Les spectateurs qui passeront leur samedi après-midi au Centre Bell auront l’occasion de voir à l’œuvre l’un des meilleurs duos de défenseurs de la LNH. Peut-être même le meilleur du moment.

Déjà que les Stars de Dallas comptent sur Miro Heiskanen, futur candidat au trophée Norris, voilà qu’on lui a adjoint Thomas Harley, 22 ans. Un jeune homme « qui a le potentiel d’être un des meilleurs défenseurs de la ligue », dixit son entraîneur-chef Peter DeBoer. Rien que ça.

Depuis le 31 décembre, ce choix de premier tour en 2019 (18e au total) passe presque 23 minutes en moyenne par match sur la patinoire. Au sein d’un club qui s’enorgueillit de son jeu défensif, on déduit qu’il doit faire quelque chose de bien.

« Il a tous les outils », a confirmé DeBoer, vendredi matin, après l’entraînement des Stars à Montréal. « Il patine bien, il peut jouer en avantage numérique, il joue bien défensivement, il ne se laisse pas intimider », a énuméré le pilote.

En séries éliminatoires, l’an dernier, on affrontait le Wild du Minnesota, un club physique, qui l’a frappé constamment. Il n’a jamais reculé.

Peter DeBoer, entraîneur-chef des Stars de Dallas

Ce qui est particulièrement intéressant dans le cas de Harley, c’est que l’organisation ne l’a pas sorti de sa manche pour le catapulter contre les meilleurs joueurs adverses du jour au lendemain. Dans un éloge de la lenteur et de la patience que ne renierait pas Marcel Proust, on a laissé tout son temps à ce colosse de 6 pi 4 po pour devenir le défenseur qu’il est aujourd’hui.

« Ç’a commencé l’an dernier dans la Ligue américaine, rappelle Joe Pavelski. Il s’est vraiment mis au travail. »

Défi

Ce n’est pas un détail. Après avoir connu du succès offensif avec le club-école des Stars du Texas à ses débuts professionnels en 2020-2021, profitant de l’exception accordée aux joueurs de 19 ans alors que la Ligue junior de l’Ontario était paralysée par la pandémie de COVID-19, Harley a disputé 34 matchs à Dallas en 2021-2022.

Au camp d’entraînement du grand club, en 2022, il a toutefois été retranché. On lui a lancé un défi très spécifique, que reconnaîtront Arber Xhekaj et Justin Barron, du Canadien.

PHOTO NATHAN DENETTE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

William Nylander (88), des Maples Leafs, et Thomas Harley (55) lors d’un match à Toronto, mercredi

« Mon jeu avec la rondelle était prêt pour la LNH, mais pas mon jeu défensif, raconte Harley lui-même. On m’a dit : “Tu vas aller jouer à cinq contre cinq et en désavantage numérique.” Je ne devais me concentrer que là-dessus, et j’ai pris ça à cœur. J’ai enfilé mes bottes, j’ai travaillé à l’entraînement, j’ai fait de la vidéo et j’ai tout mis en application dans les matchs. »

Ce dur labeur lui a valu d’être rappelé à Dallas en toute fin de campagne et de disputer les 19 matchs des Stars en séries. « Cette saison, il s’est imposé dès le premier match », a poursuivi Pavelski. Le meilleur, toutefois, était encore à venir.

Valves ouvertes

Être l’un des meilleurs clubs de la LNH laisse présager que les besoins criants ne sont pas nombreux. Et quand une escouade défensive compte déjà sur Heiskanen, Esa Lindell et Ryan Suter, il n’y a pas péril en la demeure.

En début de campagne, on a donc utilisé Harley avec parcimonie. Une petite bouchée à la fois. D’abord sur un troisième duo, presque exclusivement à cinq contre cinq. Puis sur un deuxième. Puis en désavantage numérique. Puis en avantage numérique.

« Chaque mois, on a ajouté des couches, note Peter DeBoer. Et maintenant il fait tout. »

Lorsqu’on a convenu d’unir ses forces à celles de Heiskanen, et encore davantage lorsque le Finlandais s’est blessé au début du mois de janvier, on a ouvert les valves en l’employant sans gêne dans toutes les phases de jeu.

Au moment d’affronter le CH, il pointe au 21rang de la LNH avec une récolte de 29 points en 48 matchs. Lorsque Heiskanen et lui sont sur la glace, les Stars sont une puissance offensive et défensive.

« Ses minutes ont augmenté à mesure que son jeu s’est amélioré, analyse Esa Lindell. Quand Miro s’est blessé, il s’est levé. Il joue juste vraiment bien, intelligemment, et ça lui donne plus de chances. »

« Il a été l’un de nos meilleurs joueurs cette saison, abonde Heiskanen. Et je pense qu’il peut même encore beaucoup s’améliorer. J’ai hâte de voir la suite. »

Le principal intéressé semble surtout fier d’avoir gagné la confiance du personnel d’entraîneurs. « C’est une relation qu’il faut bâtir », rappelle-t-il. Et pas qu’avec ses patrons. Harley vante l’influence « incroyable » de Ryan Suter, qui l’a pris sous son aile, et celles de Lindell et Heiskanen qui ont aussi roulé leur bosse dans la ligue. « Je pose des questions et j’essaie de m’imprégner de leurs conseils », image-t-il.

Et comment trouve-t-on sa place au sein d’un groupe aussi chevronné ? « Avec tous ces vétérans, quelqu’un doit bien jouer le rôle du jeune fatigant, n’est-ce pas ? »

Sans doute. Avoir patiemment gagné ses galons ne doit pas nuire à l’intégration non plus.