(Drummondville) Il l’avait écrit dans son communiqué et il a tenu parole. Émile Chouinard, défenseur du Drakkar de Baie-Comeau, tenait à jouer en attendant de commencer ses traitements pour un lymphome de Hodgkin.

Alors il était là, droit comme un chêne, grand comme un séquoia, sur la ligne bleue du Drakkar en tant que membre du six partant, dans les instants qui précédaient le début du match contre les Voltigeurs jeudi soir.

L’annonceur maison du Centre Marcel-Dionne a salué sa présence avant l’hymne national, annonce suivie de chaleureux applaudissements d’une foule hostile à son équipe, mais solidaire de sa cause.

Chouinard devrait en savoir plus ce vendredi quant au calendrier de ses traitements. Mais d’ici là, tel qu’on a pu le lire dans le communiqué publié samedi annonçant son diagnostic, il jouera.

Il tenait à jouer. On ne dira pas non à un jeune homme qui veut jouer.

Jean-François Grégoire, entraîneur-chef et directeur général du Drakkar, après le match

Et pour jouer, il a joué, dans son rôle habituel de spécialiste des missions défensives. Dès que son équipe était pénalisée (et c’est arrivé souvent), le grand numéro 15 enjambait la bande et défendait son territoire. Même en fin de match, avec un pointage de 4-0 pour Drummondville, il bloquait des tirs, geste qu’au moins un homme de hockey sur place a noté et salué.

Beaucoup d’émotions

Le lymphome de Hodgkin est « un cancer d’un type de globules blancs appelés lymphocytes, caractérisé par la présence d’un type spécifique de cellules cancéreuses appelées cellules de Reed-Sternberg. […] La plupart des gens en guérissent », lit-on dans le Manuel Merck, un ouvrage de référence.

Chouinard n’est pas prêt à accorder d’entrevues pour l’heure. « Je ne connais pas aujourd’hui mon plan de traitement, je garde donc l’espoir d’un retour en séries », écrivait Chouinard dans le communiqué.

Dans l’entourage de l’équipe, on sent que son combat est devenu celui du Drakkar. Il fallait voir Mario Durocher, directeur général adjoint, rencontré dans un vestiaire vide une heure avant le match. Les yeux de ce vieux routier de la LHJMQ deviennent humides lorsqu’il discute de la possibilité que Chouinard soit de retour pour les séries, qui commencent dans à peine huit semaines.

C’est important qu’il pense qu’il a une chance. C’est un gars en forme, le cancer a été dépisté de bonne heure. Il a toutes les chances de son bord. Je veux qu’il pense comme ça aussi. C’est là qu’une équipe de hockey, les liens sont…

Mario Durocher, directeur général adjoint du Drakkar

C’est là que Durocher devient ému. « Ça va l’aider à passer à travers ça. »

Grégoire paraissait lui aussi ébranlé après le match. « C’est un gars qui a grandi avec nous, avec les Dufort, Gagnon, Lavoie. On est dans l’émotion un peu, évidemment, a convenu Grégoire. Mais il est positif, on veut rester positif avec lui. Mais la fin de la semaine a été très dure émotionnellement. Émile est positif, donc on doit faire la même chose avec lui. Je ne suis pas médecin, mais comme ça a été découvert assez tôt, les pourcentages sont de son côté. On se rattache à ça, on le soutient.

« C’est un super kid. Ces jeunes-là, on pense qu’ils sont invincibles. Quand il nous annonce ça… On a tous des jeunes. C’est tough. C’est une curve que la vie lui envoie, mais son message était super beau. »

Du haut de ses 6 pi 5 po et 210 lb, Chouinard paraît en effet invincible, particulièrement lorsqu’il se met à lutter pour une rondelle le long de la rampe.

« Pour moi, Chouine est un des meilleurs défenseurs défensifs de la LHJMQ. Probablement le gars le plus robuste de la ligue », estime Durocher.

Il entrevoyait des études en médecine, mais sa progression était susceptible de lui valoir un contrat professionnel au terme de la saison, ce qui aurait évidemment repoussé le début des études. Pour ce duel de jeudi entre les deux meilleures équipes de la LHJMQ, une bonne cinquantaine de recruteurs avaient d’ailleurs annoncé leur présence.

« Je pense qu’il a un bel avenir devant lui, estime Durocher. C’est un assistant capitaine, un de nos leaders. Mario Lemieux a pu recommencer à jouer. Dans la vie, je ne suis pas docteur, je suis ingénieur forestier. Mais je pense que s’il est positif, et avec l’appui de ses chums et de l’organisation, ça va l’aider à passer au travers. »

Le duel s’est soldé sur une défaite de 4-0 du Drakkar. Mais il y a des soirs où les victoires, les buts et les beaux jeux viennent bien loin dans la liste des priorités, et jeudi était l’un de ces soirs.