Dans un monde idéal, Kent Hughes aurait obtenu un jeune joueur déjà repêché. Il a tâté le terrain et manifesté de l’intérêt pour certains espoirs talentueux, mais on lui a signifié que ce n’était pas possible. Dans ce contexte, obtenir un choix de premier tour au repêchage de 2024 en retour de Sean Monahan, « ça faisait notre affaire ».

Le directeur général du Canadien s’est entretenu avec les représentants des médias, vendredi, quelques heures après avoir conclu une transaction avec les Jets de Winnipeg. Si d’aventure les Manitobains gagnaient la Coupe Stanley le printemps prochain, ils devraient aussi céder au Tricolore un choix de troisième tour en 2027.

Comme on pouvait s’y attendre, l’échange d’Elias Lindholm, qui est passé des Flames de Calgary aux Canucks de Vancouver mercredi soir, a accéléré les choses dans le dossier Monahan. Hughes avait, à l’évidence, un prix cible pour son joueur de centre, soudain devenu le plus prisé sur le marché. Selon lui, attendre de se rapprocher de la date limite des transactions, le 8 mars, ne lui aurait pas procuré un retour plus avantageux.

« Je crois que les équipes qui étaient dans la course pour Lindholm se sont tournées vers Sean, a confirmé le gestionnaire. On avait fait nos devoirs et on avait une bonne idée où le marché irait. Quand on a eu le prix, on était prêts à le faire. »

Pour le public, le départ de Monahan n’est pas en soi une surprise, alors que les supputations allaient bon train depuis déjà plusieurs semaines. Il persistait toutefois une question au sujet du vétéran de 29 ans : valait-il mieux l’échanger plutôt que de risquer de le perdre sans rien obtenir l’été prochain, ou bien le convaincre de signer un nouveau contrat ?

Devant les journalistes, Kent Hughes a pris les devants à ce sujet. Il ne jugeait pas son organisation « en position, [pour] le moment », de s’engager à moyen ou long terme avec lui.

« On sait qu’on est une meilleure équipe avec Sean […], mais on n’a pas assez de clarté pour notre avenir pour lui offrir un contrat raisonnable, a expliqué le DG. Dans ce cas, on était mieux de l’échanger. »

Le Canadien avait acquis Monahan en août 2022. L’attaquant des Flames de Calgary était dans une impasse, après deux saisons marquées par les blessures et les insuccès. Étant donné son salaire élevé et l’incertitude liée à son état de santé, les Flames s’étaient résolus à ajouter un choix de premier tour à la transaction afin de convaincre une équipe d’accueillir Monahan. Ce que Kent Hughes avait accepté.

L’attaquant a connu un fort départ à Montréal, mais deux blessures l’ont contraint à mettre fin à sa saison 2022-2023 après seulement 25 matchs ; il avait néanmoins amassé 17 points. En juin 2023, guéri de tous ses maux, l’Ontarien a signé un nouveau contrat d’un an d’une valeur de 1,85 million. Cette entente au bas prix, augmentée d’une production offensive appréciable de 35 points en 49 matchs, a fait de lui l’un des meilleurs rapports qualité/prix à l’approche de la date limite des transactions.

En définitive, les analystes provenant de l’extérieur du marché montréalais qualifient majoritairement d’élevé le prix payé par les Jets étant données les carences défensives de Monahan, mais estiment qu’il s’agit d’un échange honnête vu les besoins des acheteurs. Le travail de Hughes, en contrepartie, est unanimement louangé, puisqu’il se retrouve avec deux choix de premier tour obtenus pour le même joueur.

Hommage

L’administrateur a rendu hommage à un joueur qui a rendu son club meilleur « sur la glace, dans le vestiaire et dans la ville de Montréal ». « Je ne peux pas dire suffisamment de bons mots sur lui, a-t-il ajouté. C’est une personne et un joueur très important pour nous. » Son message, en ce sens, est au diapason de l’impression que Monahan a laissée à ses coéquipiers, qui l’adoraient. « Mon joueur préféré », a noté Kirby Dach sur Instagram.

L’été dernier, les deux camps avaient conclu une entente tacite : « Je lui avais promis que si on n’était pas dans la course [aux séries éliminatoires] et qu’on n’était pas en mesure de lui offrir un contrat, on lui offrirait à une équipe où il aura de bonnes chances de jouer », a révélé Hughes.

Monahan se retrouve en effet dans une position avantageuse à Winnipeg, où il se joint à une équipe qui lutte pour le premier rang de la division Centrale. À court terme, il palliera l’absence de Mark Scheifele, qui soigne une blessure au « bas du corps ». Au retour de celui-ci, il devrait jouer un rôle clé sur le deuxième ou le troisième trio et, probablement, en avantage numérique.

En point de presse virtuel, le directeur général des Jets, Kevin Cheveldayoff, a vanté la manière dont Monahan avait réussi son retour au jeu cette saison après avoir affronté autant d’ennuis de santé. Il s’est par ailleurs dit « impressionné » par ses « interactions » avec ses jeunes coéquipiers. « Quand il rentrait au banc, on le voyait parler à Cole Caufield ou à Juraj Slafkovsky, a noté le DG. On voit le mentorat qu’il a exercé, son leadership silencieux sur le banc. C’est exactement ce qu’on veut d’un professionnel. »

Évidemment, son apport manquera au Canadien, dont il était l’un des attaquants les plus sollicités. En moyenne, son temps de glace total (18 min 27 s) et en avantage numérique (3 min 31 s) n’était devancé que par ceux de Nick Suzuki et de Cole Caufield. Avec Kirby Dach et Christian Dvorak qui, blessés, ne joueront plus cette saison, le vide au centre est béant.

Kent Hughes a rappelé qu’Alex Newhook pourrait prendre le relais après avoir conclu sa rééducation, d’ici la fin du mois de février. Le jeune homme s’est blessé à la cheville à la fin du mois de novembre. Autrement, le DG a indiqué que les expériences des dernières semaines, où Mitchell Stephens et Lucas Condotta se sont partagé le travail au centre du quatrième trio, se poursuivraient.

Hughes s’en remet à la « résilience » des joueurs qui restent, un trait de caractère dont ils ont déjà fait preuve par le passé. « Ils savaient que c’était une possibilité que Sean soit échangé. […] Ils savent ce qu’on essaie de faire et ce qu’on veut construire à Montréal. »

À ses yeux, c’est désormais « toute l’équipe » qui sera chargée de remplacer Monahan pour les 33 derniers matchs du calendrier. « On demande à tout le groupe de se lever, a-t-il conclu. On s’attend de notre jeune groupe qu’il prenne la responsabilité de son futur et de cette équipe. »

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