Depuis un an et demi, Snake70 impressionne - et fait occasionnellement rager - les habitués du blogue de Mathias Brunet par sa connaissance remarquable des espoirs du hockey. Le flair indéniable de ce traducteur de profession, qui protégeait jusqu'ici rigoureusement son anonymat, lui a même valu un emploi inespéré dans la LHJMQ. Portrait d'un passionné, qui laisse finalement tomber son masque.

Simon Boisvert, alias Snake70, devait avoir 11 ou 12 ans lorsqu'il a commencé à rêver de travailler comme recruteur pour une équipe de hockey, au tournant des années 70.

«J'assistais aux matchs juniors et j'aimais faire des projections. Je regardais les résultats quelques années plus tard et je réalisais que je n'étais pas si pire. Mais surtout, ça me passionnait.»

Entre 1987 et 1990, cet étudiant de 21 ans en administration à l'Université Concordia envoie son CV et une lettre de présentation à la moitié des clubs de la LNH et à une bonne dizaine d'équipes juniors, en plus de quelques clubs de baseball.

«Seul David Dombrowski, alors directeur général des Expos, m'a répondu. Il avait été bien gentil, j'ai encore la lettre d'ailleurs. Il m'avait conseillé d'aller travailler dans les mineures comme bénévole, servir du café, ramasser les supports athlétiques, mais il m'a prévenu qu'il n'y avait aucune garantie parce que c'était un monde très fermé. Je n'étais pas prêt à aller à Wichita servir le café pour 100 piastres par semaine. J'ai alors lancé mon entreprise en traduction.»

Il continuera néanmoins d'écumer les arénas. Une dizaine d'années plus tard, à 35 ans, nouvel espoir: un recruteur qui s'apprête à quitter son poste au sein d'une équipe de la Ligue de hockey junior majeur du Québec entend le recommander à son patron. Manque de pot, celui-ci perd son poste quelques semaines plus tard.

«De temps en temps, j'envoyais une lettre à des clubs juniors ou professionnels, mais ça ne donnait rien. Il y a deux ans, un employé d'une équipe junior m'a répondu que je pouvais toujours essayer de travailler comme recruteur auprès de la Centrale de recrutement du Québec, mais que ça serait difficile parce que je n'avais jamais dirigé ou géré un club de hockey mineur.»

Voilà Snake70

Il y a 18 mois, Simon Boisvert a commencé à intervenir sur le blogue Rondelle libre sur Cyberpresse. «Je n'écrivais pas sur les blogues. Mais celui-ci ne parlait pas seulement du Canadien et je trouvais les intervenants intéressants. J'ai plongé une première fois pour intervenir dans le débat entre John Tavares et Matt Duchene, parce que ça m'enrageait de voir qu'on vantait Tavares à tour de bras.»

De fil en aiguille, Simon Boisvert a peaufiné son personnage de Snake70. Un être mystérieux, tranchant, arrogant, mais connaisseur. Un an avant le repêchage de 2010, il martèle les lecteurs de compliments à l'endroit de Jeff Skinner, qui n'était pourtant même pas répertorié en première ronde. Skinner est aujourd'hui l'un des candidats au titre de recrue de l'année dans la LNH. Snake avouera aussi de façon nette sa préférence pour Duchene.

Il y a deux mois, le directeur des opérations hockey des Screaming Eagles du Cap-Breton de la LHJMQ, Richard Liboiron, reçoit un appel. On lui suggère de surveiller ce Snake70, qui semble s'y connaître en matière de hockey, qui passe des soirées sur l'internet à visionner d'obscurs matchs de hockey junior au Minnesota et qui va jusqu'en Ontario en auto pour assister à des matchs juniors. Il accepte de le rencontrer. Sans avoir d'attentes, évidemment, parce qu'on n'a jamais vu un traducteur de 45 ans accéder à un poste de recruteur sans expérience reconnue. Une heure plus tard, Simon Boisvert était un nouveau recruteur pour les Screaming Eagles, affecté à la USHL aux États-Unis et à la Ligue junior A en Ontario.

«On fait généralement confiance à des gens qu'on connaît, admet Richard Liboiron au bout du fil. Mais ça prend du temps avant de leur faire confiance. Simon, ça a été comme un petit coup de foudre professionnel. Il est cartésien et organisé, ce qui est plutôt rare. Ses rapports sont courts et précis. On n'a pas eu de formation à lui donner. C'est une bonne acquisition pour nous autres.»

Richard Liboiron oeuvre dans le milieu depuis plus de 25 ans. Parallèlement à sa carrière d'éducateur physique au cégep de Bois-de-Boulogne, et membre du conseil d'administration de cette institution scolaire, il a été entraîneur en chef du Junior de Verdun, des Lynx de Saint-Jean, puis directeur des opérations hockey des Wildcats de Moncton puis des Screaming Eagles. Il n'a pas craint de faire confiance à un blogueur, même si cette décision sortait des sentiers battus.

«J'ai tout de suite réalisé qu'il avait une expertise par sa façon d'analyser le talent des joueurs et sa façon de leur donner une chaise. Je l'ai vite emmené avec moi en tournée à Drummondville, puis à Verdun. J'ai déjà une entière confiance en ses rapports. Il y a un joueur dans le midget AAA qui n'est pas reluisant, mais efficace. Sans que je lui en parle, il m'a fait un rapport sur ce gars-là qui correspondait exactement à l'idée que je m'en faisais.»

Un rêve possible

Le parcours du DG montréalais des Blue Jays de Toronto, Alex Anthopoulos, qui a accédé à son prestigieux poste après avoir commencé dans le milieu en répondant au courrier des fans des Expos de façon bénévole, fait saliver Simon Boisvert. Mais il est réaliste.

«J'ai 45 ans et il y a seulement 30 postes de directeurs généraux dans la LNH, répond-il. Si je demeure recruteur pour une équipe junior pendant les 20 prochaines années, je serai heureux.»

Richard Liboiron le voit cependant gravir les échelons. «Il pourrait éventuellement accéder à une position d'importance parce qu'il est déjà visionnaire pour un plan triennal. C'est un gars d'équipe qui respecte la hiérarchie. Il est parfaitement bilingue. Surtout, il est très discret. La preuve, il nous a appelés pour nous demander s'il pouvait accepter les demandes d'entrevues. Il a refusé CKAC et Radio-Canada parce que je voulais d'abord qu'on officialise son statut au sein de notre organisation. Simon sera de retour avec nous l'an prochain, mais on n'empêchera personne de progresser. Si, un jour, quelqu'un a un poste d'importance à lui offrir, la lettre de recommandation va venir avec.»

Simon Boisvert tient tout de même à rassurer nos lecteurs. «Snake est un personnage, et j'avais l'impression que la provocation pouvait me mener quelque part. Dans la vie de tous les jours, j'ai mes idées, je suis tranchant, mais je ne suis pas aussi méprisant et insultant que le Snake...»