Combien de fois, en début de saison, l’avantage numérique du Canadien a-t-il été un éteignoir ? Combien de fois, en novembre, s’est-on dit que cette équipe aurait mieux fait de décliner une punition de l’adversaire si elle en avait eu l’occasion ?

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Le vent a indubitablement tourné dans ce département. Les Ducks d’Anaheim en ont fait les frais, mardi soir. Profitant d’une sortie épouvantable des visiteurs, le Tricolore a marqué deux fois avec l’avantage d’un homme, en route vers une victoire de 5-0.

Il n’est pas arrivé souvent, en 2023-2024, que les Montréalais soient la meilleure équipe sur la glace d’un bout à l’autre d’une rencontre. Est-ce même déjà arrivé ? C’était pourtant, face aux Canards, bien le cas.

L’avantage numérique du CH n’a pas mis de temps à se mettre au travail. Dès la 18e seconde du match, Mason McTavish se rendait au cachot, où se succéderont plusieurs de ses coéquipiers au cours de la soirée. Pendant deux longues minutes, Mike Matheson, Nick Suzuki, Cole Caufield, Juraj Slafkovsky et Alex Newhook ont régné en rois sur le territoire des Californiens.

Ils poursuivaient, en ce sens, le travail amorcé lors du week-end : en dépit de deux défaites contre les Stars de Dallas et les Blues de St. Louis, l’avantage numérique du CH a joué avec autorité. Contre les Ducks, les valves se sont ouvertes. Slafkovsky et Suzuki ont tous les deux marqué, chaque fois avec l’aide de l’autre.

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Juraj Slafkovsky devant le gardien Lukas Dostal

L’irrésistible progression du Slovaque et sa nouvelle passion pour les tirs obligent désormais les adversaires à diviser leur attention parmi toute l’unité, et non plus sur Caufield qui attend la rondelle. Quant à Newhook, il récolte les fruits du travail de Sean Monahan, qui a stabilisé l’attaque à cinq avant d’être échangé. Ces cinq-là, soudain, forment un ensemble mobile, créatif et imprévisible.

Ce qu’on a aussi remarqué, c’est que l’avantage numérique est devenu un lieu d’expérimentation dont a émergé un trio de grande qualité.

Depuis le début du mois de février, soit depuis que l’unité de Caufield-Suzuki-Slafkovsky a été réunie après avoir été momentanément séparée, le premier trio est devenu ce qu’il devait devenir : le moteur offensif de cette équipe.

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Cole Caufield

À cinq contre cinq, ses principaux indicateurs avancés – possession de rondelle, partage des tirs cadrés, buts marqués et buts attendus – sont en nette amélioration par rapport à sa première vie, en décembre et en janvier. La chimie, évidente, va en croissant. Mais elle n’est pas tombée du ciel.

Touches

« Une chose qui aide leur jeu à cinq contre cinq, c’est notre avantage numérique, a estimé Martin St-Louis, mardi, en fin de soirée. Ils ont beaucoup de touches [de rondelle] dans l’espace. Ça leur a donné beaucoup de confiance. […] Ils sont très équilibrés sur la glace ; ils lisent bien l’espace entre eux et l’espace que l’adversaire leur donne. Ils comprennent de plus en plus les règles de la game et ça se voit sur la glace. »

Les trois jeunes surdoués, de fait, ont vu leur production offensive globale et à cinq contre cinq augmenter depuis que l’avantage numérique a pris vie.

À cinq contre quatre, le Canadien a atteint le fond du baril le 16 décembre. À ce moment, il ne convertissait que 16,7 % de ses chances. Depuis ce temps, il affiche un taux de réussite de 25 %, au 9e rang de la LNH dans l’intervalle.

À cinq contre cinq et en avantage numérique, Suzuki, Caufield et Slafkovsky ont tous vu leur cadence offensive s’accélérer après le 16 décembre.

Si l’on cherchait une confirmation que ceci explique cela, on peut probablement arrêter notre enquête.

À cinq contre quatre, « on apprend comment battre différents schémas défensifs », a encore dit Martin St-Louis. Quand l’équipe arrivera à maturité, l’effet sera encore plus grand. « À travers la ligue, les meilleures équipes sont très bonnes en avantage numérique. On avance vers ça », a-t-il ajouté.

C’est vrai à l’échelle de la saison, mais aussi à l’échelle d’un match comme celui de mardi. Même si le Canadien n’a pas marqué à sa première occasion avec l’avantage d’un homme, il a imposé son rythme. Après avoir vu cette équipe tirer si souvent de l’arrière tôt dans la rencontre, ce renversement du rapport de domination habituel avait quelque chose de rafraîchissant.

« Ce n’est pas une surprise, a noté Slafkovsky. Quand on a la rondelle pendant deux minutes en avantage numérique et qu’on a de bonnes touches, ça a un impact sur le reste. »

Combien de temps l’expérience connaîtra-t-elle du succès ? Allez savoir. Les mirages ont été nombreux depuis trois saisons. Et devant la médiocrité des Ducks, mardi, à peu près n’importe quelle équipe aurait ressemblé aux Harlem Globetrotters.

Il y a toutefois quelque chose qui se passe avec ces trois jeunes attaquants qui donnent drôlement l’impression d’être un vrai trio offensif de la LNH. À la fin du calendrier, et même après, on repensera peut-être à cette réalisation comme la plus importante de la saison.

En hausse

Jayden Struble

Patient et méticuleux défensivement, il a rebondi à la suite de sa performance difficile de dimanche. C’est en outre lui qui a lancé Juraj Slafkovsky en contre-attaque sur le deuxième but du Canadien.

En baisse

Les Ducks d’Anaheim

Tous les patineurs des Ducks ont été plus mauvais que tous les patineurs du Tricolore. La pire performance d’un adversaire du CH cette saison.

Le chiffre du match

2

C’est seulement la deuxième fois, cette saison, que le Canadien accorde moins de deux buts dans un match. L’unique occurrence jusque-là remontait au 23 octobre dernier, dans une victoire de 3-1 à Buffalo.

Dans le détail

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Brandon Gignac

Le premier de Gignac…

La mêlée de presse de Brandon Gignac tirait à sa fin quand une voix de stentor s’est fait entendre. C’était Michel Lacroix, peut-être le seul humain sur Terre avec une voix aussi grave que celle d’Alan Roach. « En tout cas, il était le fun à annoncer ! » Lacroix passait pour féliciter Gignac, qui avait marqué 30 minutes plus tôt son premier but dans la LNH, à 26 ans. L’annonce du but de Gignac a pratiquement été enterrée par les spectateurs, qui hurlaient pour souligner la persévérance du rapide attaquant du Canadien. Il faut dire que l’équipe de production de match a aidé en ce sens en montrant Gignac à l’écran géant pendant l’annonce du but, même si l’action avait repris. « J’avais plein de frissons au banc, surtout au Centre Bell, dans une victoire en plus. C’était un autre moment magique », a noté le héros du jour. Arber Xhekaj a amorcé le jeu en livrant une mise en échec à Frank Vatrano en zone neutre. Kaiden Guhle a récupéré la rondelle avant de rejoindre Gignac. « Guhle aurait pu partir en échappée, mais il a été super généreux avec moi. J’aurais pu lui passer de l’autre bord, mais il y avait un bâton dans les jambes, donc je me suis dit que je vais l’essayer ! » En incluant les 14 gardiens auteurs de buts, Gignac est le 6010e joueur de l’histoire à marquer en saison dans la LNH.

… et de Primeau

Les joueurs du Canadien semblaient encore plus contents que Gignac lui-même du but, à commencer par Juraj Slafkovsky, qui brassait son coéquipier au banc comme s’il était une poupée de chiffon. « Je pense que j’ai une petite commotion ! », a blagué Gignac. Comptez Cayden Primeau parmi ceux qui étaient heureux. « Il a travaillé tellement fort, c’est un bon gars. On est ensemble à Laval depuis quelques années. De voir qu’il se fait récompenser, je me sens bien moi aussi. » Primeau avait lui-même de quoi célébrer : il est devenu le 484e gardien de l’histoire à signer un jeu blanc dans la LNH. Sauf que contre des Ducks qui avaient l’air de combattre un décalage horaire de 12 heures, le gardien a seulement reçu 13 tirs. Mais c’était aussi parce que ses coéquipiers se sont passé le mot. « Un de nos objectifs à mesure que le match avançait, c’était de jouer pour Preems », a révélé Nick Suzuki. Le capitaine a lui-même montré l’exemple en se plaçant devant un tir de Vatrano en troisième période. « Nick est un des meilleurs joueurs de l’équipe. Il aurait très bien pu s’enlever du chemin, mais il est resté là et a bloqué le tir », a noté Primeau.

Savard dans l’ombre

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David Savard

Un autre qui s’est démené, c’est David Savard. On commence à en avoir l’habitude. Les statistiques traditionnelles sont rarement flatteuses pour ce défenseur habitué aux missions défensives, peu porté vers l’attaque et qui, en plus, joue souvent le rôle de comité d’accueil pour les jeunes défenseurs. Mais cette fois, le Maskoutain a été récompensé, terminant le match avec un différentiel de + 2. Il a d’ailleurs été directement impliqué dans les deux buts en question, sans obtenir de point. Les deux fois, les Ducks menaçaient en zone adverse, et son travail dans l’enclave a permis d’étouffer la menace, avant que ses coéquipiers relancent l’attaque, menant aux deux premiers buts des Montréalais.

Guillaume Lefrançois, La Presse