(East Meadow, New York) Dimanche matin en lointaine banlieue de New York. Patrick Roy saute sur la patinoire pour son premier entraînement à la barre des Islanders, moins de 24 heures après avoir été officiellement nommé entraîneur-chef.

Les exercices sont commencés depuis à peine une minute qu’il interrompt les activités pour donner – crier – davantage de précisions. « We need to be good at this » (il faut être bon dans cet aspect), lance-t-il à ses hommes.

Les exercices reprennent, avec comme trame musicale la voix de Roy, qui débarque avec l’énergie qu’on lui connaît. Une énergie qui se sent dans les exercices… Les baies vitrées du Northwell Health Ice Center branlent, du rarement vu lors des entraînements de matins de match, qui sont généralement plus modérés en intensité.

Puis, Roy lance de nouvelles explications. « Bolduc, c’est pas ta job ! », crie-t-il. En français. Un moment qui a fait sursauter la demi-douzaine de Québécois sur place pour couvrir l’entraînement, car l’anglais est la langue de travail dans la LNH.

Le Bolduc en question, Samuel, était un brin amusé, une fois dans le vestiaire. Du français, il y en a aussi eu « un peu dans le speech avant. Il nommait les Québécois avec leur nom en français. C’était la première fois que j’entends un coach appeler Jean-Gabriel par son prénom ! »

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Patrick Roy, offrant des explications pendant l’entraînement

Réaction de Jean-Gabriel, Pageau en l’occurrence. « Je pense qu’il y a des gars qui ne savaient même pas que mon nom complet est Jean-Gabriel ! », blague-t-il.

Mais peu importe la langue, le message était limpide. Les Islanders ont remporté seulement deux de leurs 10 derniers matchs, ils glissent lentement mais sûrement dans la course aux séries, et c’est pourquoi Lou Lamoriello a largué une bombe dans le monde du hockey en embauchant Roy en remplacement de Lane Lambert.

Il semble très intense, je sens qu’il n’aime pas perdre.

Scott Mayfield, défenseur des Islanders

Son collègue à la ligne bleue, Noah Dobson, a noté que Roy « amène beaucoup d’intensité, de passion, d’énergie. Le groupe a semblé énergisé. »

L’entraînement a commencé vers les 10 h 15, d’abord par un discours de quelques minutes de Roy à ses hommes, au centre de la glace. À 10 h 32, Roy signalait la fin de l’exercice et retraitait aussitôt au vestiaire. Un exercice au terme duquel les journalistes se sont regardés, se demandant si un tel niveau d’intensité était soutenable à long terme. Martin St-Louis a déjà expliqué qu’un entraîneur-chef possède un certain nombre de « cartouches » auprès de ses joueurs, et c’était à se demander s’il en avait utilisé une pour ce premier contact avec ses hommes.

Roy n’a pas voulu aller là. « C’est juste de décortiquer un peu la façon dont on veut jouer, a-t-il calmement expliqué, dans une salle de conférence bondée. On a travaillé sur nos sorties de zone, sur la première portion de défense de zone, pour avoir un joueur en soutien. Chaque chose qu’on essaie de mettre en pratique aujourd’hui, c’était dans le but de bâtir quelque chose étape par étape. »

Pour Pageau, l’effet a été immédiat. « C’est certain que j’apprécie qu’il soit passionné comme ça, impliqué dans l’entraînement. Ça prouve qu’il est déterminé à nous aider, estime le Gatinois. Il voit quelque chose, il le dit tout de suite, il n’attend pas, et il le dit pour que tout le groupe l’entende et que tout le monde puisse s’ajuster. Son message est clair et tout le monde apprécie ça. »

Gagner à tout prix

La photo d’un Patrick Roy fraîchement rasé, qui accompagnait l’annonce de son embauche par les Islanders, n’est pas passée inaperçue samedi. Roy portait la barbe lors de ses dernières apparitions publiques, mais l’obligation d’être rasé fait partie des nombreuses règles du livre que l’on devine imaginaire de Lou Lamoriello.

« J’ai dit aux joueurs que ça a été une des choses les plus difficiles à partir du moment où j’ai accepté le poste !, rigolait Roy, devant les caméras. Mais quand j’ai rencontré Lou Lamoriello, j’ai été impressionné par l’individu. C’est tellement facile de respecter l’homme, ses valeurs, et de voir son désir de gagner. Finalement, ça n’a pas été si dur que ça de la raser ! »

Roy a ramené ça à la victoire, car c’est le concept qui le suit partout. Comme joueur, il a gagné la Coupe Stanley quatre fois. Il n’y est pas parvenu en trois ans derrière le banc de l’Avalanche, mais avait mené aux séries une équipe lourdement négligée dès sa première saison, séries qui se sont terminées par une défaite en prolongation, dans un match no 7. Roy a aussi commencé et fini sa carrière avec les Remparts avec des conquêtes de la Coupe Memorial (2006 et 2023).

Ces victoires ont marqué l’homme. Il est d’ailleurs revenu sur ce que lui ont inculqué trois des quatre entraîneurs avec qui il a gagné, soit Bob Hartley, Marc Crawford et Jacques Demers. L’oublié étant Jean Perron, pour ceux qui se questionnent.

« Je veux que ce soit un partenariat. Les joueurs doivent être impliqués, a-t-il martelé. S’ils ne comprennent pas quelque chose, je veux qu’ils le disent », a-t-il détaillé.

Pendant l’exercice, chacune de ses explications se terminait d’ailleurs par un « Does that make sense ? » (est-ce que ça a du sens ?), quoique la question semblait plus rhétorique que réelle.

« Je fais ce que Jacques avait fait en 1993, et c’est de travailler ensemble. Jacques avait dit : on va surprendre tout le monde, on va gagner la Coupe Stanley. On s’était regardés et on s’était dit : est-ce qu’il a bien analysé notre formation ? Mais il a cru en nous et il voulait qu’on croie en nous. »

Pageau était clairement dans le camp des convaincus. « On s’était peut-être éloignés de notre identité dernièrement. Quand tu jouais contre les Islanders, c’était une équipe dure à affronter, c’était dur d’aller chercher des points. Dès notre premier entraînement ce matin, il a réussi à aller chercher ça, et son message était clair sur ce que ça va prendre si on veut gagner. »

Ça commence ce soir contre les Stars, à 19 h 30.