vilain gardien, mais il a été acquis dans un échange direct avec Patrick Roy et on lui a demandé à 21, 22 ans, de remplacer un géant. Il a été traité injustement par la foule et les médias et un divorce est devenu inévitable après quelques saisons pour l’équilibre psychologique de ce sympathique garçon.

Cet hiver, le successeur de Carey Price est en train de se déployer sans qu’on ne s’en rende compte. Et il est Québécois. Avec une autre splendide performance samedi, cette fois contre les Oilers d’Edmonton, Samuel Montembeault, 27 ans, a porté sa fiche à 9-6-4, abaissé sa moyenne à 2,89 et haussé son taux d’arrêts à .909.

Quand il n’est pas devant le filet, Montréal a une fiche de 8-12-3. Et accorde en moyenne 3,33 buts par rencontre. À ses 15 derniers départs, Montembeault a accordé plus de trois buts seulement trois fois. Et jamais plus de quatre buts.

Tout est évidemment question de contexte. Samuel Montembeault n’a pas été obtenu par le Canadien au début de la vingtaine contre Carey Price. Celui-ci n’a pas remporté de Coupe Stanley avec sa nouvelle équipe. Et la plus récente Coupe à Montréal n’est pas fraîche de seulement deux ans.

Montembeault a été obtenu par l’entremise du ballottage pendant le camp d’entraînement en octobre 2021, au moment où Carey Price venait d’adhérer au programme d’aide de la LNH. On ne se doutait pas alors que Price serait en mesure de disputer seulement cinq matchs en fin de saison avant que son genou ne le contraigne à arrêter de jouer pour de bon.

Ce jeune gardien de 24 ans originaire de Bécancour, coincé derrière Sergei Bobrovsky et Spencer Knight chez les Panthers de la Floride, devait donc agir à titre d’auxiliaire de Jake Allen en attendant le retour de Price. Et laisser Cayden Primeau, encore vert à 22 ans, poursuivre son apprentissage dans la Ligue américaine.

L’entraîneur en chef du Rocket de Laval, Jean-François Houle, le connaissait bien pour l’avoir dirigé dans les rangs juniors avec l’Armada de Blainville-Boisbriand. En toute logique, il allait y terminer la saison, à moins d’être rapatrié par les Panthers.

On a utilisé quatre gardiens derrière le nouveau numéro un de l’équipe, Jake Allen, cette année-là. Outre Montembeault et Primeau, Andrew Hammond, surnommé The Hamburglar, lors de sa courte, mais célèbre heure de gloire à Ottawa, est même venu en renfort en mars 2022.

Montembeault a conclu cette saison marquée par les congédiements de Marc Bergevin et de l’entraîneur Dominique Ducharme avec d’affreuses statistiques : fiche de 8-16-6, moyenne de 3,77 et un taux d’arrêts de .891. Mais l’équipe était franchement mauvaise et il a montré assez de résilience pour survivre au changement de régime et obtenir le poste d’adjoint à Jake Allen la saison suivante.

Depuis le début de la saison 2022, il aura eu la chance de se battre contre Jake Allen et non pas contre le fantôme de Carey Price, contrairement à Thibault à l’époque avec Patrick Roy.

Ce garçon n’a jamais cessé de progresser. Sa participation, le printemps dernier, au Championnat mondial avec l’équipe canadienne, où il a maintenu une fiche de 6-1, avec une moyenne de 1,42 et un taux d’arrêts de .939, lui a permis d’asseoir encore davantage sa crédibilité.

Nous voici donc en janvier 2024. Montembeault est devenu l’indiscutable numéro un, devant Primeau et Allen. Il a disputé cinq des sept dernières rencontres malgré un ménage à trois. Il entamera l’an prochain la première année d’un contrat de trois ans à un salaire annuel de 3,1 millions. L’entente prendra fin en juillet 2027. Il aura 30 ans.

Ainsi, sans crier gare, le successeur de Carey Price a été trouvé. Pas son égal, évidemment, mais un gardien numéro un fiable et efficace. Et plus les bonnes performances de sa part se succèdent, plus les sceptiques peuvent retirer l’expression en attendant. Samuel Montembeault ne sera pas le numéro un en attendant Primeau, Jacob Fowler, Jakub Dobes ou Yevgeni Volokhin. Ces jeunes hommes devront se battre pour lui arracher son poste.

À l’heure du congédiement de Marc Bergevin, en novembre 2021, Samuel Montembeault était considéré comme une bouée de sauvetage temporaire. Trois ans et demi plus tard, il s’agira de l’un des meilleurs coups sous l’ère Bergevin…

Jonathan Drouin s’éclate

PHOTO DAVID ZALUBOWSKI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Jonathan Drouin

Jonathan Drouin s’amène à Montréal lundi soir avec huit points à ses six derniers matchs, seize à ses quinze derniers. Il constitue la troisième pièce du trio le plus redoutable de la LNH, complété par Nathan MacKinnon et Mikko Rantanen. Ces trois-là sont utilisés à outrance, comme l’explique Guillaume Lefrançois, présent à l’entraînement de l’Avalanche dimanche au Centre Bell.

Drouin a joué 20 minutes ou plus à ses sept dernières rencontres, avec des matchs de 28 : 16 contre Boston et de 25 : 02 contre Toronto. Il a désormais 24 points en 41 matchs, après en avoir amassé seulement huit à ses 26 premiers matchs.

Marc Bergevin rêvait à ce Jonathan Drouin lorsqu’il a sacrifié son meilleur espoir en défense, Mikhail Sergachev, pour l’obtenir en juin 2017.

Inutile de déchirer notre chemise ici. Les hockeyeurs ne sont non pas des robots, mais des êtres humains en chair et en os, avec des âmes parfois fragiles, sensibles à certains environnements. Et il y a le contexte aussi. Jouer avec Nathan MacKinnon, son ancien coéquipier dans les rangs juniors de surcroît, permet d’augmenter davantage ses chances de succès qu’avec Christian Dvorak ou Jake Evans, par exemple.

L’Avalanche a pris un pari peu risqué en lui offrant 825 000 $ pour un an. Il obtient un extraordinaire rendement sur son investissement. Et comment ne pas se réjouir pour Drouin ?