Kirby Dach aurait-il poursuivi sa progression s’il n’avait pas raté 80 matchs cette saison ? Qu’aurait été le Canadien avec le grand numéro 77 dans ses rangs ? Combien de temps mettrions-nous pour parcourir le trajet entre Sainte-Adèle et Montréal s’il n’y avait pas de limite de vitesse sur les routes ?

La vie est remplie de questions hypothétiques. Et celles entourant Dach, même Martin St-Louis admet qu’il se les pose de temps en temps. « C’est normal », a concédé l’entraîneur-chef du Canadien, après un rare entraînement dominical.

Dach lui-même plaide coupable. Ces commentaires de partisans qui se demandent où en serait l’équipe, ce soutien, « ça a facilité les choses par moments, mais oui, ça fait en sorte que je me demande où on serait si j’avais joué », a convenu Dach, dimanche, lors de sa première rencontre avec les médias depuis sa blessure du 14 octobre dernier.

Heureusement pour le Tricolore, la vie sans Dach n’est pas qu’une longue agonie à rêver à des jours meilleurs dans un monde sans blessure. Le joueur comme l’équipe tentent, tant bien que mal, de rattraper le temps perdu. Ou du moins, de limiter le gaspillage.

C’est ainsi que Dach participe régulièrement aux séances vidéo consacrées au prochain adversaire (le « pre-scout », dans le jargon), a révélé St-Louis. Ces rencontres se déroulent normalement entre entraîneurs seulement.

« C’est une occasion de lui parler du match précédent, surtout si c’était à l’étranger et qu’il n’était pas là », a noté St-Louis.

« En le gardant autour de l’équipe, en l’intégrant aux sessions vidéo, pas juste avec les joueurs, je pense que ça l’aide à s’améliorer cette année sans avoir ses touches sur la glace. C’est une occasion d’améliorer son cerveau pour la game. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Kirby Dach

Dach y trouve visiblement son compte, surtout qu’il est clair qu’il ne se sent pas comme une plante verte dans ces rencontres, qui ne se déroulent pas sans son point de vue. « Martin et ses adjoints comprennent que les discussions se font dans les deux sens, au lieu de simplement nous dire quoi faire. C’est bien d’échanger des idées, de parler de ce que je vois et d’écouter leur analyse. »

« Le moral aussi, c’est important, a ajouté Martin St-Louis. On veut qu’ils sentent qu’ils font partie de l’équipe. Aussi, on veut développer leur cerveau de hockey. Ils sont jeunes, ce sont encore des éponges. »

Du concret

Tout ça est bien beau, mais ce n’est pas avant l’automne que l’on saura si Dach a perdu du terrain pendant sa saison 2023-2024 qui aura duré quatre périodes.

Pour rappel : après un bon calendrier préparatoire (trois points en quatre matchs, + 3) et une récolte de deux points en lever de rideau à Toronto, le grand Albertain a subi des déchirures au ligament antérieur croisé et au ligament médial du genou droit, en première période du deuxième match.

Une mise en échec de Jarred Tinordi, qui l’a envoyé par-dessus la bande, au banc des Blackhawks de Chicago, l’a mis K.-O.

C’est nul. J’avais eu un bon été, je me sentais bien, j’avais confiance en mon jeu. J’ai été malchanceux. Je n’y peux rien.

Kirby Dach

« Ce n’est jamais une bonne sensation de perdre une saison comme ça. Mais le soleil s’est levé le lendemain. J’ai dû commencer à voir ce qui était le mieux pour moi, pour l’opération, où aller, la rééducation. »

Ses objectifs demeurent modestes. Il a recommencé à patiner récemment, mais en survêtement sportif, pas encore en équipement complet. Chaque étape sera désormais attendue avec impatience – ceux qui suivaient l’équipe en 2012 se souviennent de la longue remise en forme d’Andrei Markov après ses deux opérations successives.

« J’ai hâte de patiner un peu plus, de retrouver mes jambes, de peut-être rejoindre les gars à l’entraînement pour me sentir mieux cet été », détaille-t-il. Il a beau parler de vouloir « battre les pronostics » et revenir au jeu « le plus vite possible », on comprend qu’un retour en fin de saison semble improbable. Même une participation au Championnat du monde, qui s’amorce le 10 mai, soit un mois après la fin du calendrier du Canadien, ne semble pas dans les cartons.

« Autant j’aimerais ça, autant je ne pense pas que ce serait la décision la plus intelligente », prévient-il.

Mieux vaut que je prenne mon temps pour m’assurer de revenir à 100 %.

Kirby Dach

D’autres exemples

Les joueurs victimes de déchirures ligamentaires sont nombreux dans la LNH. Il serait futile d’en faire une liste exhaustive, d’autant plus que chaque cas est unique. Markov, puisqu’on en parlait, en a certainement ressenti les séquelles dans son coup de patin, mais il avait 33 ans à son retour et a été opéré deux fois. Il a néanmoins offert cinq saisons de qualité au Canadien par après.

Plus récemment, Andrei Svechnikov a été opéré au ligament antérieur croisé à la mi-mars. Sept mois plus tard, il revenait avec les Hurricanes de la Caroline et compte 31 points en 33 matchs, soit un niveau similaire à ses deux saisons avant de passer sous le bistouri.

Tom Wilson, un colosse comme Dach, a été opéré en mai 2022 et a renoué avec l’action en janvier 2023. Il jouait samedi, à Montréal parce que le monde est petit, son 85match depuis son retour au jeu. Il a inscrit 25 buts pendant cette période, là aussi une production comparable à ce qu’il offrait naguère.

Il semble donc y avoir une vie après un ligament antérieur croisé déchiré. L’ennui avec Dach, c’est qu’au moment où il est tombé au combat, on ignorait encore les limites de son potentiel, qu’il semblait repousser de semaine en semaine. L’autre ennui, c’est que ses 80 matchs d’absence cette année s’ajoutent aux 24 matchs ratés en 2022-2023.

Qu’à cela ne tienne : Dach est persuadé qu’il rattrapera le temps perdu.

« Je ne pense pas que ma progression physique soit affectée. Je me sens bien dans mon corps, comment je bouge. Je marchais sans orthèse deux ou trois semaines après l’opération. Je patine trois mois et demi plus tard. Je me sens bien, je me sens fort. C’est plus un défi mental d’être à l’écart aussi longtemps. »