Le drapeau du Québec était plus visible que le logo du Canadien samedi soir, à l'entrée du Centre Bell. Avant le match opposant le Tricolore au Lightning de Tampa Bay, quelques centaines de manifestants se sont massés devant l'amphithéâtre pour exiger que le club montréalais démontre un plus grand respect envers la langue française.

«Quand un entraîneur est incapable de nous dire en français pourquoi ils ne sont pas bons, c'est inacceptable!, a lancé le porte-parole du Mouvement Montréal français (MMF), le comédien Denis Trudel.

Brandissant des affiches réclamant une plus grande place du français au sein du Canadien, les manifestants ont tenté, en vain, d'interpeller les partisans qui semblaient bien pressés d'entrer à l'intérieur du Centre Bell. «Les amateurs de hockey reflètent un peu l'ensemble de la population, a constaté le président du Mouvement Québec français (MQF), Mario Beaulieu. Il y en a qui sont d'accord avec nos revendications. Un sondage a indiqué que 70% des amateurs de hockey trouvaient cela (la nomination de Randy Cunneyworth comme entraîneur-chef du Canadien) inacceptable. Et c'est 83% des francophones du Québec. Je pense qu'il y a quand même un soutien.»

«On dirait qu'on a oublié que le français est menacé, a remarqué Charlie Pellegrin, une jeune militante du Mouvement Montréal Français qui a l'anglais comme langue maternelle. Le fait qu'on soit juste 500 alors qu'il y a un million de personnes qui regardent chaque partie de hockey, c'est un peu triste.» Plusieurs spectateurs ont néanmoins accepté les drapeaux du Québec distribués par les manifestants qui les invitaient à brandir le fleurdelisé pendant la partie.

Mario Beaulieu croit que la nomination d'un entraîneur-chef unilingue anglophone par le Canadien de Montréal est la goutte qui a fait déborder le vase. «Depuis plusieurs années, il y a une anglicisation qui se développe à l'intérieur du Canadien, a-t-il constaté. C'est une culture d'entreprise qui ne respecte pas le statut du français comme langue commune». Mario Beaulieu a aussi déploré que la musique d'ambiance diffusée au Centre Bell soit majoritairement en anglais et qu'il ne reste plus que deux joueurs francophones au sein de l'équipe. «Il y a plus de joueurs québécois au sein du Lightning de Tampa Bay!», s'est-il exclamé.

Présent au rassemblement avec sa conjointe Édith Cochrane, le comédien Emmanuel Bilodeau a demandé qu'une sorte de discrimination positive soit faite à l'endroit des joueurs francophones. «Je me désengage progressivement du Canadien, a déclaré celui qui a incarné René Lévesque au petit écran. Si c'était une équipe de francophones perdante, je serais quand même là à tous les matchs. Je les supporterais et j'adorerais mon équipe. La Coupe Stanley, ce n'est pas une fin en soi. L'important ce n'est pas de gagner ou même de faire les séries. L'important, c'est qu'à chaque match, on ait de grandes émotions et qu'on s'identifie à l'équipe.»

«Les Canadiens ont été créés pour les Canadiens français, a rappelé Charles Roy, un partisan du Canadien «depuis toujours». Mais, je trouve que depuis 1995, le Canadien se fout de ses partisans parce que de toute façon, il va remplir le Centre Bell. C'est une insulte.»

Coralie Laperrière, 16 ans, estime que le Canadien doit donner l'exemple aux jeunes. «Si les jeunes voient que l'entraîneur-chef est un unilingue anglophone, qui va vouloir parler français? a-t-elle demandé. C'est comme si on disait que parler seulement anglais, c'est bon.»

Certains manifestants ont rappelé que le Canadien n'est pas la seule institution touchée par l'anglicisation. «À la Caisse de dépôt, à la Banque Nationale, au Canadien, on nomme des anglophones alors qu'il y a pas beaucoup de décennies, on s'était battu pour prendre le contrôle de nos institutions», a dénoncé Normand Moreau.

Rappelons que plus tôt cette semaine, le directeur général du Canadien, Pierre Gauthier, a fait un léger mea culpa en indiquant que le facteur bilinguisme sera pris en considération lorsque viendra le temps de réévaluer la situation à la fin de la saison.