Yvon Barrette a tenu des dizaines de rôles au cinéma dans sa vie, mais il y en a un seul qui lui permet d’être accueilli comme une légende partout où il passe, presque 50 ans plus tard : Slap Shot.

« Ceux qui ont participé à ce film, on est tous surpris que ça dure, commence-t-il par admettre. C’est devenu un film culte. Je ne m’attendais pas à ça du tout… »

Au moment de répondre à notre appel, Barrette – Denis Lemieux, pour les intimes – roule en direction de Gatineau, en compagnie des non moins célèbres frères Hanson, où ils sont honorés en ce jeudi par le monde du hockey junior, avant d’être honorés aussi vendredi soir par les Cataractes à Shawinigan.

Ils font ça, parfois, pendant la saison : des apparitions, des séances de photos, des poignées de main à gauche et à droite. « On rencontre des fans, on signe des photos… c’est merveilleux », ajoute Barrette avec un sourire dans la voix.

  • Yvon Barrette et Jeff Carlson signent des autographes lors d’un événement à Gatineau, jeudi soir.

    PHOTO ETIENNE RANGER, LE DROIT

    Yvon Barrette et Jeff Carlson signent des autographes lors d’un événement à Gatineau, jeudi soir.

  • Dave Hanson et Jeff Carlson signent des autographes, au grand plaisir des amateurs.

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    Dave Hanson et Jeff Carlson signent des autographes, au grand plaisir des amateurs.

  • Dave Hanson (à l’avant-plan) en train de signer un chandail des Chiefs, les mains bien enrubannées !

    PHOTO ETIENNE RANGER, LE DROIT

    Dave Hanson (à l’avant-plan) en train de signer un chandail des Chiefs, les mains bien enrubannées !

  • David Hanson, Yvon Barrette et Jeff Carlson, jeudi soir à Gatineau

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    David Hanson, Yvon Barrette et Jeff Carlson, jeudi soir à Gatineau

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Un tel enthousiasme est encore possible parce que personne n’a oublié Slap Shot, un classique du hockey, mais aussi un classique du cinéma tout court, lancé en 1977. Le Denis Lemieux qu’incarne Yvon Barrette est un gardien un peu fou qui enchaîne des répliques savoureuses, que presque tout le Québec est capable de réciter par cœur aujourd’hui.

« Bien plus tard, ajoute-t-il, j’ai tourné en 2001 avec Falardeau [le film 15 février 1839], et j’ai reçu un courriel de quelqu’un de Los Angeles, qui était tombé sur une photo de moi en Osias Primeau, le patriote. Le gars m’a demandé : “Est-ce que c’était vous, le gardien de but dans Slap Shot ?” Il m’a envoyé par la poste des rondelles pour que je les signe. »

J’en reçois encore [des demandes d’autographes]. Ça arrive de partout, de Suède, de Californie, d’Allemagne… Je suis allé là-bas et j’ai appris à dire : “À qui sont les Chiefs ?” en allemand !

Yvon Barrette

Denis Lemieux n’aura pas toujours reçu que de l’amour, par la poste ou en personne. Yvon Barrette se rappelle encore ce soir de grande première en 1977 au cinéma de la place Alexis Nihon. « La première réaction que j’ai eue, c’est de la part d’un Irlandais qui avait assisté à une représentation juste avant. Il est sorti de la salle, il s’est dirigé droit vers moi et il m’a dit en anglais : “T’es une disgrâce pour le hockey !” »

Car au moment de sa sortie, Slap Shot était si près de la réalité – naguère, les bagarres générales étaient une habitude dans notre sport national – que certains spectateurs ont cru à une histoire véritable.

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Yvon Barrette en compagnie des acteurs ayant incarné deux des frères Hanson, jeudi soir, sur la glace du Centre Slush Puppie de Gatineau

Ce qui fait bien rigoler Yvon Barrette encore aujourd’hui.

« C’est un documentaire. C’était violent dans la Ligue nord-américaine de hockey dans ces années-là, et le film a été fait pour parodier cette violence. Un film de hockey qui finit par un strip-tease, ça peut pas être sérieux ben ben… Nous autres, sur le plateau, on a rigolé pendant 13 semaines. Y a personne qui a été blessé…

Dans ma tête à moi, avec la réaction que j’avais eue le soir de la première à Montréal, j’étais certain que ce film-là allait pas avoir une très longue carrière. J’ai tourné avec Gilles Carle, avec Jean-Claude Lord… quand le film est fini, il est fini. Mais nous autres, on dirait que ça fait juste commencer !

Yvon Barrette

Si Slap Shot résiste à l’épreuve du temps comme ça, c’est entre autres grâce à cette version française doublée au Québec. Le français qu’on y retrouve est pas mal plus proche de Pierre Bouchard que de Pierre Bayle… « Quand le film est sorti en français au Québec, ç’a été un succès immédiat, se rappelle Barrette. C’était la première fois qu’un film américain était traduit au Québec. Mais quand il est sorti, tous les joueurs de hockey professionnels étaient offusqués par le langage du personnage de Paul Newman ! Ç’a pris pas mal de temps avant que les répliques du film apparaissent à l’écran géant pendant les matchs du Canadien… »

Pour toutes ces raisons, Yvon Barrette peut encore, à ce jour, être reçu en roi dans les arénas du monde, par un public qui ne cesse de se renouveler. « Je me souviens d’une fois où j’ai signé des photos pour trois personnes en même temps : le grand-père, le père et le petit-fils… les trois connaissaient toutes les répliques ! »

C’est pourquoi, presque 50 ans plus tard, Yvon Barrette ne se tanne pas, et son public non plus ; à ce jour, on lui demande encore de réciter des bouts du film, peut-être pour la millième fois. Il s’exécute toujours avec le même entrain. « On me parle plus de Slap Shot que de mon rôle dans La vraie nature de Bernadette »

Et puis, au juste, quelle est la réplique qu’on lui demande encore de dire, même après toutes ces années ? « La plus célèbre, je pense, c’est “trade me right fuckin’ now”… C’est une réplique qui est très pratique ! »