En 2016, lorsque Benoît Groulx a été nommé à la barre du Crunch de Syracuse, il a rapidement constaté qu’il avait sous la main une formation pour atteindre la finale de la Ligue américaine.

Il s’est donc attablé avec le personnel de préparation physique afin d’estimer la charge de travail que représenterait un marathon qui s’étirerait jusqu’à la mi-juin. La réunion suivante a eu lieu avec les joueurs pour leur annoncer que les entraînements sur glace, les matins de match, c’était terminé.

« On a calculé qu’on gagnerait au moins 25 à 30 heures pendant lesquelles on n’aurait pas accompli grand-chose », se remémore le Québécois, qui a dirigé le Crunch au cours des sept dernières saisons.

À ses dernières années dans les rangs juniors, chez les Olympiques de Gatineau, il avait déjà commencé à diminuer la cadence. « Les joueurs, le jour d’un match, ce qu’ils veulent, c’est se dégourdir plus qu’autre chose. »

Le nouveau mantra : « Une activité par jour. » Un match ou un entraînement, mais pas les deux.

À Syracuse, sa proposition n’est pas passée comme une lettre à la poste. La transition a dû se faire « progressivement ». « Des gars venaient me voir pour me demander si je leur donnais la permission d’aller patiner pour travailler sur telle ou telle affaire. Bien sûr que j’ai dit oui à ça ! »

Certains étaient toutefois plus récalcitrants que d’autres. « Yanni Gourde, il a fallu que je me batte avec lui pour le sortir de la glace ! raconte Groulx en riant. S’il le pouvait, il coucherait sur la patinoire. Il voulait absolument ses morning skates. On a donc fait ça en douceur, parce qu’on ne voulait pas que ce soit négatif. Il fallait que les gars adaptent leur routine. »

S’éloigner du match

Sur la route, plutôt que d’arriver dans une ville à la veille d’un match et de ne s’entraîner que le lendemain matin, le personnel d’entraîneurs a plutôt demandé que l’autocar transporte désormais les joueurs directement à l’aréna.

On pratiquait 25 minutes en arrivant, puis on faisait nos rencontres individuelles et les joueurs allaient souper. On voulait éloigner l’entraînement du match pour que les gars puissent avoir une journée relax.

Benoît Groulx

Déjà, à cette époque, Groulx constatait qu’une séance d’entraînement sur glace n’est pas la réponse à tout. « Dans un club, il y a toujours quelque chose qui ne marche pas, explique-t-il. Quand ce n’est pas ton avantage numérique, c’est ton désavantage numérique. Quand ce n’est pas ton désavantage, ce sont tes sorties de zone ou ton échec avant. Ça n’arrive jamais que tout fonctionne en même temps. Beaucoup de coachs, surtout les plus jeunes, ont tendance à dire : il faut qu’on pratique à tout prix. Alors qu’ils peuvent faire confiance à leurs joueurs et s’assurer qu’ils sont mentalement à la bonne place. »

Jamais un joueur ne lui a plus réclamé que soient réinstaurés les entraînements les matins de match, assure-t-il.

Même qu’en séries éliminatoires, après un long déplacement, l’entraîneur a surpris ses vétérans en leur demandant s’ils désiraient patiner le lendemain matin plutôt que sur-le-champ.

Sceptique, son capitaine, Erik Condra, a voulu s’assurer que ce n’était pas un piège et qu’un entraînement intense ne les attendait pas dans le détour. « Je leur ai dit qu’on le ferait de la façon qu’ils veulent ! », se souvient Benoît Groulx.

La Coupe Calder a finalement échappé de peu au Crunch, cette année-là. L’équipe s’est inclinée au sixième match de la série finale. Sans jamais, pourtant, s’être entraînée comme une forcenée pendant les mois qui ont précédé.