(Burlington, Vermont) Dès nos premiers pas dans le vétuste Gutterson Fieldhouse, vendredi à Burlington, pour ce match entre Boston University et les Catamounts du Vermont, on saisit l’ampleur du phénomène : on y parle presque autant français qu’anglais autour de nous et les spectateurs vêtus d’un chandail du Canadien se comptent par dizaines.

Ce soir-là, l’espoir le plus polarisant du CH, le défenseur Lane Hutson, est en ville avec les Terriers, la meilleure équipe collégiale aux États-Unis.

Un recruteur aurait été bien embêté d’analyser le travail défensif d’Hutson. Le jeune homme est trop dominant pour ce calibre. Quand cet espoir du CH est sur la glace, les Terriers sont généralement en possession de la rondelle. Ils n’ont pas à défendre leur territoire.

Hutson n’est pas dynamique comme Cale Makar et Quinn Hughes, il se démarque en revanche par son intelligence inouïe et ses feintes. Un mouvement de hanche et son rival emprunte la mauvaise direction. Un coup de frein impromptu et l’adversaire est confondu, comme sur la séquence menant au deuxième but de Celebrini.

Imaginez un Mike Ribeiro, mais à la position de défenseur. L’ancien centre du Canadien et des Stars était loin d’être costaud, ou même explosif, mais il se déplaçait telle une couleuvre sur la glace. Sans tous ses excès à l’extérieur de la patinoire, Ribeiro, envers et contre tous, aurait amassé bien plus que 793 points en 1074 matchs, un total déjà impressionnant pour ce choix de deuxième tour du Canadien en 1998.

Boston University prend un soin jaloux de ses jeunes joueurs. Celebrini n’était pas disponible pour les journalistes (majoritairement étudiants) après la rencontre, mais on a fait une rare exception dans le cas de Hutson pour les deux reporters de Montréal sur place.

Dans une minuscule pièce jouxtant le vestiaire de Boston College, sous les estrades du Gutterson Fieldhouse, ce sympathique jeune homme portait encore sur la lèvre une immense cicatrice, résultat d’un coup de bâton reçu des mains de son rival Noah Östlund, en finale du Championnat mondial junior, il y a deux semaines.

Hutson ne pouvait manquer les nombreux partisans du Canadien dans ce petit amphithéâtre de quelques milliers de places. « J’en vois à l’occasion à Boston University, mais ce soir, les gars me taquinaient dans le vestiaire. Ils disaient que c’était un match à l’étranger pour eux, mais un match à domicile pour moi ! C’est vraiment spécial de constater qu’ils suivent les espoirs de l’équipe ainsi. J’ai apprécié. J’espère qu’ils ont aimé le match. »

À moins d’un renversement de taille, Hutson signera un contrat avec le Canadien à la conclusion de la saison des Terriers et rejoindra l’équipe, comme Sean Farrell l’a fait en fin de calendrier l’an passé. Hutson s’en cache à peine. « Je me consacre à Boston University pour l’instant, mais si l’occasion se présente, ça serait très excitant. »

Dominant

Choix de fin de deuxième tour en 2022, 62e au total, Hutson est généreusement authentifié à 5 pieds 10 pouces et 155 livres. On peut lui donner au moins un pouce et une dizaine de livres de moins à vue de nez.

Malgré tout, il domine la NCAA comme rarement un défenseur l’a fait dans l’histoire. À sa première saison collégiale l’an dernier, à seulement 18 ans, il a battu un record du légendaire Brian Leetch pour un défenseur recrue avec 48 points en 39 matchs.

Hutson pulvérisera cette marque cet hiver. Il a déjà 28 points en 19 rencontres, un rythme de 57 points en 39 rencontres, une production ahurissante pour un défenseur de moins de 20 ans.

À sa deuxième saison à l’Université du Michigan, le capitaine des Canucks de Vancouver, Quinn Hughes, un défenseur au gabarit semblable, avait obtenu 33 points en 32 matchs. Cale Makar, de l’Avalanche, en avait amassé 49 en 41 parties à UMass-Lowell et Adam Fox 28 en 29 rencontres pour Harvard.

Hutson vient en outre de remporter la médaille d’or au Championnat mondial junior avec l’équipe américaine, au sein de laquelle il a été largement le joueur le plus utilisé.

Le fan du Canadien rêve évidemment au prochain Hughes, Makar ou Fox, trois des meilleurs défenseurs de la LNH. Hutson, s’il produit davantage que ces trois stars au même âge, ne possède cependant pas leur puissance et leur explosivité sur patins, et du coup, donne des munitions aux sceptiques : deviendra-t-il une grande vedette dans la Ligue nationale de hockey ou un spécialiste offensif, vulnérable en territoire défensif et dont il faudra éloigner des grandes confrontations en le plaçant au sein d’une troisième paire ?

Le verdict n’est pas connu. Il faudra patienter jusqu’aux premiers coups de patin de Hutson avec le Canadien, en fin de saison, quelque part en mars ou avril, lorsque les Terriers auront disputé leur dernier match.

En attendant, on comprend l’enthousiasme des partisans les plus assidus, et leur volonté de prendre le volant un vendredi soir pour voir à l’œuvre sur place cet espoir emballant. Seulement deux heures de route séparent Montréal de Burlington, après tout.

Olivier Paquin, Cédric Austin et leurs trois copains sont partis d’un peu plus loin, Shawinigan, trois heures et demie de route. Ils avaient fait imprimer sur leurs t-shirts blancs le visage du jeune homme en gros plan.

Hutson pouvait difficilement les rater pendant l’échauffement. Bon prince, il leur a remis une rondelle en la balançant par-dessus la baie vitrée en guise d’appréciation.

Le combat était inégal vendredi. Boston University vient au premier rang dans la section Hockey East avec une fiche de 16-4-1 et ses quatorze joueurs repêchés dans la LNH, en plus du premier choix au total consensuel en 2024, Macklin Celebrini, contre seulement cinq, mais aucun dans les deux premiers tours pour les Catamounts, huitièmes dans cette même section avec une fiche de 10-11-1.

Sans surprise, les Terriers l’ont emporté 5-1 contre les Catamounts – l’alma mater de Martin St-Louis et Dominique Ducharme, entre autres –, sous les yeux de ces nombreux fans du Canadien, mais aussi du directeur général Kent Hughes, sur place pour observer son espoir en défense, l’ailier Luke Tuch, choix de deuxième tour du CH en 2020 à qui il faudra offrir un contrat d’ici la fin de l’été si on veut le garder dans le giron, mais aussi son fils, Jack Hughes, choix de deuxième tour des Kings de Los Angeles en 2022. Hutson en a profité pour ajouter quatre passes à sa fiche, dont deux sur des buts du jeune surdoué Celebrini.

Son entraîneur est confiant

L’entraîneur des Terriers, Jay Pandolfo, a disputé 899 matchs dans la LNH, presque tous avec les Devils du New Jersey, dirigés tantôt par Larry Robinson, tantôt par Pat Burns ou Claude Julien. Il a agi à titre d’assistant-entraîneur chez les Bruins de Boston de 2016 à 2021, d’abord avec Julien, ensuite pour Bruce Cassidy. Il en est à sa deuxième saison à la tête des Terriers.

Pandolfo a eu l’occasion de jouer avec des défenseurs de plus petite taille comme Brian Rafalski au New Jersey, il a aussi dirigé Torey Krug à Boston. Il prédit à Hutson un brillant avenir dans la LNH.

« Tout le monde a droit à son opinion. Je le côtoie au quotidien. Je vois en lui un talent fou et un compétiteur féroce. On ne sait jamais ce qu’il adviendra avant de voir un joueur atteindre le niveau suivant, mais pour certains, comme lui, ça devient encore plus facile de jouer au plus haut niveau en raison d’un QI hockey supérieur à la moyenne. Je crois qu’il s’adaptera bien. »

Les sceptiques affirment qu’il aura des défis sur le plan défensif dans la LNH en raison de sa petite taille et de son manque d’explosivité sur patin. « Il aura des ajustements à faire, comme il a dû en faire à son arrivée dans les rangs collégiaux, répond Pandolfo. Il n’est pas le plus costaud, mais il arrive à séparer la rondelle de son porteur grâce à sa vitesse – quickness en anglais – et sa façon d’approcher son rival avec le bon angle de poursuite. Il est tellement intelligent. »

Pandolfo a lui aussi été saisi de voir naître cette Hutsonmania, vendredi soir à Burlington. « Incroyable. C’est fou. Mais je comprends aussi l’emballement. J’adore également le voir jouer. Et pour les fans du Canadien, ils ne partaient pas de si loin pour le voir à l’œuvre sur place. »

Patrick Roy, enfin…

PHOTO MARY ALTAFFER, ASSOCIATED PRESS

Patrick Roy parle aux médias après le match des Islanders.

Patrick Roy a dû attendre huit ans avant d’avoir une seconde chance de diriger un club de la LNH. Son départ avec fracas de Denver, quelques semaines avant le début de la saison en 2016, laissant ainsi l’Avalanche dans une situation compliquée, n’a pas aidé, il est le premier à le reconnaître. Sa volonté de s’impliquer dans les décisions de la direction a sans doute fait peur à plusieurs directeurs généraux également.

Chez les Islanders, il se contentera de son rôle d’entraîneur. L’ancienne gloire du Canadien n’y voit désormais plus d’inconvénient. Le patron des Islanders, Lou Lamoriello, 81 ans, dirige des formations en autocrate. Vieux jeu, il n’accepte d’ailleurs même pas la pilosité faciale chez ses employés. Roy a dû faire un deuil de sa barbe.

Patrick Roy a remporté son premier match, dimanche, contre les puissants Stars de Dallas. Guillaume Lefrançois était sur place. Roy sera au Centre Bell jeudi pour un match contre le Canadien.

Quelle grande nouvelle que cette embauche pour le hockey !