Je l'ai entendu pour la première fois à l'aéroport. Le douanier, début trentaine, joufflu avec des lunettes et un air inoffensif. Un douanier britannique, donc. En me tendant mon passeport, il m'a lancé ce sésame m'ouvrant les portes du royaume de Grande-Bretagne: «Here you go, mate.»

Je suis resté figé un instant, retournant dans ma tête l'adéquation entre sa fonction et ce «mate» un peu cavalier. Quelques pas plus loin j'étais entré dans le pays. Un pays de ciels gris, de bières brunes et, j'allais bientôt le découvrir, de millions de «mates».

Je me suis depuis fait servir ce mot à toutes les sauces. L'employé d'hôtel: «Have a good day mate!» Le badaud dans la rue à qui on demande les directions: «Je n'en sais rien mate, je viens du Yorkshire.» Le militaire qui vous fouille dans le parc olympique: «On n'entre pas avec une bouteille d'eau ici, mate

Pas d'équivalent en français

Ce mot n'a pas d'équivalent dans notre langue. Les Français ont «mon pote». Mais le douanier et le militaire n'y ont pas recours. Il y a «l'ami», bien sûr, et au Québec, on a «le gros». Mais le premier fait un peu épicier et le deuxième, comment dire...

J'ai demandé à un ami londonien de m'éclairer sur ce mot si polyvalent. «Ce qui est bien avec "mate", c'est que quelqu'un peut l'utiliser pour demander son chemin dans la rue, ou pour dire à un gars qu'il va lui casser la gueule. C'est un mot pour remplir les moments creux dans un dialogue. En fait, ça ne veut rien dire du tout.»

Les Britanniques sont donc pris d'un tic de langage. Comme nous avec «genre», genre. Ou nos analystes de hockey avec «gros bonhomme». Par exemple.