Âgée d'à peine 19 ans, la skieuse américaine Mikaela Shiffrin possède déjà une médaille d'or olympique et deux petits globes de cristal en slalom. Le prodige vise maintenant le grand globe remis à la meneuse du classement général de la Coupe du monde.

Cela passe par une transition graduelle vers les épreuves de vitesse. L'hiver prochain, elle effectuera donc ses premiers départs en super-G. Le plan est d'être compétitive dans cette discipline aux Mondiaux 2015, qui seront disputés chez elle, à Vail, au Colorado.

À 24 ans, bientôt 25, la skieuse canadienne Marie-Michèle Gagnon emprunte la trajectoire inverse. Après avoir élargi son répertoire avec un certain succès la saison dernière, elle revoit ses priorités. Plutôt que d'éparpiller ses énergies dans les quatre disciplines, elle a décidé de se concentrer sur les épreuves techniques, sa spécialité, l'hiver prochain.

«C'est cool de faire des cinquièmes ou des dixièmes places dans toutes les disciplines», relève Gagnon, jointe à Whistler la semaine dernière, où elle a achevé une longue saison avec un 11e titre national grâce à une victoire en slalom. Ça démontre que j'ai le potentiel. Sauf qu'au bout du compte, je veux des podiums. Je veux vraiment me rendre là.»

Elle n'en est pas si loin, surtout en slalom. Elle l'a déjà prouvé avec une troisième place à Äre en mars 2012. Le prochain podium semblait être une question de temps, surtout après un début de saison si constant en 2013-2014: cinquième à Levi, sixième à Courchevel, quatrième à Lienz, cinquième à Bormio...

Cette séquence heureuse lui a valu d'intégrer le groupe des sept premières mondiales de la discipline, «une grosse étape» qui lui donne accès à l'un des meilleurs dossards lors des manches initiales. Elle n'a pas encore su en profiter.

«Souvent, je perds une seconde, une seconde et demie à la première manche, soupire l'athlète de Lac-Etchemin. Après, c'est dur de reprendre des places. C'est du ski solide, constant, mais je ne prends pas assez de risques. Je suis capable de prendre des risques et d'être quand même très solide. Mentalement, il va falloir passer à travers ça. Juste y aller à fond. Cet été, on va vraiment se donner là-dessus.»

Le coeur n'y était plus

Le 12 janvier, Gagnon a signé sa toute première victoire en Coupe du monde, s'imposant lors du super combiné d'Altenmarkt, en Autriche. La veille, elle avait aussi obtenu ses premiers points en descente. À trois semaines de ses deuxièmes Jeux olympiques, à Sotchi, elle semblait partie pour la gloire.

La suite a été moins heureuse. À sa première course en Russie, elle s'est disloqué une épaule en tapant durement dans la neige sur une chute. Sortie de piste en super-G et en slalom géant, elle a sauvé les meubles en slalom, mais elle visait autre chose qu'une neuvième place. Elle a bien failli rebondir sur le podium deux semaines plus tard, encore à Äre, mais elle a enfourché à mi-parcours.

Une fin de saison en dents de scie lui a confirmé que ses forces l'avaient abandonnée. Aux finales de la Coupe du monde de Lenzerheide, il y a deux semaines et demie, le coeur n'y était plus. «J'étais vraiment morte, je n'avais plus d'énergie», a admis Gagnon, particulièrement déçue par ses prestations en slalom géant. «Je n'avais pas la vitesse voulue et les résultats non plus. Ça m'a fait un peu remettre en question mes plans pour l'an prochain.»

Exit la descente, donc. Elle limitera également ses sorties en super-G, où elle a fini deux fois parmi les 10 premières avant Noël. Elle ne fait pas une croix définitive sur la vitesse, mais elle estime qu'elle doit consacrer plus de temps à l'entraînement en géant, la discipline fondamentale du ski alpin.

Offre flatteuse

Dans le milieu, la progression de Gagnon n'est pas passée inaperçue. Après Sotchi, Stoeckli s'est informé de l'intérêt de la Québécoise à passer sous ses couleurs. Le fabricant suisse recherchait une future candidate au grand globe de cristal pour remplacer Tina Maze. Médaillée d'or en géant à Sotchi et gagnante du grand globe en 2013 avec un nombre record de points, la Slovène de 30 ans prévoit se retirer à la fin de la prochaine saison.

Le Suisse Hugues Ansermoz, en passe de terminer son mandat d'entraîneur-chef de l'équipe féminine canadienne, est celui qui a été contacté par Stoeckli. «Ils m'ont dit: on ne peut pas se permettre de prendre une star établie, on veut quelqu'un qui va monter, on pense qu'elle a le potentiel», a-t-il révélé au téléphone depuis la Suisse.

Gagnon a préféré poursuivre son association avec Rossignol. L'offre de Stoeckli était flatteuse et alléchante, mais elle comportait sa part de risques: elle aurait eu à jouer un rôle beaucoup plus important dans la mise au point de l'équipement. «Marie-Michèle est très contente chez Rossignol, qui a probablement les meilleurs skis de slalom pour elle», a expliqué Ansermoz.

L'équipementier a d'ailleurs invité la Canadienne à prendra part à un stage de tests dans quelques jours en Norvège. Elle y retrouvera plusieurs des meilleures skieuses du monde, dont la talentueuse équipe technique suédoise. Les Nord-Américaines ont rarement accès à cette période cruciale de développement, note Ansermoz.

Gagnon regrette le départ de son entraîneur-chef, qu'elle attribue aux difficultés financières de Canada Alpin: «J'avais une belle relation avec Hugues. Ça fonctionnait bien avec lui. C'est vraiment quelqu'un qu'on adore. C'est triste que ça doive se faire. Après l'année olympique, ça fait souvent mal.»

Officiellement, le père de trois jeunes filles s'arrête pour des raisons familiales, mais il aurait été prêt à rester si elle avait obtenu des garanties de la part de la fédération. Son poste d'entraîneur-chef sera simplement aboli dans la structure que met en place le nouveau directeur alpin, le Suisse Martin Rufener.

Ce dernier soutient que l'argent n'a rien à voir dans cette décision. «Pour dire les choses crûment, je n'ai pas besoin d'entraîneur-chef quand j'ai, en ce moment, un groupe féminin de quatre ou cinq athlètes», explique Rufener. Il veut réaffecter les ressources de façon à se concentrer davantage sur l'encadrement des jeunes skieurs. Les responsabilités de l'entraîneur-chef seront prises en charge par les entraîneurs des différentes disciplines.

En pratique, ce réaménagement n'aura aucun impact sur Gagnon. Après trois étés à s'entraîner avec ses coéquipières à Canmore, elle passera l'intersaison à son nouveau domicile de Lake Tahoe, en Californie, d'où est originaire son amoureux, le skieur Travis Ganong. Une façon de «recommencer à zéro» avec l'intention, un jour, de pouvoir chauffer Mikaela Shiffrin.