(Paris) À 400 jours des épreuves, les Jeux olympiques de Paris 2024 doivent en affronter une première, de taille : le comité d’organisation (Cojo) et d’autres sites ont été perquisitionnés mardi dans des enquêtes du Parquet national financier (PNF), qui risquent de ternir l’image de JO qui se veulent « exemplaires ».

Selon le parquet, ces enquêtes préliminaires portent pour l’une sur des faits présumés de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics, de favoritisme et de recel de favoritisme ; de prise illégale d’intérêts, de favoritisme et de recel de favoritisme pour la seconde. Le tout dans le cadre de marchés liés à la préparation des JO.

Contacté, le ministère des Sports et des JO n’a pas souhaité réagir.

Le ministère public a confirmé à l’AFP l’information de France Télévisions selon laquelle il avait ordonné des perquisitions au Cojo et dans d’autres sites. Celles menées au Cojo se sont terminées dans la soirée, les enquêteurs emportant notamment avec eux « des documents en lien avec des marchés litigieux », d’après une source proche du dossier.

La perquisition concernait aussi la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), chargée de construire les ouvrages pérennes des JO, et présidée par la maire de Paris Anne Hidalgo, d’après le PNF.

La première enquête, ouverte en 2017 et confiée à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, concerne une série de marchés attribués notamment par « le Cojo et le GIP 2024 [le comité de candidature qui précédait le Cojo] », a précisé le PNF.

Ouverte en 2022 et confiée à la brigade financière de la police judiciaire parisienne, la seconde procédure porte, d’après le PNF, sur plusieurs marchés passés par le Cojo et la Solideo. Son lancement est intervenu après un contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA). Selon une autre source proche du dossier, cela concerne des « contrats de conseil » sur « différents sujets ».

« Pleine collaboration »

D’après une troisième source proche du dossier, l’une de ces deux procédures s’intéresse à de potentiels conflits d’intérêts liés à Edouard Donnelly, directeur général des opérations du Cojo qui avait été auparavant prestataire des JO par sa société RNK.

M. Donnelly n’a pas souhaité commenter et RNK n’a pas répondu à l’AFP.

Sollicités par l’AFP, le Cojo et la Solideo ont indiqué qu’ils « collaborent pleinement avec les enquêteurs ».

Le Cojo, qui met souvent de l’avant le fait qu’il soit très contrôlé, a dit mardi à l’AFP que n’avait jamais été « porté à sa connaissance le moindre fait répréhensible ».

« Pour assurer la transparence et la régularité de centaines de marchés », il a mis en place des « procédures exigeantes » avec un comité d’audit et un comité d’éthique, a-t-il rappelé. Le comité d’éthique est présidé par Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’État.

« Risques d’atteinte à la probité »

Le Comité international olympique s’est de son côté dit « rassuré » de voir le Cojo adopter « la seule attitude qu’on est en droit d’attendre, c’est-à-dire la transparence », tout en refusant de commenter les perquisitions en elles-mêmes, selon son directeur général des Jeux, Christophe Dubi.

En avril 2021, deux rapports de l’AFA montraient des « risques d’atteintes à la probité » et de « conflits d’intérêts ». Les inspecteurs de l’AFA avaient estimé que la procédure générale relative aux achats était « imprécise et incomplète », et soulignaient qu’il existait « parfois des situations de potentiels conflits d’intérêts non maîtrisés ».

Dans leurs rapports, ils rappelaient les poursuites pénales ayant frappé les présidents des comités olympiques brésilien et japonais liées aux deux derniers Jeux d’été (Rio en 2016 et Tokyo en 2021), et observaient également que « les risques d’atteinte à la probité sont fréquents dans le cadre des grands évènements sportifs ».

Depuis la fin des JO de Tokyo, plusieurs arrestations et condamnations sont intervenues. En mai, deux anciens responsables d’une entreprise commanditaire des JO japonais ont été condamnés à des peines de prison avec sursis dans le cadre d’un scandale de corruption.

« Cela va leur coller à la peau »

« Ce n’est pas forcément une surprise. Il y avait déjà eu deux alertes, une venant de l’AFA et l’autre d’un ancien membre du Cojo, qui avait d’ailleurs été licencié ensuite », rappelle David Roizen à l’AFP, expert en politique publique sportive.

« Ces perquisitions sont catastrophiques, ils viennent de perdre leur crédibilité, notamment sur le devoir d’exemplarité […]. Cela va leur coller à la peau jusqu’aux JO », analyse-t-il.

Ces perquisitions ne sont pas le seul caillou judiciaire dans la chaussure des organisateurs des JO de Paris. Mardi, dix ouvriers qui ont travaillé à l’époque sans papiers sur les chantiers des JO, ont assigné plusieurs géants du bâtiment, Vinci, Eiffage, Spie Batignolles et GCC, aux prud’hommes de Bobigny (Seine – Saint-Denis), pour obtenir la « reconnaissance » de leur travail et le versement des arriérés de salaires.