La production de Louis Leblanc avec le Junior de Montréal en inquiète plus d'un.

Le premier choix du Canadien en 2009 a été blanchi à ses neuf derniers matchs, ce qui porte sa fiche à 40 points, dont 17 buts, en 39 matchs. Il occupe le 61e rang au classement des compteurs de la LHJMQ.

Certains, plus prompts, diront que le Canadien a gaffé au repêchage et que Leblanc, 19 ans, ne deviendra jamais un joueur offensif d'impact dans la LNH. D'autres, comme son entraîneur Pascal Vincent, affirment qu'il s'agit d'une léthargie passagère qui l'outillera à mieux affronter les rigueurs des rangs professionnels.

«Je ne crois pas que les partisans du Canadien doivent revoir leurs attentes à la baisse, a dit Vincent hier matin dans les gradins de l'aréna Denis-Savard à Verdun, avant l'entraînement du Junior. Va-t-il devenir un compteur de 50 buts dans la LNH? J'en doute. Va-t-il amasser sa part de points? Je le crois. Il deviendra un joueur complet.

«Il a une volonté de marquer des buts qui me fait dire qu'il pourra produire dans la Ligue nationale avec de meilleurs joueurs dans une meilleure ligue. S'il a un coéquipier pour lui mettre la rondelle sur la palette, il va marquer des buts parce qu'il possède un bon tir. Ses performances passées parlent pour lui. Il a produit avec nous depuis le début de la saison. Il a été retenu parmi les 22 meilleurs joueurs au Canada pour le Championnat du monde, il était à une période de la médaille d'or et il a contribué au succès du club (quatrième compteur de l'équipe canadienne avec sept points en autant de rencontres).

«Après le camp de l'équipe junior canadienne, le camp du Canadien, sa participation au Championnat mondial junior, il vit un passage à vide normal. Marc-André Fleury, Stephen Dixon, Ondrej Pavelec ont vécu ça aussi.»

Du soutien

Dans le milieu, on chuchote que Leblanc vit difficilement son passage à vide, qu'il doit apprendre à gérer une pression de produire à laquelle il n'a jamais été habitué et à s'endurcir au plan psychologique.

«C'est pas le fun, on ne veut pas vivre ça, mais je reste positif, dit-il. On regarde les matchs, on se parle, on fait du vidéo, je dois revenir à la base. Quand je rentre chez nous, je mange, je dors et ma famille me soutient peu importe si je compte ou non. Sinon ça serait dommage. Je me fais poser plus de questions par les médias après les matchs, mais si j'ai le sentiment d'avoir donné le maximum, c'est tout ce qui compte.»

Pascal Vincent affirme que le défi est d'ordre psychologique, pas physique. «Il vit de la pression comme jamais auparavant. Mais c'est peut-être la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Les choses ont toujours bien fonctionné pour lui auparavant. Je n'utiliserais pas le terme «facile» parce qu'il demeure un travailleur acharné, mais il n'a jamais eu à vivre un obstacle majeur comme celui-ci. Il a tendance à s'intérioriser quand il vit une période plus difficile. Il doit gérer ces nouvelles émotions, cette attention qui est différente, apprendre à se découvrir comme individu et comme joueur de hockey. On oublie qu'il a seulement 19 ans.»

Le Junior de Montréal tente autant que possible de le soustraire de la pression inutile. «Elle vient de partout la pression, dit Pascal Vincent. On en parle dans les médias et elle vient probablement de son milieu plus proche. Il est très bien entouré. Parfois, il peut s'agir d'un commentaire anodin, on lui fait remarquer qu'il n'a pas compté depuis un certain temps. J'ai parlé de la situation à son agent Pat Brisson. C'est lui qui doit gérer son entourage immédiat, moi, je gère l'entourage de Louis à l'aréna. On verra si on en parlera au Canadien.»

L'entraîneur et directeur général du Junior a mis quelques ressources professionnelles externes à la disposition de ses joueurs, dont Leblanc. «Alain Ishak, un psychologue de formation, qui est aussi mon coach personnel, a dressé un profil de chacun des joueurs. Ça m'aide dans mon travail. On a une culture d'équipe, mais je ne dirige pas tous les joueurs de la même façon. Wayne Haliwell est également venu faire un tour. Louis est sur la bonne voie parce qu'il pose des questions, il est attentif aux consignes, il demande de l'aide. On analyse ses matchs, mais on va au-delà du jeu. Pourquoi a-t-il réagi négativement sur cette séquence? On lui explique ce qui a pu se déclencher comme réaction dans sa tête.»

Un recruteur interrogé hier mentionnait que la progression de Leblanc a été retardée par sa décision de joindre l'équipe de Harvard, dans la NCAA. Identifié à 15 ans comme le plus bel espoir québécois de son groupe d'âge, le jeune homme du West Island a choisi de demeurer une année supplémentaire dans les rangs midget plutôt que de faire le saut dans la LHJMQ, avant de jouer dans un anonymat relatif à Omaha, dans l'USHL, puis à Harvard, dans une division où les matchs sont rares. «S'il avait relevé le défi de remonter un club comme Val-d'Or de la cave du classement, il ne serait pas placé dans une telle situation actuellement. Il est plutôt allé se cacher dans l'USHL et la NCAA.»