(Pékin) Plus que tout, c’est la quête du quadruple Axel, la quadruple rotation la plus complexe du patinage artistique, encore jamais réalisée en compétition, qui anime le Japonais Yuzuru Hanyu, double champion olympique en titre désormais distancé dans la course à l’or aux Jeux de Pékin.

Le quadruple Axel, c’est en fait quatre tours et demi en l’air, puisqu’il s’agit du seul saut à se déclencher vers l’avant.  

C’est le Norvégien Axel Paulsen, premier à réaliser cette rotation-d’un seul tour alors-en 1882, qui lui a donné son nom.

Depuis, l’Américain Dick Button a été le premier à sauter un double Axel en compétition aux JO-1948, l’année du premier de ses deux titres olympiques consécutifs. Et le Canadien Vern Taylor le premier à signer un triple Axel il y a 44 ans, aux Mondiaux-1978.

Le quadruple Axel, lui, reste à ce jour un territoire non conquis.

Mais « Yuzu » l’a promis il y a quelques jours dans une vidéo relayée par la Fédération japonaise de patinage et il l’a confirmé après sa déception mardi dans le programme court, dont il s’est classé seulement huitième (95,15) : « je le ferai », a-t-il répondu à la question de savoir s’il tenterait le quadruple Axel lors du programme libre jeudi.

Pas généreusement récompensé

Son premier entraînement sur la glace chinoise lundi n’indiquait pas autre chose : à cinq reprises, il s’y est attaqué, à chaque fois, sa rotation a été incomplète et, à deux reprises, il a chuté, selon des observateurs présents.

« La principale raison pour laquelle je vais à Pékin, c’est parce que je veux réussir le quadruple Axel », a affirmé Hanyu fin décembre, après l’avoir tenté pour la première fois en compétition aux Championnats du Japon. Là aussi, rotation incomplète et réception sur ses deux pieds.

« “Yuzu” vise toujours plus haut. Le quadruple Axel n’a jamais été réussi par personne. Je dirais que quelqu’un y arrivera de mon vivant et j’espère vraiment que ce sera lui. Je prie pour qu’il y arrive parce que c’est très haut sur sa liste », explique à la chaîne olympique son entraîneur Brian Orser, auteur du premier triple Axel olympique en 1984 à Sarajevo.

C’est davantage la beauté du geste que l’intérêt comptable qui guide manifestement Hanyu.

Car, selon le système de points de la Fédération internationale de patinage, le quadruple Axel n’est pas généreusement récompensé en comparaison avec les autres « quads ». Avec une valeur de base de 12,50 points (plus ou moins 5 points selon la qualité de l’exécution), il ne vaut qu’un point de plus que le Lutz.

« Pour faire le quadruple Axel, il doit commencer la rotation pendant qu’il s’élève en l’air. Ce n’est pas : il monte, c’est : il tourne en montant », décrypte Orser, éloigné de Hanyu, rentré s’entraîner seul au Japon, depuis que la pandémie de COVID-19-2019 s’est installée. « C’est une technique différente qu’il est capable de maîtriser. »

Rude épreuve

À quel prix cependant ? Tant en 2018, 2019, que cet hiver olympique (une seule compétition avant les JO-2022), Hanyu a souffert de sa cheville droite, vraisemblablement mise à rude épreuve par son obsession pour le quadruple Axel.  

« La préparation physique est un élément essentiel, vous devez être en très bonne condition physique », soulignait Orser il y a quelques années.  

« Et vous ne faites pas ça toute la saison. Il y a des moments où vous allez travailler hors de la glace pendant six semaines pour préparer votre corps à faire ces “quads” », ajoutait-il.

Jusqu’où le patinage va-t-il devenir plus athlétique ? Et est-ce souhaitable ?

Il y a à peine plus de trois ans, l’Américain Nathan Chen, à l’origine de la surenchère des « quads » depuis 2016 et devenu triple champion du monde depuis, pensait que le quadruple Axel était « réalisable mais (que) ça n’arrivera(it) probablement pas de sitôt ».

Pourquoi pas un quintuple saut un jour ? « Jamais, j’espère !, lance à la chaîne olympique le Suisse Stéphane Lambiel, double champion du monde (2005 et 2006) devenu entraîneur. Je n’ai pas besoin d’en voir. Ce n’est pas cinq tours en l’air qui vont nous rendre meilleurs : ce n’est pas qu’une question de tours mais comment vous les faites. De style. »