(Kanata) Jacques Martin sourit lorsqu’on lui fait remarquer que le plus vieil entraîneur de la LNH dirige désormais l’une des équipes les plus jeunes du circuit.

Incarne-t-il la sagesse qui semble manquer dans le vestiaire des Sénateurs d’Ottawa ?, se risque-t-on à lui demander.

« Je pense que j’apporte beaucoup d’expérience, euphémise-t-il. Et une certaine stabilité. »

Selon lui, les joueurs tendent à calquer la personnalité de leur entraîneur. Son prédécesseur, D.J. Smith, « était un gars très émotif, alors l’équipe est très émotive ».

« C’est important de garder cette passion, croit-il. Mais il faut ajouter un élément de contrôle pour mieux gérer les hauts et les bas pendant un match. »

C’est justement à titre de grand sage que Martin a initialement accepté de revenir dans l’organisation, le 6 décembre dernier. Le président des opérations hockey et directeur général Steve Staios l’a nommé au poste de « conseiller spécial au personnel d’entraîneurs ».

D’aucuns y ont vu une menace pour le poste de Smith, mais à écouter parler Martin, on comprend que ce n’était pas nécessairement dans ses plans de descendre derrière le banc. L’objectif du moment était de ramener dans le giron de la franchise un de ses pionniers. Le natif d’Ottawa a dirigé l’équipe pendant presque une décennie, de 1995 à 2004, et aucun entraîneur ne s’est encore approché de ses 341 victoires en saison. Son plus proche poursuivant était justement D. J. Smith, à 131.

Douze jours après son retour, le plan a changé radicalement. Exit Smith, et revoici Martin aux commandes, en attendant qu’un successeur soit désigné à temps plein.

À 71 ans, et 11 ans après avoir occupé son dernier emploi d’entraîneur-chef, Jacques Martin reprenait du service. Il avait certes été adjoint pendant quelques saisons à Pittsburgh et à New York, mais force est d’admettre que plus grand-monde ne croyait le revoir comme patron.

Une douleur à une épaule l’empêche désormais de sauter sur la glace avec ses joueurs. C’est donc son adjoint Jack Capuano qui dirige les entraînements. Qu’à cela ne tienne, Martin n’a rien perdu de sa vivacité, encore moins de son amour du hockey. Et des Sénateurs.

Parmi les raisons qui l’ont convaincu de récupérer son badge, il souligne la présence du nouveau propriétaire, Michael Andlauer, qu’il a connu pendant son passage chez le Canadien de Montréal de 2009 à 2012. Il se dit aussi « impressionné » par Steve Staios, dont il salue notamment l’« intelligence » et l’« approche de la game ».

« Les bonnes personnes »

Martin se réjouit aussi de « la philosophie de l’organisation de ramener les bonnes personnes ». En tête de liste, Daniel Alfredsson, qui apprend désormais les rouages du métier avec lui. Dès son embauche, le chroniqueur François Gagnon, de RDS, s’est demandé si le Suédois ne se préparait pas à remplacer son mentor.

Compter sur Alfredsson, qui a amassé 1108 points en 1178 matchs dans l’uniforme des Sens, était « très important » pour Jacques Martin. « J’ai eu la chance de le coacher pendant plusieurs années. Je sais le genre de personne et de leader qu’il est. C’est une bonne influence sur le groupe ici. »

Le défi, néanmoins, est de taille. Les Sénateurs connaissent une saison catastrophique, et le changement d’entraîneur n’a pas encore eu d’effet positif au classement. C’est même plutôt le contraire qui se produit.

Cela n’est toutefois rien pour effrayer Martin.

Quand tu ne gagnes pas, c’est là, le défi d’un entraîneur. Il faut que tu apportes des solutions aux joueurs. À certains moments, il faut que tu sois dur avec eux ; à d’autres moments, il faut que tu les encourages, parce que leur confiance est fragile. Il faut s’adapter selon le cheminement de l’équipe.

Jacques Martin, entraîneur-chef des Sénateurs d’Ottawa

Il n’a pas du tout hérité d’un groupe ingérable, assure-t-il, se disant même « encouragé » par son « bon noyau de bons jeunes joueurs ».

« Ils veulent gagner et apprendre », explique-t-il.

À son précédent passage chez les Sénateurs, quand un nouveau venu arrivait, « on le mettait au pas sur la manière dont on joue la game ». Quand des joueurs doivent « changer certaines habitudes » déjà ancrées, « c’est moins facile ». Mais pas infaisable, insiste-t-il.

Jacques Martin aimerait bien rester dans l’organisation lorsqu’un nouvel entraîneur-chef sera trouvé. « J’aime les gens, j’aime la ville, je viens d’ici, énumère-t-il. Les partisans méritent d’avoir une équipe gagnante. Je l’ai vécu, j’ai vu le support que notre équipe a eu. »

Or, « on n’est pas rendus là », nuance-t-il.

Il a, en effet, amplement assez de feux à éteindre à court terme.