Si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites de façon à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, très peu de villes pourront accueillir les Jeux olympiques d’hiver en offrant des conditions sécuritaires aux athlètes d’ici la fin du siècle, selon une étude de l’Université de Waterloo, en Ontario.

Dévaler une pente enneigée à 120 km à l’heure, les pieds attachés à deux planches, avec un casque comme seule protection, comporte des risques, peu importe les conditions météo.

Mais les risques sont encore plus importants si la neige est lourde parce qu’il ne fait pas assez froid ou encore si la quantité de neige est insuffisante, comme c’est malheureusement le cas dans plusieurs compétitions.

« Le monde des sports d’hiver évolue à mesure que les changements climatiques s’accélèrent, et les athlètes et entraîneurs internationaux que nous avons interrogés sont témoins des impacts sur les sites de compétition et d’entraînement, y compris les Jeux olympiques », a déclaré Daniel Scott, professeur de géographie et de gestion de l’environnement à Waterloo.

Son équipe a distribué un sondage à des athlètes, surtout des skieurs, qui participent à des compétitions internationales. Les sportifs devaient répondre à des questions concernant les conditions météorologiques les plus sécuritaires pour compétitionner.

« Nous voulions comprendre, du point de vue de l’athlète, quelles conditions climatiques et de neige rendent la compétition équitable et sécuritaire, puis déterminer quels hôtes olympiques pourraient fournir ces conditions à l’avenir », a précisé Natalie Knowles, étudiante au doctorat et ancienne skieuse d’élite canadienne qui a pris part à l’étude.

Selon le document, si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites de façon à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, une seule des 21 villes qui a précédemment accueilli les Jeux olympiques d’hiver pourrait offrir des conditions sécuritaires aux athlètes, d’ici la fin du siècle.

Ainsi, dans quelques décennies, les villes de Calgary et Vancouver n’offriraient pas les conditions hivernales qui répondent aux standards de sécurité souhaités par les athlètes et les entraîneurs.

Parmi les 21 villes qui ont accueilli les Jeux olympiques d’hiver, seule la ville de Sapporo, au Japon, serait en mesure de procurer un environnement sécuritaire.

Les chercheurs ont examiné des données climatiques remontant aux années 1920, ainsi que des modèles climatiques qui estiment ce que sera le climat aux horizons de 2050 et de 2080.

Températures idéales

Ils ont interrogé 339 athlètes et entraîneurs d’élite de 20 pays sur la température, la quantité de neige, le type de neige et sa consistance, le vent, la pluie, le brouillard et d’autres éléments météorologiques qui influencent la sécurité des performances.

Les répondants ont observé que les températures plus chaudes accentuaient les conditions de neige défavorables, le stress thermique des athlètes, les bris d’équipement et la visibilité réduite causée par la buée dans les lunettes de ski.

« La température a un impact significatif sur les conditions de neige – des températures particulièrement chaudes rendent la neige lourde et dangereuse à grande vitesse », a fait remarquer un skieur de l’épreuve de l’épreuve de descente en ski alpin, cité de façon anonyme dans l’étude.

Un autre spécialiste du slalom a indiqué que lorsqu’il fait trop chaud, « la tension est difficile à gérer, la fatigue et le risque de blessures sont plus élevés, l’équipement en général, mais surtout les chaussures deviennent trop molles – et le contrôle n’est pas adéquat sur les skis – dangereux ! ».

La majorité des athlètes et des entraîneurs ont indiqué que les températures inférieures à -20 °C ou supérieures à 10 °C sont « inacceptables » pour des compétitions sécuritaires et équitables.

En revanche, ils ont noté en majorité que les températures idéales sont comprises entre -10 °C et -1 °C.

Sotchi : l’exemple à éviter

La ville de Sotchi qui a accueilli les jeux de 2014 est citée dans l’étude dirigée par le professeur Daniel Scott comme étant un exemple de lieu à éviter pour l’organisation de compétitions hivernales.

Avec des températures qui frôlaient parfois 20 degrés Celsius, ces jeux ont été les plus chauds de l’histoire de l’olympisme hivernal, mais ils ont aussi été difficiles et douloureux pour un nombre important d’athlètes.

« Des taux plus élevés d’accidents et de blessures […] ont été en partie attribués à des températures ambiantes plus élevées et à des conditions de neige de moindre qualité », peut-on lire dans l’étude publiée dans le journal Current Issues in Tourism.

Une tendance lourde

L’ancien champion olympique Jean-Luc Brassard dénonce la tendance à organiser des compétitions de ski de grande envergure dans des villes ou il y a peu ou pas de neige, ce qui met à risque la sécurité des athlètes.

En entrevue avec La Presse Canadienne, il a donné l’exemple de Zagreb, en Croatie, ou une épreuve de la Coupe du monde de slalom a été annulée il y a deux semaines en raison d’un redoux.

Le tiers des 61 skieurs avaient complété une descente lorsque la météo a forcé les organisateurs à arrêter l’évènement.

Parmi eux, il y avait Victor Muffat-Jeandet qui s’est cassé le péroné, mettant ainsi fin à son rêve de participer aux Jeux olympiques de Pékin. Sur Facebook, le Français a mis en cause la mauvaise qualité de la neige.

PHOTO GABRIELE FACCIOTTI, ASSOCIATED PRESS

Victor Muffat Jeandet à in Zagreb, en Croatie, le 6 janvier dernier.

« Ça a cédé sous mes appuis, j’ai été déséquilibré et l’ensemble de mon ski droit s’est complètement immobilisé d’un coup dans une neige bizarre et pas uniforme. J’ai tout de suite senti un gros bras de levier, une sensation dans ma chaussure et ça m’a cassé le péroné », a-t-il écrit.

L’évènement « était un désastre et il y avait du gazon qui apparaissait sur la piste » a expliqué Jean-Luc Brassard.

« On a mis la vie d’athlète en danger, tout simplement pour le spectacle », a dénoncé l’ancien champion de ski acrobatique.

Fabriquer de la neige

Pour pallier l’absence de neige naturelle, les organisateurs des Jeux d’hiver de Pékin ont recours à de la neige artificielle comme c’était le cas à Sotchi en 2014 et PyeongChang en 2018.

La Chine a estimé en 2019 qu’elle aurait besoin de 185 millions de litres d’eau pour couvrir les pistes.

Selon l’ONG China Water Risk, basée à Hong Kong, l’eau est pompée dans un secteur agricole qui était déjà en proie à « un important stress hydrique » avant la préparation des jeux.

Le porte-parole des Jeux de Pékin Yan Jiarong a récemment déclaré que « le système d’enneigement artificiel utilise l’équipement d’économie d’eau le plus avancé au monde » et que la situation « n’aura pas d’impact sur la sécurité de l’approvisionnement en eau dans la région et l’environnement écologique ».

Mais comme le souligne le professeur Daniel Scott, « pomper de l’eau au cœur d’une région connue pour sa sécheresse hivernale soulève des questions sur l’aspect durable et écologique des jeux » dont se targue le Comité international olympique.