Dans un monde idéal, Carey Price ferait son travail tranquille, sans qu'on lui pose trop de questions. Dans un monde idéal, il pourrait sortir de l'aréna sans avoir à signer des bâtons ou des cartes, il rentrerait chez lui, et il passerait une soirée au resto incognito avec des amis.

Ça, c'est dans un monde idéal. Ou à Sunrise, mettons. Mais à Montréal? C'est évidemment impossible, et des fois, Carey Price a un peu de misère avec ça.

 

«Quand on est gardien de but avec le Canadien, ça vient avec le territoire, m'a-t-il expliqué hier. C'est pour ça que je ne lis pas les journaux, que je ne regarde pas les émissions de sports à la télé. Quand j'entends parler de pression, c'est parce que les médias m'en parlent.»

Mais ça ne l'énerve pas. Parce qu'à 22 ans, enfin, Carey Price commence à piger. Plus mature. Moins diva. Plus travaillant. Encore hier, il s'est pointé à l'entraînement une heure avant tout le monde. Pour arrêter des rondelles lancées par Darche et Maxwell.

Des fois, j'ai l'impression qu'on a du mal à saisir ce type. Peut-être parce qu'il n'est pas comme les autres avant lui? Car ce gars-là est un cas, mes amis. Renfermé. Pas trop jasant. Pas charismatique comme Patrick, pas souriant comme Théo, pas super sympa comme le cousin Huet. En plus, il n'a même pas été foutu de gagner une Coupe Stanley à sa première année! C'est pourtant ce qu'il était censé faire...

Oui, il va falloir être patient avec lui. Comprendre qu'il n'est ni Patrick ni Dryden, comprendre qu'il ne veut pas être le visage de cette équipe. Pas pour rien qu'il a fermé sa page Facebook, et qu'il n'est pas sur Twitter. «Les gens n'ont pas besoin de savoir ce que je fais chaque cinq minutes.»

Des fois, il trouve qu'on exagère avec lui. Comme la fois où un comique a mis sur l'internet ses photos de vacances. «Ces images-là ont fait surface alors que l'équipe perdait. Quand l'équipe gagnait, bizarrement, personne ne pensait à sortir ces photos-là», lance-t-il.

Ça ne change rien au fait qu'on a des attentes énormes envers lui. Ça, il en est pleinement conscient. «La première chose qu'on m'a fait remarquer au repêchage de 2005, c'est que le travail le plus difficile au Canada, c'est premier ministre. Le deuxième, c'est gardien de but pour le Canadien de Montréal. C'est un journaliste qui m'avait dit ça.»

Cinq ans plus tard, est-ce que c'est aussi difficile que ça? «Je pense que ce ne sera jamais facile ici. Quand on est un jeune homme dans cette situation, on se retrouve un peu dans une position inconfortable. Mais on apprend à composer avec ça.»

Je lui ai rapporté les paroles de Francis Bouillon. L'ancien défenseur du Canadien me disait cette semaine qu'à Nashville, les joueurs des Predators demeurent de parfaits inconnus dans la vie de tous les jours. Ils peuvent aller n'importe où, faire n'importe quoi. Là-bas, personne ne sait qui ils sont. J'ai demandé à Price s'il n'était pas un peu jaloux de son ancien coéquipier. Il a hésité avant de répondre. «C'est plaisant de jouer à Montréal... mais on ne peut jamais relaxer. Il y a toujours quelque chose. Alors quand je sors, j'essaie de me cacher un peu. C'est pour ça que la casquette de baseball a été inventée.»

Je ne sais pas si Carey Price va devenir un jour celui qu'on nous a promis. Ça, personne ne le sait. En tout cas, il ne semble pas trop s'en faire avec les projecteurs qu'on aime braquer sur lui. «Ici, quelques défaites et on dirait que c'est toujours la panique, alors il faut savoir respirer par le nez», a-t-il ajouté.

Respirer par le nez? Voilà une excellente idée. Autant pour lui que pour nous.