(Paris) Il veut des JO « exemplaires », mais se retrouve au cœur d’investigations du parquet national financier : le président du comité d’organisation des Jeux de Paris-2024, Tony Estanguet, est visé par une enquête sur les conditions de sa rémunération, a-t-on appris mardi.

L’enquête a été confiée à la police judiciaire parisienne la « semaine dernière », a dit à l’AFP une source proche du dossier.

Contacté, le PNF a indiqué ne pas souhaiter « communiquer à ce stade sur l’existence d’une éventuelle enquête préliminaire relative à la rémunération de Tony Estanguet ».

L’ancien champion de canoë a perçu une rémunération annuelle de 270 000 euros bruts jusqu’en 2020, selon des chiffres communiqués par le Cojo dès 2018. Cette rémunération était ensuite susceptible d’évoluer dans une limite de 20 %, en fonction de certains critères de performance, avait indiqué le Cojo à l’époque.

Sollicitée mardi par l’AFP, l’instance, faisant part de son « étonnement » à l’annonce de l’ouverture de l’enquête, a ainsi argué que « le cadre de la rémunération du président du comité d’organisation » était « très strictement encadré ».

Il a en outre rappelé que son patron n’était pas salarié du Cojo, une association de type loi 1901 financée à 96 % par des fonds privés et qui bénéficie d’une dérogation, le caractère lucratif lui ayant été « confirmé par un rescrit fiscal ». Ce statut implique que ses dirigeants ne sont « pas soumis » à un plafond de rémunérations, a-t-il ajouté.

Interrogé par l’AFP sur la raison pour laquelle Tony Estanguet n’était pas salarié, il n’avait pas encore répondu à la mi-journée.

Selon un récent article du Canard enchaîné, l’ancien sportif a créé une société qui facture des « prestations non commerciales » au Cojo. Ce qui interroge sur le contrôle de « la réalité et la qualité des prestations » effectuées par la société d’Estanguet, avait poursuivi le journal dans son article, publié en octobre.

Le Cojo fait de son côté valoir que la rémunération de Tony Estanguet avait « été décidée et validée par le premier conseil d’administration du comité d’organisation le 2 mars 2018, qui a statué en son absence, de façon souveraine et indépendante ».

« Montage atypique »

Le montant de la rémunération a été décidé sur proposition d’un « comité des rémunérations » composé « d’experts indépendants chargés de s’assurer de la pertinence de notre politique de rémunération », a-t-il ajouté.

Les « modalités de versement » de la rémunération de Tony Estanguet « ont été validées par le contrôleur général économique et financier, après consultation de l’Urssaf », a souligné le comité d’organisation.

« Le montant des factures inhérentes à cette rémunération fait l’objet d’un audit annuel » par une « cellule d’audit interne indépendante de l’exécutif du comité d’organisation » ainsi que « d’un examen par le comité des rémunérations », a encore précisé l’instance, en avançant que cette démarche ne correspondait « à aucune obligation juridique », mais répondait « à une volonté de transparence ».

Début 2021, deux rapports de l’Agence française anticorruption (AFA) sur l’organisation des JO (26 juillet-11 août) notaient des « risques d’atteintes à la probité » et de « conflits d’intérêts ».

Dans l’un de ces rapports, l’AFA évoquait le cas de l’entreprise de Tony Estanguet, pointant un « montage atypique dans le cadre d’une association de loi 1901 », qui « n’est pas sans poser de difficultés », rappelle le Canard Enchaîné.

L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (28 août-8 septembre) de Paris fait déjà l’objet de trois autres enquêtes financières distinctes, notamment pour des soupçons de favoritisme et de détournements de fonds publics lors de l’attribution des marchés.

La question des rémunérations des principaux dirigeants du comité d’organisation était devenue sensible dès l’attribution des Jeux à Paris par le CIO en septembre 2017 à Lima. Le Canard Enchaîné avait évoqué à cette époque un salaire de 450 000 euros annuels pour Tony Estanguet, immédiatement démenti par le triple champion olympique.