(Pittsburgh) Les temps sont durs chez les Penguins. Les portes du vestiaire ouvrent, vendredi soir, après une défaite de 3-2 en tirs de barrage face aux Panthers de la Floride.

Une défaite dure à avaler, d’abord parce que le degré d’animosité entre les deux équipes a atteint des proportions inattendues, notamment après que Kristopher Letang eut fait chuter Aleksander Barkov près de la bande. Les joueurs des deux clubs ont passé le reste de la soirée à se chamailler.

Mais la défaite était surtout dure à avaler parce que les Penguins ont remporté un seul de leurs six derniers matchs (fiche de 1-2-3), et trois de leurs dix derniers (3-4-3). Les voici à six points de la dernière place donnant accès aux séries, avec le noyau vieillissant que l’on connaît.

C’est donc dans ce contexte un brin morose que les joueurs, dont plusieurs sont encore à leur casier, accueillent les journalistes. On sent Lars Eller un brin impatient de discuter, au terme de son 999e match. « Vas-y, je t’écoute », lance-t-il un peu sèchement.

Son visage s’éclairera au fil de la courte entrevue, notamment lorsqu’on évoque notre conversation avec Brendan Gallagher, le dernier survivant des « années Eller », si une telle chose existe.

« J’ai rencontré plusieurs bonnes personnes à Montréal. Certaines de ces personnes viendront au match [samedi], ce sont de vieilles amitiés, déballe-t-il. J’ai été chanceux de jouer là. Je me souviens de chaque série. Jouer des matchs de série au Centre Bell, c’est incroyable et je n’oublierai jamais ça. »

Eller a été repêché par les Blues et porte les couleurs des Penguins depuis 45 matchs, mais ce n’est pas à St. Louis ni à Fort Duquesne qu’il a connu ses années les plus marquantes. C’est d’abord à Montréal, de 2010 à 2016, où il a tranquillement trouvé son identité de centre de troisième trio, où il a montré pour la première fois qu’il pouvait élever son jeu en séries.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Lars Eller envoie une rondelle à des partisans lors de son retour au Centre Bell, en 2017.

Puis, à Washington, de 2016 jusqu’à l’hiver dernier, il a connu ses saisons les plus productives et, surtout, il a gagné la Coupe Stanley en 2018, amassant 18 points en 24 matchs en séries.

« C’était un bon coéquipier », se souvient Gallagher, rencontré plus tôt cette semaine. Dans leurs jeunes années, ils formaient avec Alex Galchenyuk ce que certains avaient surnommé la EGG line, un clin d’œil à la première lettre de leurs noms de famille.

« J’ai longtemps été son compagnon de trio. C’était un joueur important, a poursuivi Gallagher. Il a gagné une Coupe Stanley, il a connu toute une carrière. Je suis content pour lui, c’est un travaillant qui a toujours été apprécié par ses coéquipiers. »

Lars était doué physiquement, fort, très bon patineur. En gagnant de l’expérience dans la ligue, il est devenu un joueur très utile. Ce n’est pas un hasard s’il a gagné la Coupe, il était un élément important de cette équipe.

Brendan Gallagher, à propos de son ancien coéquipier

Encore aujourd’hui, à 34 ans, il joue un rôle important. Vendredi, en plus de piloter le troisième trio et une unité du désavantage numérique, il a été dépêché au sein de la deuxième vague de l’avantage numérique, et même en prolongation. Le colosse n’a pas tant changé : habile aux mises en jeu, patineur fluide pour sa taille, mais une créativité offensive limitée, qui l’amène à battre en retraite au moment où d’autres tenteraient une incursion.

Ce samedi soir, contre le Canadien, Eller deviendra le 389e joueur de l’histoire de la LNH à atteindre le plateau des 1000 matchs, et le 39e parmi les joueurs actifs.

« C’est un vrai professionnel dans son comportement, ses habitudes de travail, a vanté l’entraîneur-chef des Penguins, Mike Sullivan. Il contrôle tout le nécessaire pour connaître du succès. Ce n’est pas facile de jouer dans cette ligue, encore moins de jouer 1000 matchs. Quand tu regardes les gars du club des 1000 matchs, la passion et la détermination à travailler sont probablement les dénominateurs communs. »

Parcours improbable

Eller deviendra toutefois le premier Danois à disputer 1000 matchs. Il faut dire qu’ils ne sont que 18 à avoir atteint la LNH. Mais lorsqu’il a fait ses débuts dans le circuit, le 5 novembre 2009, il était seulement le 6e Danois. Le plus prolifique jusque-là ? Un certain Poul Popiel, qui avait disputé 225 matchs.

« Quand j’étais petit, ce n’était pas vraiment une possibilité de se rendre à la LNH, se souvient Eller. Ça semblait si distant, je ne voyais jamais de matchs. Les meilleurs joueurs de mon pays se rendaient en Suède ou avaient une carrière en Europe. Mais j’adorais le hockey, je savais que je voulais faire ça de ma vie. »

Quand j’étais ado, je suis parti jouer en Suède et j’ai commencé à comprendre que c’était une possibilité, car tu côtoies d’autres bons joueurs. Puis tu es repêché et ça devient réel.

Lars Eller

En 2022-2023, selon la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF), le Danemark comptait 5944 joueurs inscrits, qui se partageaient 27 patinoires dans tout le pays. À titre de comparaison, on retrouvait alors 548 000 joueurs au Canada et 2830 patinoires. À peine 100 fois plus.

« Il s’est rendu à la LNH, ce qui est en soi difficile pour un Danois, a souligné son compatriote des Jets, Nikolaj Ehlers, rencontré avant Noël. On n’a pas beaucoup de joueurs, on a 26 patinoires [sic], ce qui n’est pas beaucoup. Donc c’est assez impressionnant qu’un gars atteigne un tel chiffre. »

De Halak à Harris

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Jordan Harris

Fiston semble s’ennuyer ? Il cherche noise à sa petite sœur et vous n’en pouvez plus ? Eh bien, asseyez-le sur vos genoux, car vous avez ici une fabuleuse histoire à lui raconter. Il appert que le séjour de Jordan Harris à Montréal tient son origine quelque part en 2003, quand le défenseur avait… 3 ans. Le Tricolore a en effet repêché Jaroslav Halak cette année-là, avant de l’échanger aux Blues contre Lars Eller en 2010. Puis, au repêchage de 2016, le Canadien a échangé Eller aux Capitals, contre des choix de 2e tour en 2017 et en 2018. Celui de 2017 a servi à repêcher Joni Ikonen, à qui le CH n’a jamais offert de contrat. Mais celui de 2018 a ensuite été refilé aux Oilers, contre des choix de 3e et de 5e tours. Le choix de 5e tour, Samuel Houde, n’a pas non plus reçu d’offre de contrat, et il joue maintenant pour le club-école des Penguins. Mais le choix de 3e tour est devenu Jordan Harris, qui a donné 104 matchs au Canadien jusqu’ici. Ce regard de fiston que vous voyez en ce moment ? C’est son émerveillement devant une histoire si abracadabrante. Pas besoin de nous remercier.

Malkin a marqué dans le bon but

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Evgeni Malkin (71) et Sidney Crosby (87)

Les Penguins disputaient leur premier match depuis la gênante défaite de 5-2 en Arizona, au cours de laquelle Evgeni Malkin a marqué dans son propre filet. Malkin a répondu avec caractère vendredi, en tant qu’auteur du but égalisateur en fin de troisième période, qui a permis aux Penguins de forcer la tenue de la prolongation. Le Russe a été de tous les combats. « C’était un gros but pour moi, un gros but pour l’équipe, a commenté Malkin. Vous avez vu mon but dans mon propre filet. Tout le monde m’envoyait la vidéo du but. Ça a fait mal à ma confiance. Mais c’est de la malchance, ça arrive. J’avais besoin d’un bon match, d’un but. Maintenant, je me sens beaucoup mieux. »