(Pittsburgh) L’été dernier, lorsque Kyle Dubas a accepté le poste de directeur général des Penguins de Pittsburgh, tout le monde, lui le premier, savait à quel point une lourde tâche l’attendait.

L’ancien patron des Maple Leafs de Toronto héritait certes d’un club mené par certains des meilleurs joueurs de la ligue. Mais aussi d’un club vieillissant, assorti d’une masse salariale ingérable héritée de l’administration précédente.

Quelques mois plus tard, Dubas n’est pas dans une situation plus enviable. Son équipe est sérieusement menacée de rater les séries éliminatoires pour la deuxième saison de suite… mais elle n’est pas encore clairement exclue du portrait non plus. En outre, à un peu plus de deux semaines de la date limite des transactions, son joueur le plus attrayant, Jake Guentzel, est blessé. Si les Penguins montaient au classement, un Guentzel de retour en santé pourrait contribuer à conclure le calendrier en force.

Mais avec un besoin de rajeunissement aussi criant, le DG gardera-t-il pour lui sa meilleure monnaie d’échange, au risque de le perdre pendant l’été sur le marché des joueurs autonomes ?

Dubas, donc, attend. Il lance le défi à ses joueurs, d’ici l’échéance du 8 mars, de le guider dans ses décisions. Il leur reste donc deux semaines et huit matchs, à commencer par celui de jeudi contre le Canadien, pour faire leurs preuves. Mettra-t-on enfin en banque des victoires, qui pourraient inciter le gestionnaire à chercher un peu d’aide ? Ou enchaînera-t-on encore les déceptions, ce qui pourrait amorcer une vente-débarras ?

C’est de cette situation complexe que Dubas a voulu discuter, mercredi, en convoquant les médias à un point de presse. Il sait pertinemment que la gronde monte chez les partisans, qui ne comprennent pas trop la direction que semble vouloir emprunter l’organisation. Depuis des semaines, sur les réseaux sociaux, les internautes réclament la tête de l’entraîneur-chef Mike Sullivan.

Décontracté, en survêtement de sport, celui qui est encore l’un des plus jeunes DG de la LNH a pris les devants en reconnaissant que son équipe ne se retrouvait pas « là où il espérait la voir », et qu’en cela, il se sentait la responsabilité de répondre aux questions.

« Fire away ! », a-t-il lancé en anglais aux nombreux reporters devant lui. Ou comme le disait Daniel Vézina à l’émission Les Chefs ! : « Allez-y ! »

Guentzel

Le premier dossier abordé a été celui de Jake Guentzel. Et c’est bien normal, car à Pittsburgh, on parle de lui depuis le début de la saison.

Le natif d’Omaha écoule présentement la dernière saison d’un contrat qui lui rapporte 6 millions annuellement. Grand complice de Sidney Crosby, ce double marqueur de 40 buts réclamera vraisemblablement une sérieuse augmentation l’été prochain lorsqu’il deviendra joueur autonome sans restriction.

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Jake Guentzel

Dubas a rendu hommage à un « coéquipier de grande valeur », à une personne « aimée dans la communauté » et à un joueur « qui a contribué à gagner la Coupe Stanley ».

Qu’à cela ne tienne, il a 29 ans. Le gestionnaire n’a pas fait de détour : « On doit se rajeunir. » À preuve, au moins 10 membres des Penguins qui affronteront le Canadien jeudi ont 30 ans et plus. Une rareté dans une ligue qui préfère les joueurs n’ayant jamais clavardé sur MSN.

Dubas se donne encore deux semaines pour décider de sa « stratégie » et pour « poursuivre les discussions ».

Cette stratégie passera aussi par la position du club au classement. Le téléphone sonne, a affirmé Dubas. Plusieurs de ses hommes seraient demandés. Il décrit son quotidien actuel comme un « gigantesque match de poker », dans lequel il tente de « lire les autres équipes ». À Toronto, il s’est habitué à être un acheteur (quasi hyperactif) à ce temps-ci de l’année.

Le voilà désormais dans la chaise du vendeur… mais pas exclusivement. « La situation est toujours fluide », a-t-il insisté.

Pas de reconstruction

Car il sait aussi que ses grandes vedettes ne rajeunissent pas. Evgeni Malkin a 37 ans. Crosby et Kristopher Letang, 36. Erik Karlsson en a 33. Bien qu’ils offrent encore des performances de haut niveau, ils ne seront pas là éternellement.

Si son équipe lui montrait qu’elle est « capable de faire une poussée » vers les séries, le DG pourrait passer dans le camp des acheteurs prudents. N’ayant pas de choix de premier, de troisième et de cinquième tours au repêchage de 2024, et composant avec un trop-plein de vétérans, il n’a pas le « capital » nécessaire pour échanger des choix, et probablement pas des espoirs de haut rang non plus. Il se verrait bien, a contrario, acquérir un jeune joueur établi. Autrement dit, tout est encore sur la table pour l’instant.

En fait, non, pas tout. Une reconstruction complète n’est pas envisagée. Une telle entreprise l’obligerait vraisemblablement à laisser partir ses meilleurs joueurs, ce qu’il se refuse à faire. Ce sont eux, insiste-t-il, qui prépareront la prochaine génération à Pittsburgh. Or, en les gardant, ils sont « trop bons » pour que le club se retrouve dans les bas-fonds du classement et espère repêcher très tôt.

Il faudra donc user d’imagination pour leur trouver de l’aide. On comprend par ailleurs que de congédier Mike Sullivan n’est pas une avenue envisagée, en tout cas pas tout de suite.

« Le personnel d’entraîneurs, c’est la cible facile, a estimé Dubas. J’ai un grand respect pour Sully. On se rencontre chaque jour, alors je sais à quel point il est investi dans son travail. Il prend l’équipe à cœur, dans ses hauts comme dans ses bas. Je connais sa capacité à développer de bonnes personnes et de bons joueurs. »

Je crois que c’est un entraîneur qui peut aider l’équipe à gagner.

Kyle Dubas

L’administrateur ne l’a pas dit ainsi, mais Sullivan se retrouvera lui aussi, en quelque sorte, en audition au cours des deux prochaines semaines. Le besoin de gagner, c’est assez clair, est immédiat.

Son cas sera réévalué, « comme tout le monde », à la fin de la saison. Dans une équipe en quête de renouveau, un entraîneur en poste depuis huit ans risquerait fort bien de se retrouver en danger après deux saisons sans séries.

Mais on n’en est pas encore là. La partie de poker de Kyle Dubas n’est pas terminée. Et s’il y a un DG qui a toujours des surprises dans son jeu, c’est bien lui.