Guillaume Latendresse vit désormais dans un autre monde au Minnesota. Il porte un uniforme vert, ses performances ne sont plus épiées à la loupe par les médias, et il a droit à l'anonymat presque total bien qu'il se retrouve dans une ville de hockey.

«Non, on ne me reconnaît pas, a-t-il répondu au cours d'un entretien téléphonique. Même à l'aréna, l'autre jour, les gens à la sécurité pensaient que j'étais un joueur d'une équipe adverse!»

 

Latendresse avoue que le contraste avec Montréal est frappant, mais il est loin de s'en plaindre. «Quand ça va moins bien un soir, je peux penser à autre chose en quittant l'aréna. Et quand j'arrive le lendemain, j'ai évacué tout le négatif. J'arrive et je suis juste prêt à jouer le prochain match. Les attentes sont moins élevées. Je peux mieux jouer. Je n'ai pas à m'en faire avec les points. J'ai joué sept matchs ici, j'ai trois points, j'ai beaucoup de glace, des chances de marquer, j'offre de bonnes présences, et j'ai fait de bonnes mises en échec.»

Était-il mêlé à son premier match avec le Wild, il y a deux semaines? «Ce qui rendait le match bizarre, c'est que je n'avais pas joué depuis cinq jours et que je ne m'étais pas encore entraîné avec l'équipe. Mais pour le reste, je m'attendais à la transaction depuis un petit bout de temps, et mon deuil était fait avant d'arriver au Minnesota. Ça faisait dix matchs que je jouais en moyenne quatre ou cinq minutes; il y a eu un match où les recruteurs de presque toutes les équipes étaient là et ce soir-là, j'ai joué 14 minutes! Je ne me sentais pas dans les plans de l'entraîneur, mais peut-être que ç'aurait été pareil avec un autre. J'ai eu mes torts là-dedans comme tout le monde; il y a des matchs où je n'ai pas bien joué. Mais un joueur passe rarement toute sa carrière avec la même équipe. Alors le premier match avec le Wild a plutôt été un soulagement, c'était un nouveau départ.»

L'attaquant âgé de 22 ans, qui jouait en compagnie de Kyle Brodziak et de Martin Havlat lors du dernier match du Wild, aime bien le système de jeu de l'entraîneur Todd Richards, qui a récemment comparé Latendresse à l'attaquant de puissance des Sharks, Ryan Clowe. «On a plus de liberté à l'attaque ici. On peut prendre plus de risques, on peut essayer nos jeux, ça ressemble un peu au style de jeu de Carbo. Au lieu de descendre très bas en territoire défensif, on surveille plus les défenseurs adverses, on met beaucoup de pression sur eux. Richards veut des joueurs qui bougent et qui travaillent. Il est exigeant mais c'est bien comme ça.»

Le choix de deuxième ronde (45e au total) en 2005 ne peut s'empêcher de suivre le Canadien. «Je suis les matchs et tout ça. Je viens de voir que Pouliot s'en allait à Hamilton. J'ai raté presque toutes les cérémonies parce qu'on jouait en même temps, ce soir-là, mais j'ai pu en voir un bout dans le vestiaire quand Guy Lafleur et Jean Béliveau sont venus parler au micro. C'est sûr que ça m'a donné un petit pincement au coeur. Jouer ce match-là, ç'aurait été une belle expérience pour moi et pour ma famille. Mais d'un autre côté, quand la page est tournée, elle est tournée.»

Quel conseil pourrait-il donner à Benoît Pouliot, qui se retrouve en quelque sorte dans sa position à Montréal? «C'est toujours difficile de ne pas lire les journaux ou d'écouter ce qui se dit sur nous: on est québécois et ça fait partie de la vie. On va faire le plein, le journal est là et c'est notre face qui est sur la première page; on a beau ne pas vouloir le lire, ça nous saute aux yeux tout le temps. Je lui dirais de juste jouer parce qu'il aime le hockey et de ne pas se casser la tête. Il y a assez de choses à Montréal qui peuvent faire en sorte qu'on se la casse. Il ne faut pas commencer à se tracasser soi-même.»

Latendresse échappe un soupir quand on lui parle du 17 décembre, date de la visite du Wild au Centre Bell. «Je commence à être nerveux. J'y pense de plus en plus. C'est beau, être échangé, mais on dirait que ce match-là arrive un peu vite. J'ai parlé à Francis Bouillon, qui m'a dit que c'était dur de jouer contre le Canadien même à Nashville; alors je n'imagine pas à Montréal. Je pense à la foule, aussi; de quelle façon est-ce qu'elle va m'accueillir? De la bonne ou de la mauvaise? J'ai eu de belles années à Montréal, et ça me ferait de la peine d'avoir une réaction négative.»