(Paris) Travaux suspendus, contestations et coraux brisés : l’organisation des épreuves de surf sur la vague de Teahupo’o à Tahiti a connu de multiples rebondissements depuis l’annonce en fanfare de ce qui se veut être l’un des temps forts des Jeux olympiques 2024.

Décembre 2019 : Teahupo’o décroche les Jeux

Les organisateurs des Jeux de Paris-2024 officialisent le choix de l’île polynésienne et de sa vague mythique pour accueillir les épreuves de surf, sport de glisse qui a fait ses grands débuts à Tokyo.

Située dans l’Océan Pacifique Sud, à 15 000 km de Paris, l’île polynésienne était en concurrence avec trois sites dans le sud-ouest de la métropole et un en Bretagne.

Selon le Comité d’organisation (Cojo), les critères de coût financier ou d’impact environnemental ne permettaient alors pas de distinguer nettement les candidatures, mais « le critère sportif » avait fait la différence.

La qualité de la vague de Teahupo’o est reconnue par les surfeurs du monde entier.

« C’est un honneur et une fierté pour notre territoire, en tant que “nation française du surf”, terre d’origine de la discipline et unique candidat ultramarin, d’avoir été choisi », réagit alors la présidence de la Polynésie française.

Novembre 2021 : Premières inquiétudes

Une délégation du comité d’organisation se rend dans le petit village de la presqu’île de Tahiti pour lever les premières inquiétudes des habitants, qui craignent une transformation irrémédiable du site.

« C’est la première fois que les Jeux vont s’adapter au site, et non l’inverse », insiste à l’époque Anne Murac, en charge au sein de Paris-2024 de la coordination avec la Polynésie française, qui souhaite laisser « l’empreinte la plus minime qui soit ».

Août 2022 : Signature des conventions

Après avoir séjourné six jours sur place, Tony Estanguet, le président de Paris-2024, signe depuis Tahiti trois conventions entérinant le choix de Teahupo’o comme site des épreuves olympiques.

L’une de ces conventions concerne plus spécifiquement l’installation d’infrastructures temporaires à proximité du spot. Certains aménagements, comme la construction de logements pour les compétiteurs sur place, sont refusés par une partie des habitants.

« Nous sommes sur la voie de la réussite », promet tout de même Édouard Fritch, alors président de la Polynésie française.

Été 2023 : Changement de gouvernance

Élu le 12 mai à la présidence de la Polynésie, l’indépendantiste Moetai Brotherson vient à Paris et rencontre la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, et le président du comité d’organisation des Jeux Tony Estanguet, pour évoquer le dossier.

« Nous avons un certain nombre d’exigences par rapport à la tenue de ces épreuves dont on veut absolument qu’elles se déroulent chez nous », dit M. Brotherson. Quelques semaines plus tard, Gérald Darmanin et Oudéa-Castéra vont à leur tour en Polynésie pour s’entretenir avec Brotherson sur les futures installations olympiques.

Octobre 2023 : La tour de la discorde

Le projet d’installation d’une nouvelle tour des juges en aluminium en plein lagon, pour remplacer une tour en bois qui est n’est plus aux normes depuis plus de dix ans, cristallise les tensions sur place.

Mi-octobre, une marche pacifique rassemble plusieurs centaines de personnes, dénonçant les travaux de forage à venir pour installer la tour et s’alarmant d’une possible destruction des coraux.

Moetai Brotherson déclare début novembre envisager de déplacer l’épreuve sur un spot de repli sur l’île, mais il se ravise quelques jours plus tard. La gouvernance polynésienne annonce alors avoir trouvé un compromis avec les opposants, proposant d’installer une tour allégée qui nécessitera moins de travaux dans le lagon.

La légende du surf Kelly Slater et de nombreux autres athlètes internationaux apportent désormais leur soutien à la contestation locale.

Décembre 2023 : Coraux brisés et accord trouvé

Lors d’essais techniques, filmés par des associations de défense de l’environnement, une barge prévue pour l’installation de la nouvelle tour des juges brise du corail.

Moetai Brotherson annule sa visite sur le site et annonce la suspension des travaux. La fédération internationale de surf et l’ONG Surfrider demandent d’explorer « d’autres solutions », mais les organisateurs des Jeux excluent l’hypothèse d’un plan B.

Après plusieurs jours d’échanges avec les associations environnementales, le président polynésien annonce le maintien de l’épreuve à Teahupo’o et la reprise des travaux. Un travail de balisage sera notamment mené par des spécialistes locaux pour créer un chenal permettant de ne pas abîmer les coraux, et les barges destinées aux travaux seront plus petites.