Kent Hughes a étudié le droit à l’université. Les lois, il s’y connaît. C’est toutefois une loi qui ne s’enseigne pas au Barreau qui pourrait lui venir en aide d’ici au 8 mars : la loi de l’offre et de la demande.

Au moment où le Canadien et une vingtaine d’équipes se mettent en pause, le classement suggère en effet que l’offre est mince et que la demande pourrait potentiellement exploser.

Dans l’Est, quatre équipes sont virtuellement exclues de la course aux séries : le Canadien, les Sabres de Buffalo, les Blue Jackets de Columbus et les Sénateurs d’Ottawa. Les quatre autres équipes actuellement hors des séries ont chacune des raisons de demeurer dans le coup pour l’heure. Les Islanders de New York sont à quatre points des séries, tandis que les Penguins de Pittsburgh, les Devils du New Jersey et les Capitals de Washington sont à cinq points.

Islanders : Lou Lamoriello vient de tenter le grand coup avec l’embauche de Patrick Roy. On doute que le vétéran DG l’ait attiré à New York en le prévenant d’une liquidation prochaine.

Devils : les temps sont durs (3-6-1 dans les 10 derniers matchs), mais cette équipe possède trop de talent pour hisser le drapeau blanc. Le manque d’information quant à la durée de l’absence de Jack Hughes ajoute toutefois une couche d’opacité sur leur situation.

Penguins : parmi les clubs en lutte, ce sont eux qui ont disputé le moins de matchs (46). Kyle Dubas agit jusqu’ici comme un DG qui souhaite donner toutes les chances à son équipe. Il doit toutefois prendre une délicate décision au sujet de son attaquant vedette Jake Guentzel, dilemme que le collègue Mathias Brunet a expliqué.

Lisez « Le dilemme de Kyle Dubas »

Capitals : un noyau vieillissant, mais comme les Penguins, ils agissent comme une équipe qui veut tout faire pour demeurer compétitive tant que le joueur le plus productif de leur histoire – Alexander Ovechkin – y est.

Dans l’Ouest, seulement trois clubs sont largués (Blackhawks de Chicago, Sharks de San Jose et Ducks d’Anaheim), mais le Wild du Minnesota, à sept points des séries, commence à s’éloigner.

Ça laisse donc bien peu d’équipes théoriquement en position de vendre, et certaines d’entre elles ne détiennent pas des actifs très convoités.

Effet de rareté

Ce qui nous ramène au Canadien et à Sean Monahan. Son utilité au Canadien n’est pas un secret. Elle se lit en chiffres (11 points à ses 7 derniers matchs) et elle saute aux yeux lorsqu’on regarde minimalement les matchs. Et dans les mots de son ailier Juraj Slafkovsky, après la défaite de samedi : « Il est toujours positif, il essaie de penser à la présence suivante. Il est bon dans toutes les zones et est toujours du bon côté de la rondelle. C’est un excellent joueur et une encore meilleure personne. »

Mais si Monahan et le CH ont bel et bien convenu l’été dernier d’une transaction pour lui donner une chance de gagner la Coupe Stanley, ces qualités serviront à une équipe aspirante.

Or, dans un tel marché, lesdits aspirants à la recherche d’un centre pour les trios intermédiaires ne nagent pas exactement dans l’abondance.

La Presse a utilisé le très convivial outil de recherche de CapFriendly pour calculer que Monahan fait partie d’un groupe de 9 centres qui jouent au moins 13 minutes par match, détiennent une entente qui expire cet été et deviendront ensuite joueurs autonomes sans compensation. Ce que l’on appelle, dans le jargon mercantile du milieu, des joueurs de location. Les nostalgiques peuvent les visualiser avec un jeton de plastique fixé avec du velcro sous leur photo, comme au club vidéo.

Calgary détient la pièce de résistance de ce marché en Elias Lindholm. Les Flames sont actuellement à quatre points des séries et ne peuvent donc pas être encore classés parmi les vendeurs. Voici la liste complète :

On peut biffer de cette liste Stephenson, puisque Vegas a toutes les raisons d’aspirer aux grands honneurs. Idem pour les Canucks de Vancouver, comeneurs du classement général, qui souhaiteront garder Blueger, en toute logique. Stamkos ne sera pas échangé, a clairement dit le DG du Lightning, Julien BriseBois, à son bilan de mi-saison, et « ça ne changera pas sous aucune circonstance d’ici à la date limite des transactions ».

De neuf, nous voici donc à six. St. Louis est actuellement une des deux équipes repêchées (« wild card ») dans l’Ouest ; Nashville et Seattle sont ses deux plus proches poursuivants. Donc les cas de Sundqvist, Novak et Wennberg demeurent en suspens, tout comme celui de Lindholm.

Comme purs joueurs de location dans des équipes sorties de la course, il ne reste donc que Henrique et Monahan. À un salaire de 1,985 million, Monahan est plus facile à glisser sous la masse salariale.

Tout cela n’assure cependant pas Kent Hughes de rouler un homologue X dans la farine. D’une part, les DG sont créatifs et peuvent chercher des aménagements pour élargir le champ de recherche, par exemple en visant des joueurs avec une autre saison ou deux de contrat.

D’autre part, certains aspirants ne sont pas des acheteurs pour autant, du moins pas pour des joueurs du calibre de Monahan, parce que leur banque d’espoirs ou de choix au repêchage est à sec. On peut penser aux deux équipes floridiennes, le Lightning de Tampa Bay et les Panthers de la Floride, qui ont déjà cédé leurs choix de premier tour de 2024 et 2025.

C’est sans oublier les préférences de Monahan, s’il décide d’exclure certaines destinations, et l’état des relations de Hughes et Jeff Gorton avec leurs rivaux. Les Rangers, par exemple, ont besoin d’aide au centre avec la perte de Filip Chytil, mais la façon dont a pris fin le séjour de Gorton à New York incite à réfléchir.

Mais bon, comme dans la vie en général, tout est une question de prix, car tout le monde a un prix, comme le disait autrefois le « millionnaire du ring », Ted DiBiase.