(Nashville) Dans le vestiaire des Predators de Nashville, la mêlée de presse d’Alexandre Carrier dure depuis quelques minutes lorsque notre regard est attiré par la tablette derrière le défenseur québécois.

Entre ses affaires et celles de son voisin Roman Josi, à côté de rouleaux de ruban et de semelles de rechange, se trouve une petite figurine. Le complet fuchsia, les cheveux verts, le maquillage blanc et les lèvres rouges ne trompent personne : c’est bien le Joker, ennemi juré de Batman, qui semble écouter les discussions qui se déroulent près de lui.

Interrogé sur cette décoration inhabituelle, Carrier confirme avec fierté que la figurine lui appartient. Et il en pointe d’autres, que l’on n’avait pas remarquées, dans la pièce.

Au casier de Jérémy Lauzon, le Déchiqueteur, adversaire des Tortues Ninja. À celui du gardien Kevin Lankinen, Kylo Ren, de Star Wars. Chez Colton Sissons, l’Épouvantail, aussi tiré de l’univers de Batman. Chez Cole Smith, une petite tête de mort colorée. On en oublie sans doute quelques-unes.

  • Le Joker, au casier d’Alexandre Carrier

    PHOTO SIMON-OLIVIER LORANGE, LA PRESSE

    Le Joker, au casier d’Alexandre Carrier

  • Kylo Ren, au casier de Kevin Lankinen

    PHOTO SIMON-OLIVIER LORANGE, LA PRESSE

    Kylo Ren, au casier de Kevin Lankinen

  • Le Déchiqueteur, au casier de Jérémy Lauzon

    PHOTO SIMON-OLIVIER LORANGE, LA PRESSE

    Le Déchiqueteur, au casier de Jérémy Lauzon

  • L’Épouvantail, au casier de Colton Sissons

    PHOTO SIMON-OLIVIER LORANGE, LA PRESSE

    L’Épouvantail, au casier de Colton Sissons

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Non, l’équipe ne revient pas d’une sortie de groupe au Comic-Con. Ces personnages en plastique sont en réalité des trophées remis aux employés les plus méritants en désavantage numérique.

L’idée vient de l’entraîneur adjoint Dan Hinote. Alexandre Carrier raconte en riant qu’il a rapporté toutes ces figurines d’un voyage au Mexique. On en déduit qu’il n’a pas hypothéqué sa maison pour les acquérir.

À la fin de chaque mois, Hinote désigne l’attaquant et le défenseur qui se sont le plus démarqués avec un homme en moins. Il souligne aussi les actions individuelles.

« C’est comme une tape dans le dos »

Le fait que tous les bonshommes soient des méchants n’est pas fortuit. En anglais, les spécialistes du désavantage numérique sont appelés les « penalty killers ». L’entraîneur distribue donc ses « killers », ou ses tueurs, a écrit Nick Kieser, journaliste d’une station de radio de Nashville, dans un article sur le sujet il y a quelques semaines.

Puisqu’il s’agit d’une phase de jeu dans laquelle les Predators peinent cette saison – 76,2 %, au 26e rang de la LNH avant le match de mardi soir contre le Canadien –, on a donc cherché à valoriser les travailleurs d’une phase de jeu qui n’est pas la plus populaire.

Carrier, par exemple, s’est vu remettre le Joker après avoir marqué un but à quatre contre cinq au mois de janvier. Des tirs bloqués ou des arrêts clés sont aussi salués. Quand le trophée est remis à un joueur, celui-ci le garde indéfiniment.

Il est évident que des adultes ne se jettent pas devant des rondelles filant à plus de 100 km/h simplement pour gagner une babiole. Le symbole, toutefois, est fort.

« C’est comme une tape dans le dos. Ça fait du bien », résume Jérémy Lauzon, lauréat d’un titre de joueur du mois plus tôt cette saison.

« Personnellement, je suis vraiment fier de pouvoir dire que je joue en désavantage numérique et que je fais la job », ajoute le défenseur.

À voir l’enthousiasme qu’elle provoque, l’initiative atteint sa cible. Les méchants, pour une fois, font du bien.