Avant chaque match, après avoir enfilé son habit et avant de partir pour l’aréna, Antonin Verreault sort son cellulaire et regarde une vidéo de faits saillants de Sidney Crosby. Toujours la même.

Verreault est le premier pointeur de la LHJMQ en vertu de sa récolte de 93 points en 57 rencontres cette saison.

Ces deux faits sont-ils interreliés ?

Impossible de le savoir, évidemment. Penchons-nous donc sur du plus concret pour expliquer la saison à tout casser de l’attaquant des Huskies de Rouyn-Noranda, qui n’appartient encore à aucune équipe de la Ligue nationale.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Antonin Verreault

Et du concret, il y en a. Parce que Verreault a traversé nombre de défis au cours des dernières années.

Comme bien des jeunes Québécois, le natif de Mirabel a toujours été un mordu de hockey. Contrairement à plusieurs, toutefois, il s’intéresse à plus qu’au Canadien.

« Chaque soir, ça roule à deux ou trois matchs [sur ma télé], que ce soit le Canadien ou une autre équipe », dit-il à La Presse, lors d’une rencontre entre les murs du Centre d’excellence Sports-Rousseau, à la veille d’un affrontement contre l’Armada de Blainville-Boisbriand.

Verreault se tient au courant de tous les résultats, de la LHJMQ à la Ligue nationale, en passant par la Ligue de l’Ontario et la Ligue américaine. « Oui, c’est pour m’améliorer, mais c’est aussi parce que j’aime ça », lâche-t-il.

Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que Verreault, 2e choix du repêchage de 2020 dans la LHJMQ, rêve à la Ligue nationale.

À l’été 2021, après une excellente saison recrue avec les Olympiques de Gatineau, il s’est retrouvé jumelé à Connor Bedard et Dylan Guenther sur le même trio dans un tournoi U17. Voilà une belle façon de lancer sa première année d’admissibilité au repêchage de la LNH.

PHOTO GHYSLAIN BERGERON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Antonin Verreault (43), alors qu’il évoluait pour les Olympiques de Gatineau, dans un match contre l’Armada de Blainville-Boisbriand le 20 mars 2021

La saison suivante, toujours avec les Olympiques, Verreault a connu une bonne première moitié de campagne, avec 26 points à ses 30 premiers matchs.

C’est là que la « pire année de [sa] vie » a commencé.

Les malchances

Sans trop savoir comment, Verreault s’était blessé au poignet gauche avant Noël. La douleur est apparue soudainement pendant un match.

La game d’après, j’ai joué et j’ai scoré deux buts, donc j’ai juste continué à jouer dessus.

Antonin Verreault

La douleur ne l’a plus jamais quitté. Dans cette année de repêchage, il voulait manquer le moins de matchs possible, surtout qu’il avait déjà raté quelques rencontres en raison d’une « petite blessure à l’épaule » avant Noël. Alors il a « enduré ».

En janvier 2022, la LHJMQ a mis ses activités sur pause en raison d’une recrudescence des cas de COVID-19 au Québec. Lors de la reprise des activités, en février, Verreault a récolté 20 points en 26 matchs.

« Il y a quand même beaucoup de choses qui s’étaient bien passées, se souvient-il, sauf que quand tu es un joueur de petite stature, si tu n’as pas la meilleure saison à 17 ans, parfois, c’est plus dur un peu. »

Verreault a rencontré presque toutes les équipes de la Ligue nationale en vue du repêchage, et plusieurs d’entre elles ignoraient qu’il avait joué la moitié de la saison avec une blessure. Blessure qui a d’ailleurs empiré ; il s’agissait finalement d’une cassure, a-t-il pu confirmer après sa saison. Pendant trois mois, il a donc porté un plâtre.

Quand est venue la journée des tours 2 à 7 du repêchage de la Ligue nationale, en juillet 2022, Verreault s’est installé devant la télévision. Et il a attendu.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Antonin Verreault

Ça a duré quatre heures, mais je te dirais que dans ma tête, ça a duré 30 minutes. Je n’ai pas dit un mot. Quand ça s’est fini, ce n’était vraiment pas le fun. Je suis juste allé pleurer dans mon lit après ça.

Antonin Verreault

Comble du malheur, pendant l’été, les médecins ont découvert que son poignet s’était détérioré. Une opération serait nécessaire. Les Oilers d’Edmonton l’ont invité à leur camp d’entraînement, mais il n’a pu y participer.

La résilience

Verreault a porté un plâtre pour trois autres mois, ratant le début de la saison 2022-2023 de la LHJMQ.

« J’étais découragé, mais après deux ou trois jours, il faut que tu te fasses à l’idée. Je me suis juste vraiment concentré sur améliorer mon patin et la puissance de mes jambes au gym. »

Tous les matins pendant trois mois, il sortait du lit à 5 h 30, arrivait à l’aréna à 6 h 15 et sautait sur la patinoire de 7 h à 8 h 30 avec un entraîneur de patinage de puissance de Gatineau, Guy Desjardins.

Il n’y avait pas juste moi, il y avait Olivier Nadeau, qui revenait lui aussi d’une opération. On s’est vraiment poussés, l’un et l’autre, que ce soit dans le gym ou sur la glace.

Antonin Verreault

Verreault est revenu au jeu à la fin de novembre, pour recevoir une rondelle au visage quelque 20 matchs plus tard. Là encore, une opération à la mâchoire a été nécessaire. Il a raté trois autres semaines de jeu.

Le jeune homme a finalement inscrit 10 buts et 19 mentions d’aide en 38 rencontres de saison l’année dernière, puis 9 points en 13 matchs éliminatoires au sein d’une des meilleures équipes du circuit. Après avoir raté la majorité de la saison, il avait toutefois dû se contenter d’un rôle de second plan.

Quand l’année s’est terminée, Verreault a demandé à être échangé afin d’être en mesure d’aider une autre équipe à gagner, plutôt que de faire partie du mouvement de jeunesse des Olympiques. C’est exactement ce qu’il fait cette saison avec les Huskies de Rouyn-Noranda, qui occupaient le quatrième rang du circuit Cecchini au moment d’écrire ces lignes.

Le plaisir

Pour la première fois depuis longtemps, Antonin Verreault peut disputer une saison complète. Dès son arrivée à Rouyn, « il avait juste du fun à aller sur la glace », nous relate-t-il. Quant aux statistiques, elles sont le fruit de tout le travail effectué ces deux dernières années. Le fruit de sa persévérance. Le voici aujourd’hui premier pointeur de la LHJMQ, avec 93 points en 57 matchs.

Pour la suite des choses, qui sait ce qui peut arriver ? Au hockey, tous les parcours sont différents. Antonin Verreault le sait, maintenant.

« Les coachs disent souvent que la game est juste [fair] quand on joue de la bonne façon, dit-il. Je pense que c’est la même affaire dans la vie : quand tu fais les choses de la bonne façon, ça te revient souvent. »

Et de toute évidence, il doit beaucoup plus à sa résilience qu’à la vidéo de Sidney Crosby.