Nous voici dans l’ère de la normalité. À l’entraînement, plus de troisième gardien. Sur la feuille des formations des deux équipes, plus de gardien laissé de côté. Entre les casiers de Samuel Montembeault et Cayden Primeau, plus de plaque au nom de Jake Allen ; simplement un casier vide, qui donnera plus d’espace aux deux portiers pour enlever leur équipement. Le Canadien devient soudainement une équipe normale, avec deux gardiens.

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Plus de gardien no 3 non plus, plus de 1A ou 1B, 2A ou 2 B. Pour Samuel Montembeault, c’était un premier match avec le titre un peu plus officiel de gardien numéro 1. Encore là, la normalité.

« J’essaie de ne pas trop y penser. On en parlait avec Éric (Raymond, entraîneur des gardiens) ce matin, c’est la même game pour moi. Que je sois gardien no 1 ou no 3, je dois nous donner la chance de gagner », a lancé Montembeault après le match de samedi.

Ç’aurait donné de l’excellente copie si Montembeault avait marqué le coup en signant une victoire, en frustrant Auston Matthews toute la soirée, en réalisant ces sublimes arrêts qui incitent le platiniste du Centre Bell à lancer le thème de Superman.

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Samuel Montembeault

En lieu et place, le Canadien s’est incliné 3-2, sur un but brouillon de John Tavares. Montembeault a disputé un match très correct, sans pour autant avoir à museler les vedettes torontoises. Auston Matthews a été bien discret, et Mitch Marner était blessé.

N’empêche que pour le gardien québécois, c’était un indice de plus que, comme un fidèle client chez Marriott, il a atteint un certain statut. Le CH de la reconstruction ne joue forcément pas des tonnes de matchs significatifs ; ceux contre Toronto en font partie. En lever de rideau de la saison, Martin St-Louis avait choisi Jake Allen. Cette fois, c’était Montembeault, et ce pourrait souvent être sa mission à moyen terme.

« C’est le fun. C’est un samedi soir au Centre Bell, contre Toronto. Il y a toujours de l’engouement, a observé Montembeault. Les gars qui voulaient des billets pour leurs familles, il fallait le dire en avance parce que tout le monde en voulait ! Déjà pendant l’échauffement, c’était bruyant. »

Sans le mentor

Montembeault s’en est bien tiré samedi, mais il connaîtra encore des soirées difficiles. Jusqu’à vendredi, quand de telles soirées survenaient, il pouvait toujours compter sur Allen.

C’était le cas le 15 février dernier, quand le Canadien s’est fait rosser 7-4 par les Rangers. Dès la première occasion qu’il a eue de discuter du départ d’Allen, dans son point de presse d’après-match, Montembeault est revenu sur cette soirée.

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Max Domi a marqué un but en échappée.

Je lui ai envoyé un long texte hier, pour le remercier, lui et sa femme. Il a tellement été bon pour moi. À New York, quand j’ai donné sept buts, il s’est levé au banc pendant la pause publicitaire, il est venu me parler, et il m’a aussi parlé dans le vestiaire. Je le lui ai dit, mais c’est un des meilleurs coéquipiers que j’ai eus. Tout le monde ici est d’accord.

Samuel Montembeault au sujet de Jake Allen

Plus tard, Montembeault rappellera les félicitations qu’il a reçues d’Allen lorsqu’il a gagné l’or avec le Canada au Championnat du monde l’an dernier. « Il m’avait texté, il était juste très content. Il m’a toujours soutenu. » Idem quand il a signé sa prolongation de contrat, en décembre, prolongation qui signifiait essentiellement le chant du cygne pour Allen à Montréal.

Le Canadien est encore à l’étape où il doit parfois dire adieu à de tels vétérans, comme ce fut le cas avec Sean Monahan le mois dernier. Comme ç’aurait aussi pu être le cas pour David Savard. « Il n’aurait pas fallu qu’on perde les deux, estime Montembeault. David est un gros morceau. En tant que Québécois, je me tiens beaucoup avec lui. Il aide beaucoup les jeunes. On le voit depuis qu’il est jumelé avec [Arber] Xhekaj. »

De nouveaux meneurs à former

Montembeault sera donc un peu plus seul pour ces grands rendez-vous. Ce n’est rien contre Primeau, au demeurant un chic type. Sauf que Primeau ne débarque pas dans ce vestiaire avec 10 ans d’expérience dans la LNH et une bague de la Coupe Stanley comme c’était le cas pour Allen.

Nick Suzuki l’a bien expliqué samedi matin : il faut un certain temps avant qu’un jeune sente qu’il peut prendre sa place. Lui-même est passé par là à son arrivée à Montréal en 2019, à 20 ans.

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Ilya Samsonov fait l’arrêt devant Nick Suzuki.

« Je ne disais pas grand-chose à mes deux premières années, a reconnu le capitaine du CH. Tu dois mériter le respect avec ton jeu et ton expérience. Donc je n’allais pas dire au groupe comment jouer. Maintenant, avec mon expérience quand même limitée, je suis plus à mon aise dans ce rôle qu’il y a trois ans. »

Avec le départ d’Allen, avec Montembeault qui ne comptera plus sur lui pour l’épauler quand ça ira moins bien, le Tricolore fait donc un pas de plus vers un vestiaire où les moins de 30 ans deviendront les nouveaux piliers.

« Tu peux voir autour de qui notre groupe sera bâti, ajoutait Suzuki, toujours samedi matin. On a plusieurs joueurs du même groupe d’âge, mais les gars qu’on a échangés nous ont aidés à nous placer dans notre situation actuelle. »

En hausse : Mike Matheson

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Mike Matheson a inscrit le premier but du match.

Un but, une passe, 28 minutes à patiner comme le vent. « Le meilleur joueur des deux équipes sur la glace ce soir », a statué Martin St-Louis.

En baisse : Jordan Harris

Rien d’éclatant de sa part, et les indicateurs de chances de marquer à 5 contre 5 (0-3) correspondent à cette réalité.

Le chiffre du match : 8

Mine de rien, Bobby McMann compte maintenant 8 buts à ses 14 derniers matchs, avec sa réussite de samedi. Une contribution inattendue d’un joueur de 27 ans, jamais repêché, qui n’avait jamais marqué dans la LNH avant cette saison.

Dans le détail

Le réveil de Slafkovsky

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Juraj Slafkovsky

Même si ses deux compagnons de trios n’ont jamais vraiment cessé de produire, Juraj Slafkovsky peinait à noircir la feuille de pointage avant le match contre les Leafs. Il avait récolté un seul point à ses huit derniers matchs. Cette vilaine séquence a pris fin samedi soir alors qu’il a été le meilleur attaquant du Canadien. Il a habilement préparé les buts de Mike Matheson et Alex Newhook. Le joueur de 19 ans était de tous les combats. Avec ses cinq mises en échec, deuxième de son équipe derrière Michael Pezzetta à ce chapitre, la présence de Slafkovsky a été indispensable à l’attaque montréalaise tout au long de la rencontre. Il a été au cœur des plus importantes chances de marquer de son équipe. La progression de l’ancien premier choix au repêchage va bon train. Elle est même exponentielle depuis le début de la campagne et ses coéquipiers ne peuvent que s’en réjouir. « Sa vision, c’est incroyable. Les étapes qu’il franchit, c’est tellement impressionnant. C’est ça depuis le début de l’année. C’est fou qu’il ait juste 19 ans. J’ai hâte de voir jusqu’où il peut aller », a déclaré Mike Matheson après la rencontre.

L’absence sentie de Mitch Marner

Auston Matthews a eu l’air de s’ennuyer du début à la fin. Sans son fidèle ailier droit, Mitch Marner, le meilleur franc-tireur de la Ligue nationale de hockey a été invisible. À des lieues de ce à quoi il nous a habitués. C’est comme si on séparait Batman et Robin ou Dominic et Martin. Absent en raison d’une blessure à la jambe, Marner a cruellement manqué à la première unité torontoise. Flanqué de William Nylander et Tyler Bertuzzi, Matthews s’est rendu compte que ce dernier de disposait pas de la même créativité ni de la même vision que Marner. À forces égales, le premier trio des Leafs a obtenu seulement une chance de marquer. Et elle en a accordé quatre. L’entraîneur-chef Martin St-Louis n’a pas hésité à saluer le travail de son premier trio, en particulier celui de Nick Suzuki. Le centre du Canadien a été sur la patinoire en même temps que Matthews pendant plus de 13 minutes, soit près de 65 % du temps de jeu total du centre des Leafs. « Il aime ces confrontations, battre les meilleurs joueurs de l’équipe adverse. Il les affronte souvent et ça donne une bonne idée d’où il est rendu. »

Cole Caufield le passeur

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Cole Caufield et Timothy Liljegren

Avec sa passe sur le but de Mike Matheson à la 38e seconde de la rencontre, Cole Caufield s’est assuré d’allonger la séquence la plus impressionnante du moment chez le Canadien. L’ailier a récolté 24 points au cours de ses 24 derniers matchs. Fait intéressant, au cours de cette séquence, celui que le Tricolore a repêché pour ses qualités de marqueur a inscrit seulement huit buts. Pour la première fois de sa jeune carrière, Caufield est en voie de terminer la campagne avec davantage de mentions d’aides que de buts. Sa connexion avec Suzuki et Slafkovsky l’aide visiblement à devenir plus complet, ou, du moins, à chercher la ligne de passe avant les espaces laissés à découvert par le gardien. Et ce n’est pas plus mal, car ça fonctionne et ça aide son équipe à gagner. Reste que Caufield conservera éternellement son instinct de marqueur. Sa moyenne de tirs par rencontre pendant ladite séquence (4,3) est supérieure à celle de sa moyenne de saison (3,8). Cela dit, l’as marqueur n’a pas trouvé le fond du filet à ses 10 derniers matchs.

Nicholas Richard, La Presse