La fondeuse Dasha Gaïazova est en Utah pour les deux prochaines semaines. Elle participe à un camp en altitude avec l'équipe américaine. Non, elle n'a pas changé de citoyenneté. Elle n'est plus la bienvenue dans l'équipe canadienne de Coupe du monde. Elle fait donc bande à part dans ce qu'elle appelle l'équipe «limbo».

«C'est absolument ridicule, bizarre», a raconté Gaïazova à la veille de son départ pour les États-Unis, le week-end dernier.

Elle qualifie d'injuste la situation qui prévaut depuis mai. Au quatrième jour d'un camp en Oregon, son entraîneur Justin Wadsworth lui a ordonné de rentrer chez elle, en Alberta. Il lui reprochait son manque d'engagement. Gaïazova a par la suite raté tous les camps estivaux, s'entraînant seule de son côté. Elle a aussi été privée des services offerts aux membres de l'équipe (massothérapie, physiothérapie, préparation mentale, etc.), jusqu'à ce que la situation soit rétablie à la fin d'août.

S'il est acquis que Gaïazova participera aux premières épreuves de Coupe du monde, le mois prochain, sa réintégration complète dans l'équipe se fera à certaines conditions. «Ça va dépendre de son engagement dans le programme», a expliqué Thomas Holland, directeur haute performance à Ski de fond Canada (SFC). «Si elle sent qu'elle n'est pas en mesure de s'engager complètement, on pensera alors à un plan B, ce qu'elle fait en quelque sorte en ce moment.»

Ainsi, SFC a accepté que Gaïazova soit entraînée par son entraîneur de club, John Jaques, en collaboration avec Wadsworth.

Que reproche-t-on à la fondeuse de 27 ans? «Disons que Dasha aime faire les choses à sa manière. Je ne peux vous donner tous les détails, mais c'est une situation qui dure depuis un bon moment», a indiqué M. Holland.

Sans jeter tout le blâme sur son entraîneur, Gaïazova cite un conflit de personnalités et un problème de communication. «Je n'ai jamais eu une très bonne relation avec lui, a souligné celle qui a vécu une dizaine d'années à Montréal. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce qu'on a un caractère similaire ou complètement contraire. C'est vraiment dur pour lui et très stressant pour moi.»

«D'accord, je ne suis pas parfaite et c'est sûr que j'ai mon caractère, a poursuivi celle qui était classée 31e en Coupe du monde l'hiver dernier. Dans le sport, tout le monde est très passionné. Il y a sûrement des compromis qui doivent être faits. Mais je n'ai jamais eu une aussi mauvaise relation avec un entraîneur au point où on était incapables de s'écouter ou de travailler ensemble!»

Stabilité

Un premier conflit a éclaté la saison dernière, la première de Wadsworth à la tête de l'équipe canadienne.

En octobre, Gaïazova a refusé de prendre part à un camp prévu à Sunshine Village, en Alberta. En l'absence de neige, elle avait préféré s'entraîner et reprendre ses forces chez elle avant de partir six semaines en Europe. Elle avait été mise en probation jusqu'en décembre, une mesure qu'elle jugeait «non professionnelle». Elle dit néanmoins avoir pris cet avertissement très au sérieux.

Elle a ensuite connu la meilleure saison de sa vie, montant pour la première fois sur le podium en Coupe du monde et se classant sixième au relais sprint avec Chandra Crawford aux Mondiaux d'Oslo.

Gaïazova croyait la situation rétablie jusqu'à ce qu'on lui montre la porte lors du camp en Oregon. Wadsworth aurait mal réagi à une demande de son athlète, qui souhaitait une modification à son programme en raison de ses difficultés à trouver le sommeil.

L'Américain de 43 ans a connu beaucoup de succès avec l'équipe masculine l'hiver dernier, menant entre autres Alex Harvey et Devon Kershaw vers un titre mondial historique à Oslo. Très organisé et apprécié, l'ancien fondeur olympique, marié à Beckie Scott, a insufflé de la stabilité à une équipe qui en manquait depuis plusieurs années.

«Justin est un très bon coach, très passionné et motivé, a souligné Gaïazova. Sa façon de travailler est de tout organiser pour que tout soit prêt pour les athlètes. Moi, je veux avoir un peu plus de pouvoir et participer aux décisions.»

M. Holland défend la position de son entraîneur. «Bien sûr, on doit écouter les athlètes et reconnaître leurs besoins spécifiques. Mais on ne peut pas avoir un programme à la pièce où chacun prend ce qui fait son affaire», a-t-il précisé.

Le directeur rappelle les succès du «modèle québécois» et l'intégration de Louis Bouchard, entraîneur d'Alex Harvey, à l'équipe de Coupe du monde. N'empêche, il y a deux ans, Harvey s'était vu menacé d'être retiré de l'équipe s'il ne se conformait pas aux exigences du programme national. Une solution avait été trouvée après que l'histoire eut fait les manchettes. «C'était une situation différente», a prétendu M. Holland.

À la veille de son départ pour l'Utah, Gaïazova a participé à une rencontre avec Wadsworth, M. Holland et la psychologue de l'équipe. Une sorte de «thérapie de couple» pour rétablir les ponts avec son entraîneur. Une rencontre «intéressante» même s'il reste «beaucoup de travail à faire». «Justin a été engagé jusqu'aux prochains Jeux olympiques et moi, je veux skier jusque-là, a rappelé Gaïazova. On doit trouver une façon de travailler ensemble. On n'a pas besoin d'être les meilleurs amis.»