Au premier essai, le téléphone a ouvert par inadvertance. Personne au bout du fil. Simplement le «swoosh-swoosh» de skis glissant sur une piste. Autre essai, même résultat. Cette fois, l'écho du «squish-squish» de bottes mordant une neige sèche et froide résonnait dans le haut-parleur. Il n'y avait pas d'erreur, le numéro était le bon. Celui d'Alex Harvey, qui s'entraînait sous les étoiles vers 16h, hier. À Gällivare, en Suède, au nord du Nord, là où le soleil se lève tard et se couche tôt.

Harvey ne s'est jamais rendu compte que son iPhone lui avait joué des tours. On s'est repris quatre heures plus tard pour cette interview sur la saison 2010-2011, qui s'ouvre samedi avec le 15 kilomètres style libre de la Coupe du monde de Gällivare.

À part le numéro un mondial, le Norvégien Petter Northug, incertain à cause de la maladie, tous les grands noms seront du départ. Le ski de fond échappe donc au mouvement de désaffection qui frappe souvent les sports en année post-olympique.

Cela s'explique: les Mondiaux auront lieu cet hiver à Oslo, en Norvège, sur les fameuses pistes d'Holmenkollen. «C'est mythique comme endroit, rappelle Alex Harvey. C'est la Mecque du ski de fond. Les gens font du camping sur le bord de la piste pour assister aux courses. Le roi de Norvège y a sa loge. Pour le ski de fond, ce sera plus gros que les Jeux olympiques.»

Harvey a ciblé deux épreuves individuelles, les 30 et 50 kilomètres, et le relais 4X10 km, où les Harvey, Ivan Babikov, Devon Kershaw et George Grey sont «un peu passé à côté» aux JO de Vancouver. «Quand tous les gars sont en bonne forme, on peut être un des pays qui rivalisent pour le podium», estime le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges.

La Norvège est aussi l'endroit où Harvey a décroché le premier podium individuel de sa carrière en Coupe du monde, le bronze au 50 kilomètres classique, en mars 2009. Cette année-là, la traditionnelle course d'Holmenkollen avait été exceptionnellement présentée à Trondheim en raison de travaux de rénovation au stade où seront disputés les Mondiaux 2011. A-t-on besoin de rappeler que Pierre Harvey, le paternel, y a décroché l'une de ses trois victoires en Coupe du monde lors du 100e anniversaire de la présentation de la course. Cela lui avait valu un repas avec le roi.

À 22 ans, Alex Harvey commence seulement à exploiter son potentiel. Déjà, il sent qu'il a fait des bonds de géant par rapport à l'an dernier, où à part des JO fumants (trois top 10), «ça n'a pas été extraordinaire», de son propre aveu: «J'étais toujours un peu fatigué. Il me manquait juste un petit quelque chose.»

Or à l'entraînement au cours des derniers mois, il a été en mesure d'augmenter le volume et l'intensité sans en payer le prix comme avant. «J'ai été capable de récupérer juste un peu mieux après chaque période d'entraînement, relève-t-il. Il n'y a pas eu une journée où je me suis dit: bon, ça ne marche pas aujourd'hui. C'est bon signe.»

Harvey en veut pour preuve ses sensations et ses résultats lors de deux épreuves FIS le week-end dernier en Suède. Après une semaine intense d'entraînement, qui marquait son retour sur la neige après une absence de trois mois, il a entre autres fini cinquième d'un 15 kilomètres style libre. Seul son ami Kershaw et trois des meilleurs Suédois, dont le champion olympique Marcus Hellner, l'ont devancé. Il y a de quoi s'encourager pour le Québécois, qui visera à se classer plus régulièrement parmi les 30 premiers cette saison. Avec à l'occasion un oeil sur le podium.

Cela semble relever du hasard, mais Harvey est bien en vue sur la nouvelle page d'accueil du site web officiel de la FIS. On le voit en plein effort, sur le point de gagner un sprint intermédiaire lors d'une Coupe du monde en Slovénie. À quand son visage à côté des manchettes?